mercredi 5 juin 2024

Se libérer du mental

 


  • Écoutez aussi souvent que possible cette voix dans votre tête. Prêtez particulièrement attention aux schémas de pensée répétitifs, à ces vieux disques qui jouent et rejouent les mêmes chansons peut-être depuis des années. C’est ce que j’entends quand je vous suggère « d’observer le penseur ». C’est une autre façon de vous dire d’écouter cette voix dans votre tête, d’être la présence qui joue le rôle de témoin.

  • Lorsque vous écoutez cette voix, faites-le objectivement, c’est-à dire sans juger.

  • Ne condamnez pas ce que vous entendez, car si vous le faites, cela signifie que cette même voix est revenue par la porte de service. Vous prendrez bientôt conscience qu’il y a la voix (Le mental) et qu’il y a quelqu’un qui l’écoute et qui l’observe qu'on appelle la conscience.

  • Cette prise de conscience que quelqu’un surveille, ce sens de votre propre présence, n’est pas une pensée. Cette réalisation trouve son origine au-delà du « mental ».


    (Le pouvoir du moment présent - Eckhart Tolle)
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lundi 3 juin 2024

Tout sert !

Y aurait-il la moindre parcelle de vivant qui n’ait son utilité ?

J’ai beau scruter : dans le monde végétal, tout sert. Le plus visible est la chaîne alimentaire. Mais pas seulement. Le végétal contient des principes actifs pour soigner les animaux et les humains. Il constitue la base de la pharmacopée. Il régule le climat. En se nourrissant du minéral terrestre et de la lumière céleste, il montre subtilement l’amour inconditionnel : recevoir-donner.


Le minéral qui nourrit le végétal est indissociable de la chaîne du vivant. Chaque atome, dans sa spécificité, s’unit à un autre pour constituer le socle de la vie terrestre visible. Par exemple le carbone aux multiples affinités ou la combinaison hydrogène-oxygène pour son environnement gazeux.

Y aurait-il le moindre insecte, le moindre animal qui n’ait son utilité ? Même si je connais peu d’animaux parmi leur immense diversité, je sais que chaque espèce possède un instinct dominant qui lui est propre, et lui donne une façon unique d’exister. Et nous sommes la sommation du monde animal. Nous leur devons la base de ce qui constitue notre personnalité.

Avec un petit truc en plus : la parole. Tout a son utilité. Et l’homme n’aurait pas d’utilité ?

Au sommet de l’évolution, le petit dernier arrivé sur terre n’aurait pas sa place active dans la chaîne du vivant ?


L’être le plus complexe de la création a, comme les autres, son utilité. Bien sûr, son originalité, c’est qu’il doit trouver sa propre utilité. Elle est forcement singulière car chaque être humain est singulier.

Mais la famille humaine a reçu et sait la nature de son service, à la suite des règnes qui nous ont précédés. Être comme le minéral, croître comme le végétal, instinctivement ensemble comme l’animal, en le sachant par sa personnalité, son rôle : donner de l’amour. 

Mettre de la paix là où il y a la guerre, de l’ordre là où le désordre gouverne, mettre de la douceur où la haine domine.

Donner de l’amour, selon sa propre forme, voilà l’utilité dévolue à chacun.

Christian Rœsch

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dimanche 2 juin 2024

Le feu de la vie

Qu’est-ce qui préoccupe les gens dans la vraie vie comme disent les journalistes ?

Est-ce le pouvoir d’achat ? La guerre qui nous entoure ? Le prochain week-end prolongé ?

La destruction de la nature ? Les élections européennes ? La faim dans le monde ?

Non, ce n’est aucun de ces sujets. C’est la somme de tous les sujets qui provoque une certaine inquiétude. Derrière, se profilent les grandes questions sous-jacentes : Quel est le sens de tout ça ? Pourquoi la souffrance ? Qu’y puis-je ? Pourquoi suis-je sur terre ?

Sans réponse, la vie suit son cours comme l’eau va à la mer… et finit comme une goutte dans l’océan… dissoute.

Pourquoi certains, à l’occasion d’une souffrance importante, de circonstances particulières, ou sans raison apparente, ne se contentent pas de non-réponse ?

Ils lisent, écoutent, examinent, se questionnent. Et parfois entendent ce que le feu de la vie leur répond. 


Le feu de la vie a toujours deux aspects inséparables : chaleur et lumière. 

La chaleur répond par l’amour : Nous sommes nés de l’amour pour incarner l’amour. 

La lumière répond : L’existence humaine a du sens ; nous sommes là pour progresser en connaissance de l’ordre de l’univers, en servant cet ordre avec amour.

Ce feu, c’est la foi. Autrefois, elle consistait à croire ce qui avait été dit et que les yeux ne voyaient pas. Et c’était juste. Aujourd’hui, la foi demande à expérimenter ce qu’on ne voyait pas. 

Voir, entendre, suivre et vivre le feu de la vie.

La Tradition chrétienne l’appelle Esprit-Saint.

« Demandez, demandez sans cesse. Il vous sera répondu ».

C’est la nouvelle Pentecôte, individuelle.

Toujours la même, en réalité ; le feu ne change pas.

Christian Rœsch

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samedi 1 juin 2024

Qu'est ce qu'être normal ?

(extrait du "carnet")

Daniel Roumanoff raconte qu’ayant emmené Swamiji sur un marche en normandie, ce dernier fit ensuite la réflexion qu’il n’y avait vu qu’une seule personne « normale »
De fait , Swami Prajnanpad présentait souvent comme un accomplissement rare et considérable le fait de devenir ce qu’il appelait « normal ».

« Normal », un mot bien ambigu de par ses connotations…
Comment comprendre cette notion de « normalité », propre à prêter à bien des confusions , notamment eu égard aux « normes » auxquelles on se réfèrerait ?
« Normal » selon quelles normes, au juste ?
Etant entendu que les normes, comme la morale qui d’ailleurs en est une, évoluent, voire changent considérablement selon les époques et cultures…
Qu’est ce donc, en tant que personne, que être de plus en plus « normal , ou de moins en moins « anormal », par delà les critères moraux, les références et appréciations subjectives ?
Je propose ici quelques pistes nées d’une longue observation et réflexion.
Ce que j’appelle ici « anormalité » doit être entendu au sens que lui confère Swami Prajnanpad. Ce terme n’implique aucun jugement ou rejet qui seraient eux mêmes des manifestations d’ « anormalité ». Il s’agit en quelque sorte d’un terme technique, comme lorsque l’on dit d’une personne en mauvaise santé qu’elle est malade ou « souffrante » .
Se sentir « en place", comme si tout en notre personne était désormais à peu près en ordre.
En place et à sa place.
Ce sentiment pourra être favorisé par l’âge et la maturité, étant bien entendu qu’il ne suffit pas d’avancer en années pour se sentir en place et à sa place.
Un enfant ou un jeune non perturbé (cas de figure certes bien rares) pourraient aussi connaitre ce sentiment.
Se sentir perpétuellement ailleurs qu’à sa place, notamment passé un certain âge, constitué un symptôme d’ « anormalité »;
Eprouver une intensité de vie, oui, mais pas ou très peu de tendance à l’excès en quelque domaine que ce soit.
Une capacité à user de tout mais n’abuser de rien.
Toute propension à l’excès (ne pas confondre excès et aptitude à « se lâcher » aux moments et dans un contexte approprié) est un signe d’ « anormalité ».
Une totale absence de rigidité coïncidant avec une grande rigueur.
Par conséquent, une éthique (ne pas confondre avec morale) en même temps que une vive souplesse, une capacité d’adaptation sur tous les plans, aussi bien en matière alimentaire que pour tout ce qui touche au mode de vie et comportements.
Toute rigidité dans quelque domaine que ce soit est un symptôme d’anormalité.
Une radicale absence de principes (ne pas confondre avec absence d’éthique )
Une profonde indifférence aux idéaux, quels qu’ils soient (ne pas confondre avec des points de visée inspirants).
Des valeurs, oui, mais intégrées et ne relevant pas de l’idéologie, des croyances, de la religion.
De ce fait une absence d’opinions, sinon totale, du moins d’opinions arrêtées et inamovibles auxquelles s’identifier.
De ce fait une imperméabilité à tous les nationalismes, régionalismes, corporatismes ,(ce qui n’exclue en rien de se sentir en tant qu’humain lié mais non identifié à une nation, une région, une corporation,) aux discours identitaires , quelqu’ils soient et d’où qu’ils viennent.
Toute pulsion prosélyte en quelque domaine que ce soit, toute mise en avant revendicatrice d’une identité, toute propension à brandir une morale, à défendre bec et ongles un « camp » , tout extrémisme, religieux, politique, artistique, ou autre, constituent des symptômes d’« anormalité ».

Une liberté intime vis à vis de tous les cadres, contextes, institutions y compris spirituelles, cette liberté se traduisant paradoxalement par une aptitude à respecter et se conformer à tous les cadres, contextes et institutions y compris spirituelles, dès lors que cela s’avère nécessaire et juste.
Toute identification à une institution , tout comme le rejet de principe du moindre cadre institutionnel, constituent des symptômes d’« anormalité »
Une capacité prononcée à la remise en cause coïncidant paradoxalement avec une profonde confiance en soi (ne pas confondre avec prétention ).
Une personne « normale » est toujours disposée à s’expliquer si nécessaire mais ne se justifie jamais. Pas plus qu’elle n’alimente et ne participe à de pseudo débats et autres caricatures de discussions (sur les réseaux sociaux, en particulier, comme dans le quotidien en général)
Toute inaptitude à se remettre en cause constitue un symptôme d’ « anormalité ». Toute propension à vainement « débattre » et à confronter stérilement des opinions sans que quiconque soit prêt à la moindre remise en cause constitue un symptôme d’« anormalité »
Une aptitude aussi bien à la relation qu’à la solitude, à la convivialité qu’à l’isolement.
Toute inaptitude à la solitude aussi bien que toute forme de misanthropie constituent des symptômes d’ « anormalité »
Une aptitude à être heureux, à pleinement goûter ce qui nous est donné ;
à ne pas se rendre malheureux par le jeu des comparaisons, pensées, émotions justifiées et donc alimentées…
Ne pas se réjouir chaque jour de ce qui nous est donné constitue un symptôme d’ « anormalité »
Une créativité naturelle, la créativité ne se limitant pas aux domaines artistiques.
Toute inaptitude à innover , à raisonner en dehors de la boîte, constitue un symptôme d’ « anormalité »
Une aptitude à tranquillement mener quantité de choses de front.
Tout débordement persistant, qui plus est chronique, est un symptôme d’anormalité.
Une relative tranquillité.
Toute agitation persistante constitue un symptôme d’ « anormalité »
Etre fiable.
Pouvoir compter sur soi même et savoir que les autres peuvent compter sur vous.
De ce fait être constant. Un personnage ne chasse plus l’autre.
De ce fait, être responsable : en capacité à répondre de manière juste à ce qui est demandé.
Toute non fiabilité chronique, toute inaptitude à tenir sa parole, à faire même des choses simples auxquelles on s’est engagé ou qui nous sont objectivement demandées, constituent des symptômes d’ « anormalité
Etre naturellement et a priori ouvert : une ouverture naturelle à l’autre, aux autres, avec de temps en temps là aussi la nécessité de reprendre les commandes.
Par la même une forme de générosité procédant d’un ressenti de non séparation au sein de la différence.
Trouver sincèrement sa joie en celle de l’autre.
Une aptitude à la compassion, ou tout du moins à un certain degré de cette qualité sacrée.
Toute fermeture, toute attitude méprisante ou négligente de l’autre, quel qu’il soit, tout jugement auquel on s’identifie, constituent des symptômes d’anormalité
Un souci continu de l’essentiel.
Une aptitude à spontanément discerner l’essentiel de l’accessoire, l’anecdote du principe .
Toute indifférence prolongée aux enjeux essentiels de la condition humaine constitue un symptôme d’ « anormalité ».
Une capacité à distinguer le vrai du faux.
Une acuité d’évaluation - dépourvue de jugement.
Un œil acéré permettant, sans rejet, de détecter les postures, les faux semblants, les attitudes, les prétentions, tout ce qui n’est pas « en place » et ajusté.
Et du « bon sens », beaucoup de bon sens, c’est à dire un sens de ce qui est objectivement juste, sain, en place, et de ce qui ne l’est pas dans l’instant , encore et toujours en toute liberté vis à vis des opinions, critères et normes en vigueur.
De ce fait une méfiance (non rejetante) instinctive vis à vis de tout ce qui peut relever du simplisme, des amalgames , des raccourcis.
Une personne normale est naturellement peu réceptive aux discours réducteurs, aux théories fumeuses et, en matière spirituelle, aux revendications et proclamations « d’éveil ».
Une personne normale est essentiellement simple mais jamais simpliste, toujours attentive à la complexité et ne cherche en rien à nier cette dernière.
Toute attirance pour les théories simplistes, les idéologies réductrices, les raccourcis et autres constituent des symptômes d’ « anormalité ».
Enfin, plus une personne est normale, moins il lui viendra à l’idée de s’attribuer quoi que ce soit, y compris sa "normalité"

Gilles Farcet
 
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vendredi 31 mai 2024

Un bruit méditatif

 Mes chers amis,


Je reprends des propos de Jean Marc Falcombello dans sa méditation de lundi : "un bruit nous dérange tant qu'il nous dérange".

En effet quand nous ne sommes plus dérangé par ce bruit, il ne nous dérange plus !

Oui, c'est évident, et alors ?

Alors cela signifie simplement que le bruit n'est qu'une cause à laquelle nous pouvons réagir ou pas. Le dérangement n'est pas inhérent au bruit, mais est inhérent à nous, puisque le même bruit peut nous déranger ou pas.

Quelle est la réaction la plus utile, lutter contre le bruit ou prendre conscience de notre réaction, de notre dérangement. Si la cause est facilement modifiable, faisons le nécessaire. Si la cause n'est pas modifiable, voyons si nous pouvons modifier notre réaction.

Ceci ne vaut évidemment pas que pour les bruit, mais vaut pour toutes nos perceptions.

La méditation est un moment où nous pouvons essayer de prendre conscience de nos réactions, de ce qui nous dérange...

Avec ma profonde amitié pour vous tous, je vous souhaite à tous une très belle journée, conscient de ce qui vous dérange.

Philippe Fabri

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jeudi 30 mai 2024

Création d'un premier ashram

Voici le deuxième épisode de la série Une Lignée vivante grâce à "Les Films de la Table 10"
Il relate la genèse de Lotbinière, premier ashram d’Arnaud Desjardins au Québec.
Il y est question d’influences d’un autre ordre et de destins croisés : celui d’Eric Edelmann qui relève le défi de tout quitter pour se lancer dans une aventure très exigeante. Celui d’un groupe d’élèves québécois qui demande un accompagnement plus soutenu, dans un contexte culturel et historique de méfiance envers l’autorité spirituelle.


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mercredi 29 mai 2024

Site de Sabine Dewulf à découvrir

Je vous présente le nouveau site de Sabine Dewulf (presque complet) :

sabinedewulf.fr


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En cadeau un poème :


Le poids se descelle
de ce que je croyais porter.

Forêt luttant contre poussière 
écarte murs de pluie.

Le cœur a ses marées d’eau douce,
ses bras de ciel. 

Les bruits du monde sont
des ondes, des vagues.

L’oreille, mon navire.

Le tronc se hausse, 
poussant à bout de bras l’opulence.

Tout le corps prend racine.

Tu es restée l’enfant depuis la profondeur, 
jambes aux branches mêlées.


Sabine Dewulf, extrait de "Habitant le qui-vive", d'après une œuvre d' Ise Cellier intitulée "Le Porte-monde" (2018), Editions L'herbe qui tremble, 2022

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mardi 28 mai 2024

Le yoga


 

« Le yoga (telle posture, tel pranayama, telle méditation, etcetera),


… c’est comme ça et pas autrement »

… c’est tout (et n’importe quoi) »


Entre les deux, trouver l’équilibre.


Une structure, une discipline,

mais dans laquelle on ne se rigidifie et on ne s’enferme pas.


Une ouverture, une souplesse,

mais dans laquelle on ne se dilue et on ne se perd pas.


Pourtant si simple.

Mais apparemment pas facile pour autant.


On peut tellement tout aussi bien être esclave de la légèreté que de la rigueur.


Entre les deux extrêmes,

trouver la juste place.


A réactualiser d’instant en instant,


Le dosage approprié variant

selon les moments,

les personnes,

leurs besoins,

leurs possibilités,

leurs circonstances,

tout simplement.


Réévaluer, adapter, affiner.


Identifier un excès ?

Le laisser être contrebalancé.

Sans violence, au risque de basculer dans l’excès opposé.

Le laisser être contrebalancé.


Tout concourt tout le temps à retrouver son juste équilibre lorsque, tout en y étant vraiment présent, on ne vient néanmoins pas s’en mêler (s’emmêler ?)


Comme un souffle qui naturellement s’apaise après s’être emballé,

Comme un souffle qui de lui-même reprend son fil après avoir été coupé.


Expérimenter le contraste

Jusqu’à ce qu’il ne soit même plus nécessaire de le vivre pour se sentir vivant.


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Sculpture : Frederick Edward McWilliam, Variante de Gomukhāsana ? 🙂

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lundi 27 mai 2024

Exercice de gratitude

 Exercice de gratitude du matin, pour prendre soin de notre vie


Cet exercice consiste à explorer, dès le réveil, les éléments positifs que nous parvenons à identifier dans l’instant : se réveiller dans une chambre agréable, percevoir la luminosité dans la pièce, penser à une chose positive prévue au cours de la journée à venir... 

Cet exercice nous aide à prendre davantage conscience des spécificités de notre quotidien qui peuvent passer inaperçues une fois que nous nous y sommes habitués. Par exemple, au début, lorsque l’on achète un nouveau matelas ou que l’on emménage dans un nouvel appartement, l’on apprécie ses qualités, mais, au bout ce quelques semaines, notre attention n’est plus attirée par ces particularités. Nous nous habituons rapidement au confort, à la propreté, à la décoration. 

Pratiquer un exercice d’attention le matin, c’est comme essayer une nouvelle paire de lunettes: cela nous aide à redécouvrir ce que nous ne voyons presque plus. Porter notre attention à ce que nous avons de précieux, aux proches que nous apprécions, nous encourage à nous y intéresser davantage et à en prendre soin.

Extrait du livre "Prendre soin de la vie".

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dimanche 26 mai 2024

Surmonter la tragédie en prenant soin des autres

Voici un exemple très inspirant de la façon dont nous pouvons surmonter les tragédies de l'existence en prenant soin des autres et de notre société.


Latifa Ibn Ziaten est la maman d’Imad Ibn Ziaten, soldat assassiné par Mohamed Merah le 11 mars 2012. Elle a créé l'association IMAD pour la jeunesse et la paix en avril 2012. Son but est de venir en aide aux jeunes des quartiers défavorisés, de promouvoir la laïcité et le dialogue interreligieux. Latifa a gagné de très nombreux prix dont le prix de la tolérance en 2016 et elle a été nommée pour le prix Nobel de la paix en 2018. Voici ce qu'elle nous dit :

« Quarante jours après le décès de mon fils, je suis retournée chez moi et j’ai commencé à sombrer dans la souffrance. Imad était plus qu’un fils pour moi : c’était un confident, un ami. Durant cette période, j’ai rêvé de lui à trois reprises. Dans le premier rêve, il m’a dit: “Maman, lève-toi.” J’en ai parlé à ma famille, qui a attribué cela à un effet des médicaments. Mais j’ai refait le même rêve. Puis, la troisième fois, j’ai senti une présence. Mon fils était assis sur le lit, il me tenait la main et répétait: “Maman, lève-toi. S’il te plaît, maman, lève-toi. Je ne veux pas te voir comme ça. Maman, j’ai besoin de toi.” Là, je me suis dit : “Il faut que je me lève”, et j’ai annoncé à ma famille : “Je vais sortir; je ne veux pas sombrer comme ça. Je vais prendre soin de vous, de moi, de la mémoire de mon fils, et tendre la main aux autres.” Et c’est ainsi que je suis sortie de chez moi. Aujourd’hui, une partie de moi est partie avec lui. Et ce vide que j’ai à l’intérieur de moi, j’essaie de le remplir en tendant la main aux autres: je me rends dans des établissements scolaires, auprès de jeunes qui ont besoin d’aide, de conseils, d’amour, de confiance et d’espoir. Je fais de même auprès de prisonniers dans des maisons d’arrêt. Je mène plusieurs projets pour aider ces jeunes à échapper à leur quotidien, leurs souffrances, leur malchance de ne pas réussir. Et j’accompagne des familles, parce que l’éducation, la présence des parents et leur amour sont à la base de tout.

Je ne souhaite à personne de perdre un fils de 30 ans, un fils merveilleux qui était lui-même empli d’espoir et d'amour...Il me manque énormément, mais à travers cette association, à chaque vie que je contribue à sauver, je vois Imad grandir encore un peu : lorsqu’un jeune ne part finalement pas en Syrie, ou décide d’en revenir ou lorsque je convaincs un jeune en maison d’arrêt de prendre soin de lui et de démarrer le moteur de sa vie pour avancer, ce qu’il est le seul à pouvoir décider au final.

Notre société a mis l’humain de côté alors que l’humain a besoin d’aide. Dès lors, pour mieux prendre soin de notre humanité commune, malgré la souffrance et le deuil, il faut garder à l’esprit que ce n’est pas la peur qui nous fait avancer, mais une meilleure compréhension de l’autre et un vrai dialogue avec celui-ci.»

Extrait du livre collectif "Prendre soin de la Vie, de soi, des autres et de la nature"
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samedi 25 mai 2024

L'essentiel est partout


« Comme autrefois dans le ventre de notre mère le liquide amniotique où nous voguions, cet espace qui nous entoure est l’espace nourricier. L’essentiel est ENTRE. L’essentiel est dans le mouvement de navette entre les bords, entre les rives, de l’instant de la naissance à l’instant de la mort, de ma bouche à votre oreille, de votre cœur au mien, de l’aube au crépuscule. L’allée et venue entre l’homme et la femme, l’espérance et la désespérance, le monde visible et le monde invisible, le temps horizontal et l’éternité. L’essentiel respire ENTRE.

L’essentiel n’est pas dans un lieu situé dans un âge d’or qu’il s’agirait de retrouver. Il n’est de fidélité au passé que dans l’avenir, que dans cet élan vers l’avant ! Dès que l’on s’arrête dans un lieu, c’est déjà un casus belli qui s’annonce : il va falloir le préserver, le défendre. Ainsi, le tombeau du Christ : des générations entières ont cru qu’Il était là, dans ce tombeau, et qu’il fallait le défendre ! Or le tombeau du Christ n’est nulle part ailleurs que dans nos cœurs de pierre.


L’essentiel n’est pas là où notre raison, notre intellect le cherchent (bien qu’il puisse y être aussi, comme partout ailleurs). Il n’est pas dans les lieux où on l’annonce avec solennité (bien qu’il puisse y être aussi, comme partout ailleurs). Il n’est pas à la place où on l’a rencontré la dernière fois et où l’on retourne le cœur battant (bien qu’il puisse y être aussi, comme partout ailleurs).

Si l’essentiel te semble parfois n’être nulle part, c’est en fait qu’il peut être partout à tout instant.

« Quand tu fends du bois, je suis là. Quand tu soulèves une pierre, je suis sous la pierre. Ne me cherche pas ailleurs que partout. » dit l’Evangile de saint Thomas.

Si l’essentiel est partout, il ne manque plus que nos yeux pour le voir…Ouvrir les yeux, sortir de l’anesthésie féroce de nos coeurs ! Nous laisser attendrir, toucher par la gratitude d’être vivants ! Non pas des voyeurs, des (télé)spectateurs consentants de la destruction du monde, mais des témoins de la merveille du monde crée ! »

Christiane Singer

(N’oublie pas les chevaux écumants du passé)

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vendredi 24 mai 2024

Acceptation

 


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Certains d'entre vous pensent certainement qu'ils acceptent ce qui est parce qu'ils ne peuvent le nier, mais ils ne l'acceptent pas pour autant.

Dans votre mental, vous dites : j'accepte ce qui est, oui, oui, oui, mais je ne veux pas que ce soit comme ça, je voudrais que ce soit autrement.

Par exemple : je fais tel métier, je gagne tant d'argent et j'habite dans telle maison, c'est ce qui est et je l'accepte pleinement mais je n'aime pas ce travail, j'aimerais gagner plus d'argent, je n'aime pas cette maison, j'aimerais vivre ailleurs. Cela, c'est voir ce qui est mais ce n'est pas l'accepter. Je peux tenter de modifier la situation mais, pour l'instant, ici et maintenant, c'est ainsi.

Un aspect de l'acceptation, c'est l'absence de plaintes, l'absence de jugements.

Voyez par vous-mêmes : au fur et à mesure que nous vieillissons, des petites douleurs commencent à apparaître, le dos devient moins souple, on entend ou on voit moins bien. Souvent, tout cela est incontournable et nous pensons que, simplement parce que nous admettons qu'on ne peut rien y faire, nous l'acceptons.

Extérieurement, nous disons: « Tout le monde vieillit, c'est comme ça » mais, en fait, nous sommes furieux, nous détestons ces handicaps, alors que l'acceptation de ce qui est, tel que c'est, sous-entend par définition l'équanimité.

Cela ne veut pas dire qu'on ne puisse pas changer les choses mais que, les choses étant ce qu'elles sont, nous les acceptons et que, si elles changent pour le meilleur ou pour le pire, nous l'acceptons aussi.

Il y a donc une distinction très importante entre percevoir ce qui est et accepter ce qui est.

Texte extrait de Oui et alors ? de Lee Lozowick, ed. La table ronde, p.43

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