lundi 11 avril 2016

Pierre Rabhi et le mystère de la vie...

Depuis que l’Homme a levé la tête vers les cieux, il ne cesse de s’interroger sur les grands mystères de sa présence : D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Nous serions des poussières d’étoiles animées par une intelligence dont on sait peu de choses : la vie. 
Plus cette vie évolue, plus elle se complexifie, jusqu’à faire apparaître des arbres, des animaux et même des hommes qui prennent conscience de leur propre existence. 
Aujourd’hui, en entrant dans l’anthropocène, nous comprenons seulement l’impact que notre présence engendre sur ce qui l’entoure, tout en nous rendant compte du rôle de modérateur qu’il va falloir essayer d’adopter.
Lors de notre entretien avec Pierre Rabhi début 2016, nous avons pu questionner le paysan philosophe sur des énigmes métaphysiques auxquelles ils donnent une réponse simple : l’amour.

Bio à la Une : Pourquoi la graine germe-t-elle ?

Pierre Rabhi : J’ai beaucoup fréquenté les philosophes pour savoir si quelqu’un pouvait m’éclairer sur ce mystère. Je me suis rendu compte que les philosophes n’étaient pas forcément d’accord. Il n’y en a qu’un que j’ai retenu, Socrate, qui dit “la seule chose que je sais, c’est que je ne sais pas”. C’est clair. Nous ne savons pas, ou pas grand-chose. Pourquoi nous sommes nés, etc. Quand au mystère de la vie, c’est vrai qu’on est fasciné de voir une graine germer. On peut méditer dessus des heures. Une toute petite chose contient une puissance de vie complètement extraordinaire. Vous la mettez dans la terre, elle va germer.

Une simple graine de tomate va donner des kilos et des kilos de tomates, on peut même dire des tonnes de tomates. On comprend le mécanisme à peu près, mais au-delà, je ne sais pas pourquoi la graine germe. Je ne connais rien de l’intelligence qui la conduit. On est dans le monde du mystère de la vie. Même notre propre corps est un formidable mystère. Il n’y a pas un bouton pour dire respiration, un autre pour dire circulation du sang, le corps est intelligent lui-même. Il fait tout sans avoir besoin d’autre chose, sans que notre mental s’en mêle. Justement, quand il s’en mêle, c’est là qu’arrivent toutes sortes de complications. Le corps humain s’autorégule, il est lui-même d’une très grande intelligence. D’où vient cette intelligence, moi je n’en sais rien. C’est là le mystère.

Bio à la Une : Même si on ne sait pas pourquoi, la graine germe, c’est un fait. Est-ce pour vous le début d’une réflexion plus profonde ?


Pierre Rabhi : La vie m’émerveille. Je ne la comprends pas. À travers ce mystère, je crois vraiment que la plus grande puissance que peut développer un être humain pour modifier le cours de sa vie, c’est l’amour. Ce n’est pas simplement l’amour humain, mais l’Amour dans sa grande dimension d’aimer. Vraiment aimer. S’il y avait l’amour dans notre quotidien et nos décisions, on ne détruirait pas la vie, nous n’aurions pas d’armements, de missiles, de chars d’assaut et toutes ces stupidités liées au meurtre. Non, on n’aurait pas besoin de tout cela. Il faut surtout apprendre à aimer et prendre soin, plutôt qu’à détruire ou à haïr.
Je suis très attaché à ce monsieur qu’on a crucifié, alors qui ne parlait que d’amour. Il n’a jamais dit “construisez-moi des cathédrales ou des églises”, il a simplement dit que l’amour est la puissance absolue qu’un être humain peut déployer, à condition, toutefois, que cet amour ne soit pas réduit à rien du tout. Dans les couples par exemple. “Je t’aime” un jour, “je ne t’aime plus” un autre. L’amour ce n’est pas ça. Je ne juge personne bien entendu, je ne veux pas choquer qui que ce soit.

Bio à la Une : Pensez-vous comme Vendana Shiva que les femmes doivent être au cœur du changement ?

Pierre Rabhi : Les femmes ont un rôle important à jouer. En donnant la vie, elles sont un être d’amour par excellence. Attention tout de même, car elles savent aimer, mais aussi haïr, peut-être pour mieux se protéger. C’est dans les deux sens. Il ne faut pas tomber dans le piège. Par contre, ce à quoi je souscris, c’est qu’il est dommage que les femmes soient partout sur la planète subordonnées et que, effectivement, si il y avait eu cette énergie inouïe, peut-être que l’histoire n’aurait pas été la même.

Bio à la Une : On revient sur la modération donc ?

Pierre Rabhi : Oui, bien sûr.

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