lundi 20 novembre 2017

Que fais-tu grand-mère ?


Que fais-tu grand-mère ?

J'apprends la patience et l'ennui,

Le goût de l'instant, la joie de chaque jour,
J'apprends que la tristesse du cœur est nuage,
Et nuage aussi est le plaisir …
Que fais-tu grand-mère, assise-là, dehors, toute seule ?
Eh bien, vois-tu, j'apprends.
J'apprends le petit, le minuscule, l'infini,
J'apprends les os qui craquent, le regard qui se détourne.
J'apprends à être transparente.
A regarder au lieu d'être regardée.
J'apprends le goût de l'instant quand mes mains tremblent,
La précipitation du cœur qui bat trop vite.
J'apprends à marcher doucement,
A bouger dans les limites plus étroites qu'avant
Et à y trouver un espace plus vaste que le ciel.

Comment est-ce que tu apprends tout cela, grand-mère ?

J'apprends avec les arbres, et avec les oiseaux.
J'apprends avec les nuages.
J'apprends à rester en place et à vivre dans le silence.
J'apprends à regarder les yeux ouverts et à écouter le vent.
J'apprends la patience et aussi l'ennui :
J'apprends que la tristesse du cœur est un nuage,
Et nuage aussi est le plaisir :
J'apprends à passer sans laisser de traces, à perdre sans retenir
Et à recommencer sans me lasser.
J'apprends à me réjouir au début du printemps et à la fin de l'automne,
À voir un arc-en-ciel dans une goutte de pluie
Et une vie entière dans une gouttelette de soleil qui scintille sur une pierre.
J'apprends que les chemins se divisent et se perdent,
Que les regrets sont de petites pierres pointues qui blessent les mains qui les enserrent
Et qu'il est meilleur que nos mains restent ouvertes …
J'apprends mes erreurs, mes chagrins, mes oublis,
Et toutes les joies qui se faufilent, poissons d'argent dans la masse de notre vie.

Grand-mère, je ne comprends pas : pourquoi apprendre tout cela ?

Parce qu'il me faut apprendre à regarder les os de mon visage et les veines de mes mains,

A accepter la douleur de mon corps, le souffle des nuits et le goût précieux de chaque journée.
Par ce qu'avec l'élan de la vague et le long retrait des marées,
J'apprends à voir du bout des doigts et à écouter avec les yeux.
J'apprends qu'il n'est pas de temps perdu ni de temps gagné,
Mais que l'infini est là, dans chaque instant …
Cadeau trop souvent refusé dans le torrent des jours.
J'apprends qu'il faut aimer, que le bonheur des autres est notre propre bonheur,
Que leurs yeux se reflètent dans nos yeux et leurs cœurs dans nos cœurs.
J'apprends à marcher sur des sentiers étroits sans peur,
A regarder les montagnes qui se profitent au loin et que je n'atteindrai pas :
J'apprends les milliers de pas qui ont marché avant moi sur ces même sentiers.
J'apprends les vieilles traces et les jeunes nuages.
J'apprends qu'il faut se tenir prêt à partir quand le vent souffle.
Qu'on avance mieux en se donnant la main.
Que même un corps immobile danse quand le cœur est tranquille.
Que la route est sans fin, est pourtant toujours exactement là.

Et avec tout ça, pour finir, qu'apprends-tu grand-mère ?

J'apprends, dit la grand-mère à l'enfant, j'apprends tout simplement à être vieille.

Joshin Luce Bachoux
nonne bouddhiste:
L’image contient peut-être : une personne ou plus, personnes debout, plante, plein air et nature 


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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Cher Acouphène
Je connaissais ce texte....et l'appris par coeur. Il est pour moi et pour mari de plus en plus incarné...L'humour et le rire en fond de toile permettent de gouter l'instant sous cette forme ! !
La photo est magnifique
Amitiés, bonne semaine
Nicole de Gémenos

FRANKIE PAIN a dit…

magnifique billet et magnifique foto
je t'embrasse avec douceur.
j'ai animé mon atelier d'écriture à partir de ton billet sur la douceur elle est en ligne dans dans sa plein si veut la lire...

gros bisous
je préfére enseigner l'art de l'écriture sur de grandes valeurs que l'on défendre coute que coute et mes lecture r&gulière de ton blog m'aide sur le chemin

Acouphene a dit…

Merci chère sœurs sur le chemin... On se donne la main alors ?