dimanche 26 mars 2023

Ne me laissez pas avec lui : il va me parler !

Source : La vie

 La parole n’est pas toujours apaisante. Jacques Arènes analyse comment elle est parfois instrument d’emprise ou d’abus. Ceux qui sont pleins d’eux-mêmes fuient alors de toute façon une parole vraie…


« Ne me laissez pas avec lui : il va me parler ! » : en voilà une exclamation étrange, tirée de la pièce Oncle Vania, de Tchekhov, actuellement jouée au théâtre de l’Odéon à Paris. Elle sort de la bouche d’un des protagonistes, Sérébriakov, un personnage d’un narcissisme épouvantable fuyant le discours de son beau-fils Vania, qui lui reproche fort justement, entre autres, d’avoir perdu sa vie à son service.

J’évoquais, la semaine dernière, la dimension bénéfique des paroles de paix. Evidemment, il ne faut pas croire que les paroles soient toujours apaisantes… Il arrive même que l’on fuie certaines conversations, de peur qu’elles ne nous assomment, et nous entraînent en une forme d’angoisse. La parole est donc parfois loin d’être rassurante, bien au contraire. Elle ne fait alors qu’attiser le ressentiment, voire la haine. Un autre personnage de cette pièce l’affirme : « ce sont ni les brigands ni les incendies qui détruisent le monde, mais la haine, l'hostilité, les petites intrigues... ».

Examiner de plus près les « abus de parole »

Il faut reconnaître que la parole est une arme redoutable. Elle n’est pas seulement outil de communication, utile évidemment en ce but, mais elle constitue surtout un espace fondamental d’échange affectif, heureux ou malheureux. Et peut donc se mettre au service de l’influence ou de l’emprise. « Les petites intrigues » paraissent anodines, mais atteignent quelquefois, telles des missiles, une très longue portée. Elles dévaluent la parole en tant que porteuse de réconfort. Elles la pervertissent même. L’échange humain ne constitue plus alors un espace de mutualité, et devient curieusement inconfortable, voire menaçant.

Dans le contexte des abus, abondamment commentés aujourd’hui à propose de l’Eglise, il est d’abord évident de se focaliser sur la dimension sexuelle desdits abus. On a cependant tort de ne pas examiner de plus près les « abus de parole ». Chez les frères Philippe notamment, qui sont au cœur de l’actualité en raison des deux rapports, publiés récemment, concernant l’Arche (et Jean Vanier) et leurs agissements au sein de l’Ordre des dominicains, et de quelques congrégations, « l’abus de parole » me paraît essentiel. Il suscite et enveloppe l’ensemble de leurs agissements. De nombreuses personnes, hommes et femmes, se laissent prendre, à des degrés divers par cet abus, c’est-à-dire par cette manière d’utiliser la parole au service de l’intrigue, de la puissance personnelle, de l’emprise ou d’une séduction sans empathie.


Celui qui ne sait pas écouter ne saura pas non plus parler

Autant il est nécessaire de faire et de disséminer la paix avec nos mots et nos paroles, autant il faut aussi se méfier des filets emprisonnants de la parole quand elle se veut persuasive ou envoutante, et quand elle ne se met plus au diapason de la croissance de l’autre. Ce qui est vrai pour la parole l’est d’ailleurs aussi pour l’écoute. Celui qui ne sait pas écouter, c’est-à-dire qui ne sait pas se libérer de lui-même quand il écoute, ne saura pas non plus parler, en tous cas pas dans une perspective d’échange et de mutualité. Quand on est plein de soi-même, quand on est encombré par ses propres intrigues, il est impossible de s’ouvrir à une autre manière de penser, à sa singularité, à son côté déstabilisant. Il devient chimérique de réellement échanger.

Vania avait pourtant des choses importantes à lui dire, à cet égoïste de Sérébriakov. Mais ce denier ne peut pas écouter. Et il ne veut pas entendre une parole inconfortable pour lui. Parce qu’il est rempli de lui-même, et parce qu’il ne souhaite pas changer…

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samedi 25 mars 2023

Attention à la vigilance


 Retrouvons un autre contact au monde...


La force de l’attention - Invité : Marc de Smedt
source : sagesses bouddhistes
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vendredi 24 mars 2023

Vigilant sur la vigilance


 Là, j'en arrive à une notion fondamentale, vitale, qui est celle de la vigilance : être présent, attentif, conscient, savoir ce qui se passe en nous.

C'est une aptitude qui se développe et qui croît peu à peu peu par l'exercice et qui, seule, permet de ne plus se laisser emporter "aveuglément" par tout ce qui nous touche.

Il est escompté d'un veilleur de nuit qu'il ne s'endormira pas.

En anglais, les mots clés du bouddhisme sont "collectedness", qui signifie le fait de se rassembler, de se recueillir, mindfulness, la plénitude de l'attention, awareness, le fait de savoir exactement ce qui se passe.

La vigilance est une attitude qui n'a rien de bien spectaculaire mais qui change tout. 

Nous dormons, et c'est pourquoi notre vie nous échappe et se déroule toute seule. Nous ne comprenons pas pourquoi nous ne sommes pas heureux et dans la paix comme nous le voudrions. 

Mais nous avons une certaine possibilité d'attention : voilà le grand secret. Et cette faculté est susceptible de se développer immensément par l'exercice.

Arnaud Desjardins - Les chemins de la sagesse

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jeudi 23 mars 2023

Sourire un instant

 Sourire, un état d'esprit... (source de l'interview : revue Reflet)




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mercredi 22 mars 2023

Dépouillement


 "Le dépouillement a aussi été pour moi une sorte de « gros machin » inatteignable. J’imaginais que pour l’atteindre, il me fallait devenir moine, presque un stakhanoviste du détachement, et envoyer paître tout ce qui relève du matériel. Jusqu’au jour où j’ai pris conscience que le « gros machin » dont je devais me détacher, c’était moi. Le « moi je », le « moi d’abord » ; le rôle que j’essaie tous les jours de jouer, du matin au soir. Sur mon chemin, j’ai alors croisé un ami. Il m’a dit cette phrase qui m’a bouleversé : « Plus de liens, moins de bien. » Il est vrai que jusqu’alors, j’avais tendance à aller chercher dans les librairies, dans les supermarchés, dans les grandes surfaces, un remède aux manques, aux blessures, aux aliénations. Depuis que j’ai entendu cette phrase–« plus de liens, moins de bien »–, j’y ai perçu comme une invitation à faire de l’ordre, à me libérer chaque jour du trop. Ce qui rejoint cette intuition magnifique dans le bouddhisme selon laquelle nous sommes tous la nature de Bouddha. Nous sommes : ce n’est pas de l’ordre de la possession. Ce n’est pas quelque chose que l’on ajoute à ce que l’on est pour être heureux. Nous sommes déjà la nature de Bouddha. Le sale parent, le violeur d’enfants, la personne handicapée. Encore qu’il n’y aucun rapport entre la personne handicapée et les deux autres ! J’y ai décelé une invitation à changer totalement notre regard sur autrui.

Précisément, le dépouillement auquel invite le zen, et par là toute la tradition philosophique du bouddhisme, c’est la voie du détachement. Se débarrasser de toutes les représentations mentales dont on recouvre les choses, les êtres, et nous-mêmes en fin de compte. Nous avons une image de nous et, du matin au soir, nous voulons nous y conformer. Un jour, j’ai décidé qu’Alexandre Jollien serait comme cela, et gare à moi si je ne suis pas à la hauteur. On n’imagine pas l’infinie souffrance qu’engendre une telle fixation. Se dépouiller, c’est se mettre à nu. Je l’ai écrit dans mon dernier livre qui porte le titre explicite du Philosophe nu : le calme est déjà là, en moi, à demeure si je puis dire. Si je le cherche ailleurs, je lui suis infidèle. Être dans le dépouillement, c’est être totalement soi, totalement nu pour laisser éclater cette joie qui est déjà présente en nous, qui nous précède. Nul besoin d’aller la chercher, de la séduire pour qu’elle vienne. Elle est déjà là."

Alexandre Jollien

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mardi 21 mars 2023

L'instant de l'âme

 


"Tout le ciel étoilé, toute la terre nourricière, toute la splendeur de l'aube et du soir, toute la gloire du printemps et de l'automne, tout le Souffle aimant de l'univers porté par un vol d'oiseaux migrateurs, tous les hauts chants humains montés de la vallée des larmes, tout cela constitue un "ici et maintenant" où l'éternité se ramasse. 
Cet "ici et maintenant" ne peut rayonner, irradier, faire fleurir et porter fruit, susciter écho et résonance et, par là, prendre tout son sens que s'il est vécu par une âme. "

p 152  ✨🌛✨   De "l'âme" -  François Cheng


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lundi 20 mars 2023

Respiration qui nous incarne


Et si la respiration nous aidait à développer notre liberté intérieure ? Bien respirer, cela permet de retrouver une plus grande conscience de notre corps mais aussi de nos pensées et de nos émotions... Pour évoquer les aspects thérapeutiques de la respiration, Anne-Laure Drouard-Chanel reçoit Jean-Marie Defossez, conférencier, animateur de stage et ateliers de respirations, formé aux techniques respiratoires thérapeutiques, initiateur en auteur de 2014 de la "coach-respiration". Il a notamment écrit l'ouvrage "10 respirations thérapeutiques au service de votre santé - La coach-respiration" (éd. Jouvence, 2016).

Ecouter un extrait de l'émission (3 min.)

Ecouter l'émission en entier (23 min.)


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dimanche 19 mars 2023

Une journée avec Christophe et Muriel Massin

 Une journée de questions-réponses qui me permet de vous partager quelques phrases :

- La culpabilité, c'est une manière d'échapper au présent.

- Les justifications sont l'expression du refus.

- L'agitation est le produit de l'émotion.


- Si tu ne décèles pas le refus, tu n'as aucune prise sur tes pensées.

- Est-ce qu'il y a quelqu'un en moi pour me tenir la main ?

- Etre en communion, c'est sortir de la division. 

-Tout se passe à l'intérieur de nous, il n'y a rien à l'extérieur.

- Etre (1) Un (2) Avec (3) : d'abord être, puis un et ensuite avec

- La relation est conditionnelle. Le seul endroit qui est stable est la communion. La relation change. La communion est à un autre niveau. Est-ce que je suis là complètement. Je sens le courant d'affection qui nous lie.

- Rien ne peut te séparer de ce que tu es.

- Être, c'est ce qui reste quand on a tout enlevé, tous les avoirs. (Si tu as la vie, tu as la peur en prime, car tu peux la perdre.)

- L'altérité est pour l'égo terrifiant.

- La promesse de la voie : pas une amélioration mais une transformation. Le chemin, c'est la transformation de la relation avec soi-même.

- Ne pas confondre savoir et voir.

- Si tu ne vois pas, la question est "quel est mon refus ?". Dès que tu vois, l'action s'impose.

- La pensée n'est pas très fiable, elle ne va pas te donner la sécurité. 

- L'ouverture ne peut se faire qu'à partir de l'intention de gratuité. Quelle est mon intention, une intention sans attente ?

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samedi 18 mars 2023

Accorder un instant à l'instant


Il nous est parfois difficile de lâcher-prise, de laisser partir les choses. Nous avons tendance à nous accrocher, à nous attacher aux choses, aux êtres et peut-être surtout à nos pensées, à nos concepts, à nos opinions. Peut-être est-il plus simple de laisser venir, de laisser venir quoi ? Juste l'instant suivant, cet instant qui survient de toute façon, peu importe de quoi était rempli l'instant précédent, cet instant qui est toujours différent de l'instant précédent, cet instant que nous ne pouvons absolument pas prédire, cet instant sur le contenu duquel nous avons tellement peu de pouvoir, cet instant qui remplace l'instant précédent qui disparaît et donc auquel il est impossible de s'accrocher, Qui produit cet instant suivant ? D'où provient-il ? Quand il survient, il est impossible à saisir car l'instant suivant, suivant est déjà là. 
Où part l'instant précédent quand l'instant suivant est là ? Si vous avez l'audace de vous ouvrir (ou plutôt de réaliser que vous êtes déjà ouvert) pour laisser venir l'instant suivant, vous n'aurez plus aucun mal à lâcher prise dans tous les domaines.

Philippe Fabri

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vendredi 17 mars 2023

Douleur physique

 " NON IDENTIFICATION A LA DOULEUR PHYSIQUE ... FAUT VOIR" ... 

(extrait de mon carnet) - 4 novembre 2022

Quand un(e) élève me parle maladie chronique, douleurs continuelles, etc, je rabats mon caquet et prends garde à bien préciser que je ne suis pas à leur place et, mis à part une rage de dents violente et un peu prolongée (48 h) - ajout de mars 2023 : et une brusque lésion du ménisque survenue en décembre dernier et qui m'a handicapé quelque temps -  je n’ai pas jusqu’à ce jour l’expérience du corps souffrant de manière aigüe et sans perspective d’un arrêt de la douleur. 

Dire quoi que ce soit en  situation de transmission qui ne participe pas peu ou prou de ma propre expérience me met mal à l’aise, c’est pourquoi je suis réticent à  m’étendre sur le sujet de la douleur physique. D’autant que j’ai recueilli pas mal de témoignages de proches de tel ou tel grand témoin de la vie spirituelle selon lesquels, à la fin, dans l’inconfort physique de l’agonie ou de la maladie grave, cela n’aurait pas été si évident que cela pour les témoins en question, lesquels avaient pourtant parlé et écrit de manière affirmative et convaincante à propos de la « non identification ». 

Ce propos n’est pas, dans mon esprit, une mise en doute de la possibilité et de la nécessité de la non identification. Juste une considération comme quoi la non identification au corps physique lorsque celui ci se trouve en vive détresse n’est peut être pas si accessible, même à des êtres humains d’une profonde maturité. « Faut voir », comme dirait Gainsbourg … 

Et surtout, c’est une bonne idée de ne pas trop facilement se supposer « non identifié », surtout tant qu’on est bien portant. C’est si vite fait,  même pour les plus aguerris, de « pécher » par excès de présomption, ne serait ce qu’à force d’être vu et reconnu, y compris à juste titre,  pour une personne avancée, un « instructeur » …  

«Je ne suis pas aussi loin que je croyais », aurait dit sur son lit de mort un enseignant que j’ai relativement bien connu et pour lequel j’avais et ai toujours grande estime. Alors, oui, il y a la photo du Maharshi par Cartier Bresson, un Ramana rayonnant dans un corps physique de cancéreux en phase terminale … Oui, il y a le récit de Madame de Salzmann selon lequel Gurdjieff, quelques secondes avant de quitter son corps, lui aurait dit : « Maintenant regarde moi bien, je m’en vais »  … Le même Gurdjieff dont le médecin qui l’a assisté jusqu’au bout a écrit qu’il avait vu beaucoup d’hommes mourir mais que celui ci était mort « comme un roi ». Oui, il y a des témoignages crédibles de ce genre. Et il y en a aussi beaucoup, moins diffusés, souvent répandus « sous le manteau », selon lesquels, pour tel ou tel, ce ne fut pas juste une formalité, un passage totalement fluide… 

En ce qui me concerne, comme je le dis souvent j’aimerais beaucoup atteindre la grande vieillesse, certes pour disposer de temps -après avoir passé toute une vie à devenir un être responsable, autant durer un peu, une fois qu’on l’est à peu près … Pour que les autres en bénéficient, et pour soi même aussi, parce que c’est juste fabuleux de vivre en ayant sinon « compris »  du moins un peu entrevu ce qu’il en est - même si la compréhension en question n’a pas grand chose à voir avec des « réponses » .

Pour tout simplement faire l’expérience de ce point de l’existence où on n’a raisonnablement plus d’avenir (hormis le moment présent comme me l’a si joliment écrit il y a quelques jours Jacques Castermane, 88 ans) ; pour expérimenter si possible les yeux grands ouverts le déclin du corps physique, la force vitale qui s’en va … Et la conscience à laquelle il n'arrive rien. 

Beau programme, et qui vivra verra (et mourra, c’est à dire aura, peut être, l’opportunité d’entrer vivant dans cette phase de la vie communément appelée « mort ». 

Beau programme, oui. En attendant, ne faisons pas trop le malin, hein ...

Gilles Farcet


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mercredi 15 mars 2023

La connaissance de soi (1) avec Véronique Desjardins

(vous pouvez passer les 6 premières minutes)

Voici quelques personnages de l'éventail : l'homme social, le raciste, l'ambitieux, l'obsédé sexuel, le vaniteux, le romantique, l'angoissé financier, l'enfant perdu, le mystique, le tyran, l'optimiste, l'idéaliste, le meurtrier, l'artiste, le désespéré.


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mardi 14 mars 2023

Humainement homme


un humain n’est pas
simplement parce qu’il existe
existe vaguement
pour un temps
l’existence
ne donne pas
l’être
la naissance
n’octroie pas
la présence
la respiration
ne confère pas
le souffle
pas plus que la vue
ne dispense
la vision
l’humain
ne naît pas
humain
mais le devient
l’être
produit transformé
de l’existence
l’être
n’est pas
un état
mais un acte
un geste
de la conscience
un humain
est ce qu’il a fait
comme ce qu’il n’a pas fait
ce qu’il a osé
comme la somme des peurs
auxquelles il a cédé
ce qu’il a écouté
de sa profondeur
comme ce qu’il en a renié
la somme de ses ferveurs
comme de ses tiédeurs
un humain est
ce qu’il a continué
ce qu’il a préservé
ce qu’il a achevé
comme tout ce qu’il a
abdiqué
négligé
laissé
un humain est
ce qu’il a regardé
comme ce qu’il a évité
ce qu’il a reconnu
comme ce qu’il a nié
et alors
au mitan
de son avancée
il commence
à récolter
ce qu’il a semé
de plus en plus rassasié
ou de plus en plus affamé
s’il n’a rien cultivé
qui vaille
car avec le temps
avec le temps va tout s’en va
de ce qui de toutes façons
ne pouvait demeurer
avec le temps viens tout advient
de ce qui a authentiquement été
de son pas si léger
la jeunesse s’en va
et avec elle
tout
ce qui faisait écran
jusqu’à ce que ne reste
que toi
et le Plus Grand
(texte écrit pour les 50 ans d'un ami)

Gilles Farcet
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