jeudi 20 février 2025

WUWEI - Le non-agir, c'est agir autrement



Wuwei, le non-agir, est considéré comme la pensée principale du taoïsme. Comme le non-avoir et le non-être, le non-agir est le résultat de la connaissance intuitive et de la quiétude interne. Ce n'est pas une pensée passive.

Le non-agir est basé sur une certaine conscience de l'être et de soi : il faut accepter qu'une idée ou une chose continue a se développer sans la contrôler, selon son intuition et ce qui se passe à l'instant. Selon John Blofeld, il s'agit de " ne pas aller au delà de l'action spontanée qui est adaptée aux besoins tels qu'ils se présentent ".

Le Wuwei nous demande de respecter la nature de chaque chose et d'avoir la sagesse de suivre l'ordre  naturel des choses, d'agir sans intention personnelle, et de n'intervenir qu'en juste équilibre avec les forces extérieures.

La véritable citation chinoise est «Wei-Wu-Wei : agit sans agir. Il fait surgir la stratégie et la sagesse dans chaque circonstance. On applique notre esprit profond en accueillant et en laissant faire les éléments positifs et favorables des circonstances. On fait ce qu'on devrait faire, sans forcer les éléments par sa propre volonté. C'est pour cela qu'on dit que la réussite dépend de trois éléments : le Ciel favorable, la Terre convenable et l'homme harmonieux. L'homme ne peut pas forcer la nature des choses.

Cet état du non-agir est constamment présent dans la méditation, c'est même une nécessité pour pouvoir atteindre un certain niveau.

Extrait de la Voie du Calme de Ke Wen

Maître Ke Wen présente "La voie du calme"

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mercredi 19 février 2025

XIUSHEN - Raffiner son corps et son être

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XIUSHEN, littéralement «éduquer, régulariser le corps», est une notion très importante dans le confucianisme, pour lequel la notion de corps dépasse celle du corps physique, pour englober celle du corps-cœur-état d'esprit.

Le confucianisme insiste sur le travail sur soi-même et le développement individuel avant de parler de l'harmonie avec les autres et le monde.

L'objectif de XIUSHEN est de réaliser sa valeur humaine dans le monde et la société par l'ouverture du cœur et la bienveillance.

Comment réussir ma vie dans tous les plans humains : familial, relationnel, professionnel et spirituel ? Comment franchir ensuite les obstacles et composer avec les émotions pour avoir toujours la force et la volonté de se réaliser?

Une phrase de Confucius très connue en Chine indique ce chemin de la vie matérielle vers la vie spirituelle: 



GEWU : analyser les choses ; ZHIZHI : arriver à la pleine connaissance ; CHENGYI : agir dans la sincérité de l'intention ; IE'G ZHENGXIN : trouver la rectitude du cœur ; XIUSHEN : raffiner son corps et son être ; QIJIA: construire la famille ; ZHIGUO : régner sur le pays ; Yl PING TIANXIA: la paix s'accomplit dans tout l'Univers.

En analysant les choses, on arrive à la pleine connaissance. En atteignant la pleine connaissance, on agit avec la sincérité de l'intention. En agissant avec la sincérité de l'intention, on trouve la rectitude du cœur. En trouvant la rectitude du cœur, on éduque son être. En raffinant son être, on harmonise la famille. En harmonisant la famille, on ordonne le pays. En ordonnant le pays, on accomplit la paix dans tout l'Univers.

Cette phrase est une notion fondamentale du confucianisme, c'est la clé de l'équilibre de l'être et donc de son bonheur. Par l'explication faite du mot SHEN, « corps », on comprend mieux le sens profond de XIUSHEN.

Le terme «corps» peut être exprimé par différents caractères en chinois. Nous avons déjà parlé du caractère XING qui indique le corps, la structure. Il existe aussi le terme TI pour exprimer la notion de corps. 


Le mot SHEN est un autre caractère utilisé pour écrire le corps humain. Le sinologue Cyrille Javary l'a bien décrit : « Dans la forme ancienne de cet idéogramme, on retrouve la silhouette de l'être humain, particularisée ici par le dessin d'un gros ventre, à l'intérieur duquel un trait précise qu'il est plein de quelque chose. Le surpoids de ce ventre gravide oblige cet humain à placer une jambe en avant pour rétablir son équilibre. D’où le sens d’origine de ce caractère qu'il garde toujours dans certaines expressions: "Être enceinte". Formé d'un tout indécomposable, le caractère SHEN ne montre plus le corps dans sa dualité concertante entre charnel et rituel, entre physique et subtil, mais dans la vitalité fondamentale qui le recentre en profondeur. Ce qu’il évoque, plus que le corps lui-même, c'est sa propension à vivre, ce sentiment diffus d'être finalement un peu toujours "enceint” de nous-même, comme la nature l'est du monde, renouvelé à chaque printemps.

Le père Claude Larre, éminent sociologue, le souligne magnifiquement:

"C'est grâce à la vitalité éphémère, mais toujours régulièrement renouvelée, qu'une permanence apparaît dans le passage des éphémères et fonde l’éphémère que je suis. Je n'ose pas dire que je possède l'existence, c'est l'existence qui me possède."

Dans cette perspective, la vie n'est plus un fardeau venu du ciel ou une pénitence héritée de la terre. Vivre devient alors une mission en soi, celle de se sentir responsable de cet éclair de vie qui à chaque moment, comme partout dans l’univers, prend naissance à l’intérieur de soi-même *. »

* Cyrille J.-D. Javary, 100 mots pour comprendre le chinois, Éditions Albin Michel.

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mardi 18 février 2025

Ephémère


"La plupart des choses ne durent pas : votre ordinateur, votre maison, la nourriture, ou même votre animal de compagnie sont voués à l’obsolescence, au dysfonctionnement, au pourrissement ou à la mort. 

Tout a un temps, et même les roches s’érodent, les montagnes changent de forme, rien n’est éternel, tout est éphémère. Voilà pourquoi il vous faut profiter de chaque chose que vous voyez ou percevez.

Et ce qui vaut pour un objet, un aliment ou une plante d’appartement l’est également (malheureusement) pour les gens que vous côtoyez. Aucun de nous n’est là pour toujours. Aussi, profitez de la compagnie des personnes que vous aimez ou appréciez. Luttez contre les habitudes qui vous empêchent de voir vraiment les gens autour de vous.

Ouvrez les yeux et constatez que tout, autour de vous, est éphémère et jouissez de chaque moment. À la fin, vous pourrez vous dire : « J’en ai vraiment profité, j’ai vraiment vécu ma vie. »

Le magique, c’est poser sans cesse un regard neuf et attentif aux choses et aux gens de votre vie ; chaque jour, chaque heure, chaque instant, prenez conscience que tout est toujours changé, balayé, renouvelé.

En percevant la fragilité des choses, la trame fine et changeante du monde, il est plus facile de comprendre comment il est possible d’influer sur celui-ci.”

Serge Augier, “Traité de Magie Taoïste”

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lundi 17 février 2025

"Juste de l'humanité, voilà le chemin."

 Voici quelques phrases en retour d'une rencontre nourrissante avec deux personnes qui me sont chères...

Confucius

"Celui qui sait une chose ne vaut pas celui qui l'aime.  Celui qui aime une chose ne vaut pas celui qui en fait sa joie."


Muriel Massin

"Il n'y a pas à accepter ce qu'on pense, il y a à voir qu'on pense."

"Ton émotion t'appartient à 100 %."

Tant que c'est refusé, cela ne peut être travaillé.

Christophe Massin

Le doute est un produit de la peur. Est-ce que tu peux faire confiance à ta sincérité ? Est-ce que tu peux faire confiance à ton intention profonde ?

Plus important que le pourquoi, c'est le quoi. Qu'est-ce qui se passe ?

Le jugement est un symptôme de la réaction émotionnelle.


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dimanche 16 février 2025

Vivre l'instant !



Tous les bons manuels de spiritualité vous disent de vivre l’instant. Quelques vrais sages y parviennent et nous font envie.

Beaucoup de monde s’illusionne sur ce terme : vivre l’instant.

La réalité est que nous sommes constamment avec notre passé, et nous nous projetons dans l’avenir qui n’est que la suite du passé-présent.

Alors y a-t-il un mode d’emploi ?

Bien sûr, les sages qui en ont fait l’expérience peuvent vous indiquer le chemin. Mais étudier la carte – même très minutieusement – ce n’est pas faire la route. 

Et la route, on peut la faire de mille façons. En dilettante, façon chemin des écoliers ; au pas cadencé, façon militaire ; ou à côté, façon croyant ; ou en danseuse, façon valse, un pas en avant deux en arrière…

Bref, nous ne sommes que si rarement dans l’instant.


Et puis l’âge avance. Jusqu’à un âge certain, avec les complications inévitables. Et un jour, on s’aperçoit qu’on n’a plus d’avenir. Les douleurs sont celles du présent, et on ne sait de quoi demain sera fait. 

Mystère de la vieillesse : elle nous met dans la situation que l’on a si longtemps recherchée : vivre l’instant.

Mais tout n’est pas gagné pour autant. Nous sommes devant un choix : 

- Se plaindre des douleurs. Et nous retournons au passé.

- Ou déguster l’instant. Remercier du privilège incommensurable d’être sur terre. Quel cadeau de la vie !

Ça, c’est vivre l’instant. Hors temps, hors espace.

Je ne voudrais pas vous faire croire que parce qu’on peut y arriver une fois ou deux c’est dans la poche. À la prochaine souffrance, patatras, tout est à recommencer.

Mais l’avantage de l’âge avancé, c’est que la prochaine occasion n’est jamais loin.

Christian Rœsch

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samedi 15 février 2025

Une leçon de vie

 

Une jeune fille se plaignait sans cesse à son père, lui disant que sa vie était trop dure. Elle se sentait épuisée par les épreuves, convaincue qu’à peine un problème résolu, un autre survenait aussitôt.


Un jour, son père, qui était chef cuisinier, l’invita à venir avec lui dans la cuisine. Là, il remplit trois casseroles d’eau et les plaça sur le feu. Dans la première, il mit des carottes, dans la deuxième des œufs, et dans la troisième, des grains de café.

La fille, impatiente, observait sans comprendre ce qu’il faisait. Après environ 20 minutes, son père éteignit le feu. Il sortit les carottes et les mit dans un bol, les œufs dans une assiette, et versa le café dans une tasse. Puis il se tourna vers sa fille et lui demanda :

« Que vois-tu ? »

Toujours confuse, elle répondit : « Des carottes, des œufs et du café. »

Il lui demanda alors de toucher les carottes. Elle constata qu’elles étaient devenues molles. Puis il lui demanda de casser un œuf. Une fois épluché, elle vit qu’il était dur. Enfin, il lui fit goûter le café, dont l’arôme et le goût lui arrachèrent un sourire.

Son père lui expliqua alors :

« Ces trois éléments ont fait face à la même adversité : l’eau bouillante. Mais chacun a réagi différemment. La carotte, forte et rigide au départ, est devenue fragile et molle sous la chaleur. L’œuf, fragile à l’extérieur et tendre à l’intérieur, a durci avec l’adversité. Quant aux grains de café, eux, ils ont transformé l’eau en quelque chose de meilleur. »

Puis, en la regardant dans les yeux, il ajouta :

« Lequel es-tu ? Es-tu comme la carotte, qui semble forte, mais s’effondre face aux difficultés ? Ou comme l’œuf, qui commence avec un cœur tendre mais se referme et durcit après les épreuves ? Ou es-tu comme le grain de café, qui transforme son environnement et trouve une force pour améliorer la situation autour de lui ? »

Enfin, il conclut :

« Lorsque la vie te met à l’épreuve, sois comme le grain de café. Transforme les obstacles en opportunités, et fais en sorte que les difficultés révèlent le meilleur de toi-même. Tout dépend de la manière dont tu choisis de réagir. »

Une belle leçon pour affronter la vie avec courage et résilience.

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source non connue

vendredi 14 février 2025

Colère(s)


La colère est mauvaise conseillère. C'est vrai. Mais elle peut être un excellent révélateur.

Dans les arts énergétiques chinois, celle-ci est souvent décrite comme un signe de dysfonctionnement organique (Foie). On oublie qu'en la présentant ainsi, on omet de préciser que c'est au travers d'un regard médical qu'elle apparaît pathologique.

Pourtant, comme toute émotion, celle-ci a intrinsèquement une valeur indispensable à la nature. Elle a un côté parfaitement physiologique, et peut se révéler saine, y compris au niveau spirituel.

Que nous signifie-t-elle dans ce cas ?

Premièrement, que quelqu'un ou quelque chose ne respecte pas nos limites ou nos valeurs. 

Deuxièmement elle peut signaler un décalage entre ce qui nous est dit, ce que la surface montre, et le réel sous-jacent. Autrement dit, la colère est un excellent détecteur de mensonges.

Troisièmement, elle peut signaler une accumulation de frustrations, c'est à dire des élans créatifs bridés ou bloqués.

Dans ces trois cas, cette émotion est saine, à condition de pouvoir en faire qqch de constructif, ce qui est une gageure en soi.

Dans tous les cas, ostraciser la colère de manière systématique est une erreur. Ceux qui le font se coupent d'une forme vitale d'énergie qui agit souvent comme le tonnerre en réorganisant une structure bancale ou fausse.

Quand on n'assume pas sa colère, on la refoule ou on s'en coupe complètement. Refoulement et clivage font à coup sûr le lit d'abus de toute sorte.

Il est urgent de redonner à la colère son juste rôle. Qui doit être temporaire pour rester physiologique et sain d'un point de vue spirituel.

Le Bois nourrit naturellement le Feu. La colère doit trouver sa sortie dans la parole, le cœur, le lien, dans notre dignité intrinsèque.

Sans cela elle stagne au Bois, devient chronique, destructrice intérieurement ou extérieurement. Elle devient violence, tournée vers soi ou vers l'autre, si elle ne peut déverser son énergie au Feu.

Dès lors, apprendre à exprimer sa colère de manière constructive, et donc apprendre à communiquer sainement est un travail aussi important en spiritualité qu'apprendre à méditer correctement.

Bonne observation et pratique !

Fabrice Jordan

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jeudi 13 février 2025

Pratique du non refus

 Extrait de l'entretien d'Alexandre Jollien, philosophe, avec Bernard Campan, humoriste et homme de cinéma. - Le métier d'homme, Seuil, Ed. de poche 2013, p. 102-106

B. Campan vient de raconter qu'à la suite d'une expérience, il a cherché un sens.



A J. : Quel a été le déclic pour passer à la pratique ?

B.C. : Ce fut la rencontre avec un livre d'Arnaud Desjardins, À la recherche du soi. Et je pense même plus particulièrement, les premières lignes du chapitre qui s'appelle "L'acceptation". Cela a tout de suite fait écho en moi : l'acceptation de la vie, le oui à la vie… […] Le oui à la vie a été le déclic. C'est l'un des mots-clés de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.

A J. : C'est alors que la pratique s'est installée ?

B.C. : Elle est venue quand j'ai pris conscience de tous les refus que j'opposais à la vie telle qu'elle est. Au départ, les refus on les voit peu. Puis progressivement, on se rend compte que le quotidien est tissé de refus, ainsi que des petites émotions, plus ou moins subtiles, qui y sont liées. Ma pratique finalement consistée, au début, à prendre conscience de mon être, du goût d'exister, de vivre, d'être vivant tout simplement. Et de déceler qu'à chaque refus on passe à côté du vivant. Chaque refus est inconscient. Il nous entraîne dans notre propre monde, qui n'est pas le monde réel, dans ce sommeil dont parlent beaucoup les philosophies hindoues : le monde du sommeil, de l'illusion et de l'esclavage, car on devient alors esclave de son propre monde.

A J. : Finalement, tu étais dans le non ?

B.C. : Oui… ! Refuser la vie telle qu'elle est, c'est être dans le non. C'est rediscuter en permanence ce que la vie me propose à chaque instant, et par là-même résister en permanence au réel. […] On est en permanence en discussion avec le réel, en permanence dans : « Ce serait mieux autrement », « Il aurait mieux valu que ce soit comme ça », etc.

A J. : Mais en quoi c'est mal ?

B.C. : C'est mal déjà parce que cela nous fait du mal. Cela crée une tension supplémentaire. Un de nos amis communs appelle cela une "crise d'impossibilité". Car on remet en question ce qui est. Et à rediscuter sans cesse ce qui est, on ne peut qu'être dans une perte d'énergie énorme, d'une usure considérable. Alors que si c'est ce qui est, c'est indiscutable. Voilà, en ce sens déjà, c'est mal.


En outre, on risque de rester enfermé dans ce processus, parce qu'on peut toujours argumenter intellectuellement : « Mais je sais bien que la réalité est comme ça ». Et là, on peut être prisonnier d'une illusion très subtile : « Je comprends bien la réalité, et je l'accepte. » Sauf qu'on est dans une sorte de résistance qui est la résignation et pas l'acceptation.

Alors qu'être dans le oui, c'est s'ouvrir à ce que la vie est, à ce que la vie nous propose, à la fois extérieurement – les faits, les événements, les situations – et intérieurement – les émotions, les humeurs. Le non à la vie, c'est le non à la vie tout entière : à l'extérieur de nous telle qu'on la conçoit et à l'intérieur de nous telle qu'on la reçoit.

J'étais dans un commentaire permanent de la vie qui résistait à ce qu'elle me proposait. Et tout à coup, j'ai senti que je pouvais cesser de résister et aller dans son sens. Changer radicalement de direction. […]

Au départ je pensais que c'était le moi qui devait accepter. Aujourd'hui, je vois que le travail se passe plutôt dans l'effacement du moi. Le refus doit tomber, céder, pour que l'acceptation se révèle. Comment ? Déjà en faisant la différence entre accepter et se résigner. Cela a été énorme pour moi de découvrir cela. […] Accepter n'est pas se résigner devant un fait. Ce n'est pas du fatalisme. […]

Accepter ce que l'on est, accepter nos souffrances. Cela n'a rien de doloriste. Il s'agit simplement d'accepter la personne en nous qui souffre, qui souvent est l'enfant. Et l'accepter, ça veut dire l'aimer. Il n'y a pas d'acceptation sans amour et pas d'amour sans acceptation. Et il n'y a pas de connaissance sans amour non plus. S'aimer et s'accepter, c'est la même chose. C'est à un moment avoir un regard vrai, lucide et indulgent sur ce que l'on est : sur nos souffrances, nos mécanismes, sur tout ce qui nous constitue, le plus souvent d'ailleurs sans que l'on en ait conscience.

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source : blog Voies d'Assise

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mercredi 12 février 2025

je veux


je veux
être respecté
mais celui là même qui le veut
devra être mis de côté
je veux
être entendu
mais celui la même qui le veut
est voué à finir au rebut
je veux
être reconnu
mais celui là même qui le veut
est appelé à être exclu
je veux
être compris
mais celui là même qui le veut
sera privé de ses appuis
je veux
être vu
mais celui là même qui le veut
devra passer inaperçu
en ce que je veux
pas d’issue
en ce que je ne veux pas
le salut

Gilles Farcet

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mardi 11 février 2025

La métaphore de la file d'attente.🚶🚶🚶🚶


Petit, on nous apprend à laisser passer les autres, ou à les faire passer en premier, ou à se mettre en retrait pour ne pas déranger, ne pas s'imposer, ne pas être égoïste, ect..

Et aujourd'hui où en êtes-vous dans cette file d'attente?

Et si la règle, c’était chacun son tour?

Et s’il y avait de la place pour tout le monde?

Et si c’était enfin votre tour?

Et si vous vous occupiez (enfin) de vous?

❌ Non, ça ne fait pas de vous quelqu’un d’égoïste!

✅ Car plus vous répondez à vos besoins et plus vous serez disponible pour les autres. 🥰

Qu'en pensez-vous?

Valérie Roumanoff


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lundi 10 février 2025

"S'éveiller à la réalité est la porte de la vie"

 


C’est l’histoire d’un brave homme qui se met en marche pour demander une parole de sagesse à maître Ikkyû. Pour toute réponse, le moine zen, calligraphe réputé, trace avec son pinceau un idéogramme signifiant « attention ». Le paysan venu de loin ne s’en satisfait pas et il revient peu après auprès du maître zen pour lui demander une autre parole de sagesse. Celui-ci reste un long moment en silence avant d’écrire de nouveau « attention ». La même scène se reproduit une troisième fois et le paysan reçoit de nouveau le même idéogramme.

L’attention est le mot-clé du bouddhisme zen, ce petit conte que j’aime beaucoup l’illustre bien. Mais toutes les voies spirituelles font retentir cet appel à l’attention. La philosophe Simone Weil écrivait par exemple : « Le péché, c’est l’inattention. » Je crois que cette phrase résume tout l’Évangile. Pour vivre l’expérience spirituelle, il est essentiel d’habiter la Présence. S’ouvrir et s’éveiller à la réalité est la porte de la vie. Il s’agit d’être totalement réceptif au réel, de l’accueillir tel qu’il est ; le réel empirique (les choses autour de moi que je vois, que j’entends, que je touche…) et le réel intérieur (ce qui grouille en moi, mes blessures, mes zones d’ombre, mes hostilités…).

Cette présence au réel n’a rien d’évident, surtout dans nos sociétés de l’accélération, de la culture du clip et du zapping. L’essor du « capitalisme attentionnel », ou capitalisme de la captation de l’attention, est en cela un drame qui produit des fruits de mort. Toutefois, j’ai l’espérance que de plus en plus de personnes vont se réveiller et refuser ce conditionnement insidieux des esprits via le tout numérique. Je pense en particulier, en disant cela, aux gens qui me remercient pour le bien que cela leur fait d’être soustraits aux distractions en tout genre pendant mes sessions de méditation dans l’esprit du zen que je n’ai jamais cessé d’animer.

Bernard Durel

source : magazine La Vie

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dimanche 9 février 2025

« un bouddhiste qui a rencontré le Christ »

 Bernard Durel : « Si je n’avais pas rencontré le bouddhisme, je serais devenu un religieux éteint »


Sans sa rencontre imprévue avec le bouddhisme zen, le dominicain Bernard Durel aurait continué à vivre éloigné de sa source intérieure. Récit d’un itinéraire humain et spirituel à la croisée de plusieurs traditions.

À la fin de sa vie, père Vincent Shigeto Oshida, dominicain japonais, se présentait comme « un bouddhiste qui a rencontré le Christ ». 

En écho à ces propos, je me définis volontiers comme un chrétien qui a rencontré Bouddha. Une bénédiction inattendue ! En effet, si je n’avais pas croisé le chemin du bouddhisme, sans doute serais-je devenu un homme, un croyant et un religieux éteint, endormi. Depuis plus de 50 ans, la tradition bouddhiste ne cesse d’éveiller, de réveiller ma propre tradition chrétienne et cette « fertilisation croisée » est une immense richesse.

Une vocation négative

C’est faute de mieux, j’ose le dire, que je suis entré au noviciat des Dominicains à l’été 1962, avant d’être rattrapé par le service militaire. Je parle souvent d’une « vocation négative » dans la mesure où j’ai considéré la vie religieuse comme une hypothèse de travail : « Essayons, et si cela ne va pas, je partirai. » À l’École des mines de Paris, dont je venais tout juste d’être diplômé, j’avais envisagé deux autres voies : la recherche scientifique et la vie politique. Mais face à la misère des pays dits du tiers-monde, face à l’oppression et à l’injustice coloniale – nous étions en pleine guerre d’Algérie – je m’étais rendu compte que ces deux voies n’étaient pas à la hauteur des enjeux.

J’aurais pu frapper à la porte des Jésuites, mais j’ai choisi celle des Dominicains dont j’avais rencontré quelques belles figures dans le cadre de l’aumônerie étudiante. Cet ordre solide, riche de huit siècles d’histoire, offrait quatre réalités qui m’attiraient : une vie intellectuelle intense, une vie en communauté, une vie liturgique de type monastique et une dimension internationale. Lorsque j’ai rejoint la communauté du Saulchoir en mars 1965 pour entamer mon cursus de formation, je savais que, trois ans plus tard, je serai invité à m’engager « jusqu’à la mort » selon la formule de profession. Or, ma découverte, grâce à Paul Ricœur, de la psychanalyse et des maîtres du soupçon (Marx, Nietzsche, Freud), a peu à peu fait naître en moi des doutes quant à ma capacité et à mon désir de prononcer un tel engagement.

Avec la philosophie, ce grand cadeau de ma vie dominicaine, je ne pouvais plus souscrire aveuglément à cette idée très ancrée à l’époque selon laquelle « si on a signé, c’est pour la vie, quitte à en baver ». Je suis alors parti en quête d’une autre conception de la fidélité sur laquelle m’appuyer. La lumière est venue pendant le carême 1967, lors d’un office où on lisait le récit des Israélites dans le désert. Il m’est apparu que la fidélité biblique était liée au thème de l’Alliance, qu’elle s’inscrivait dans la relation à Dieu qui, lui, est fidèle : il s’agit non pas de « tenir bon » coûte que coûte, mais de (re) découvrir jour après jour la manne, ces ressources que Dieu nous donne généreusement pour le jour présent.


Voies venues de l’Orient

Au printemps 1968, j’ai pu ainsi m’engager non pas « pour toujours », mais en acceptant que ce soit fragile. Et fragile, ça l’a été ! Jusqu’au milieu des années 1980, j’ai vécu avec une valise près de ma porte, prêt à quitter l’Ordre comme tant de mes frères. Au Saulchoir, puis à Lyon, deux communautés particulièrement ébranlées par la crise de mai 1968, j’ai eu l’impression d’être sur un navire en perdition. Je me suis donc proposé pour être envoyé en Suède, dans l’espoir d’y trouver une nouvelle inspiration. Mais, à Stockholm aussi, je me suis retrouvé dans une impasse. L’Église y était fortement sécularisée, comme fossilisée. En revanche, de nombreux Suédois en quête de sens s’ouvraient aux voies venues de l’Orient, bien avant les Français. C’est ainsi qu’à l’automne 1971, de manière tout à fait imprévue, la méditation zen est entrée dans ma vie.

La première fois où je me suis assis sur un zafu, le coussin de méditation, j’ai senti que c’était ce que j’attendais sans le savoir ni le chercher. En commençant à lâcher prise, j’ai entrevu en moi un espace plus profond, plus paisible, bien au-delà des problèmes, des crises et des débats quotidiens. C’est devenu une pratique quotidienne à laquelle j’ai très vite initié des tiers – je suis devenu professeur alors que j’étais encore élève ! Je me suis installé sur ce chemin en me nourrissant également de lectures, notamment des livres du psychologue allemand Karlfried Graf Dürckheim. Le « travail dans l’esprit du zen » que celui-ci proposait me faisait du bien, mais j’ai peu à peu pris conscience que j’étais coupé de mon « moi essentiel », pour reprendre sa terminologie.

Je me sentais seul dans ma communauté, où aucun frère ne partageait mon intérêt pour le bouddhisme zen et l’écosophie – concept du philosophe norvégien Arne Næss dont j’avais suivi un séminaire. Je ne supportais plus ce quotidien terne, sans enthousiasme, d’autant que lors de mon court séjour à Calcutta, auprès des Missionnaires de la Charité et de Mère Teresa, j’avais fait l’expérience d’une vie religieuse authentique. Bref, j’étais mal au point. Aussi ai-je demandé, de façon un peu désespérée, un congé sabbatique en 1981. Je l’ai commencé au couvent dominicain de la Tourette où Pierre Cren, prêtre dominicain, et Jacques Castermane, fondateur du centre Dürckheim à Mirmande, animaient des séances de méditation zen. Puis en 1982, j’ai passé six semaines à Todtmoos-Rütte, en Forêt-Noire, dans le centre de Dürckheim.

« Le Verbe ne se fait pas chair »


Ce séjour auprès de Dürckheim, qui avait alors 87 ans, m’a guéri de la dépression et du burn-out. Grâce à lui, j’ai eu cette chance, que tant de mes frères n’ont pas eue, de pouvoir mener un vrai travail sur moi-même, d’acquérir des outils de connaissance de soi, de sa vie psychique, qui me servent aujourd’hui encore. En revisitant ma vie, j’ai pu m’accepter, reprendre confiance en moi. Et aussi résumer mon expérience en une phrase, terrible : « Le Verbe ne se fait pas chair. » La lecture de Carl Gustav Jung m’a aidé à poser ce constat, lui qui écrivait dans Psychologie et alchimie : « Pour la plupart, les hommes n’ont rencontré le Christ que de l’extérieur et jamais par l’intérieure de leur âme… » G.K. Chesterton ne disait pas autre chose : « On dit que le christianisme a échoué, personne ne l’a jamais essayé. »

Dès lors, je me suis mis à chercher ces hommes et femmes qui, dans l’histoire, ont été d’authentiques témoins de la Parole faite chair. Et j’ai notamment trouvé Etty Hillesum, Dietrich Bonhoeffer, Thomas Merton, Édith Stein… Et Maître Eckhart, ce mystique rhénan contre lequel on m’avait mis en garde durant ma formation au Saulchoir. Sans le bouddhisme zen, je ne l’aurais pas « rencontré », lui dont l’enseignement est très proche de celui du Bouddha. J’ai décidé de l’étudier sérieusement quand j’ai été élu prieur du couvent de Strasbourg en 1983, soit près de huit siècles après lui.

À la suite de Thomas Merton, j’ai été frappé par la proximité entre le concept bouddhique de vacuité et celui de « pur néant » de Maître Eckhart. Entre le vide du zen et le vide christique, le Christ s’étant « vidé de lui-même » (Philippiens 2, 6). Cette approche croisée m’a conduit vers un christianisme détaché des formulations. Même les expressions suprêmes de la foi chrétienne contenues dans le Credo ne sont que des mots du dictionnaire ! Je les récite avec bonheur, évidemment, mais tout en sachant qu’elles ne sont pas à la hauteur du mystère de Dieu, du Réel. Maître Eckhart distingue « Dieu », celui que l’on nomme, de la « déité », c’est-à-dire Dieu au-delà de Dieu, au-delà de toutes les désignations. Et dans son sermon n°52, il répète trois fois : « Je prie Dieu de me libérer de Dieu », de me libérer des représentations commodes que j’en ai.

Les fruits de la méditation

Jeune dominicain, en voyant mes frères un peu éteints, je me disais : « Toi aussi tu vas perdre la flamme. » Ma vie est partie dans la direction contraire ! J’ai reçu tant de fruits de la méditation dans l’esprit du zen que j’avais commencé à pratiquer pour des raisons thérapeutiques. Outre l’expérience de la guérison, je vois trois bénéfices durables : une prise de conscience de la place du corps dans la vie intérieure ; le caractère paradoxal de l’enseignement de Jésus qui, à la manière des maîtres zen adeptes des koan (propos déstabilisant destinés à faire progresser le disciple sur la voie de l’éveil), veut déstabiliser ses disciples pour les amener plus loin ; la découverte des mystiques médiévaux.

Le théologien Raimon Panikkar, qui se disait « hindou chrétien », a eu cette parole que d’aucuns jugeront excessive, mais qui interpelle : « Celui qui n’a qu’une religion est condamné à n’en avoir aucune. »

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Les étapes de sa vie

1940 Naît près de Fontainebleau (Seine-et-Marne).

1959 Entre à l’École des mines de Paris.

1964 Rejoint le noviciat des Dominicains à Lille.

1971 Ordonné prêtre.

1971 Envoyé en Suède où il rencontre le bouddhisme zen et acquiert une conscience écologique.

1983 Nommé prieur du couvent de Strasbourg.

1988 Monte un groupe de lecture des écrits de Maître Eckhart et Jean Tauler.

1990 Séjour au Japon dans le cadre du Dialogue interreligieux monastique (DIM).

1997 Crée S’asseoir, association de promotion de la méditation silencieuse dans l’esprit du zen.

2009 Publie le Nuage de l’inconnaissance (Albin Michel).

2024 Vers la source intérieure. Conversation avec Jean-Claude Noyé (DDB).

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Source La Vie

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samedi 8 février 2025

Toute forme vivante est un mystère

Tout forme vivante est un mystère. Lorsque vous regardez une fleur vous ne voyez pas une forme définitive mais une forme en devenir. Cette rose qui surgit d'un bulbe souterrain va passer par trois phases incontournables : le stade du bouton, celui de la fleur épanouie pour ensuite devenir la fleur qui fane.

En japonais, Ikebana signifie fleur vivante et indique aussi l'exercice de la composition florale, l'art du bouquet. Et, dans ce domaine, la culture du chrysanthème est considérée comme étant un art traditionnel.


A la différence de la symbolique macabre que cette fleur a dans la plupart des pays d'Europe, la culture du chrysanthème au Japon est envisagée depuis plusieurs siècles comme une véritable philosophie de vie.

Lorsqu'il était au Japon (1937-1947), Graf Dürckheim a visité une exposition centrée sur cette fleur qui est l'emblème également de la famille impériale. Au cours de cette visite, il demande au maître jardinier : "Pouvez-vous me dire si au cours de la croissance de cette fleur il y a pour vous un moment qui est plus important qu'un autre ?" Le maître jardinier semble très embarrassé par cette question et dit qu'il ne la comprend pas. Graf Dürckheim avoue qu'il lui semble que c'est le moment où cette fleur est épanouie. Le maître jardinier, saisissant alors le sens de sa question, lui dit : "Pour nous japonais, il n'y a pas un moment de la croissance d'une fleur qui serait plus important qu'un autre, parce que la vie de cette fleur est un chemin de transformation qui va de sa naissance à sa mort."

L'erreur commise par bon nombre d'occidentaux qui se disent intéressés par le zen est de s'imaginer qu'il faudrait, à coup d'exercices, réaliser, atteindre et maintenir un état d'être qui serait du même niveau que la beauté de la fleur épanouie ! En quelque sorte être infiniment bon, infiniment juste, infiniment parfait ! Ou se maintenir dans un état d'être serein, confiant, avenant, en toutes circonstances.

La visée du Zen est de nous ré-orienter vers notre être véritable que Graf Dürckheim appelle notre être essentiel : « Être en accord avec l'Être ne signifie pas être dans un état de perfection. Vouloir atteindre la perfection est une erreur que ne doit pas commettre la personne en chemin. Notre vérité est souvent assez misérable, en rapport avec notre idéal. Être relié à notre vraie nature ne signifie pas que nous réalisons de manière parfaite "ce que doit être un homme", mais avoir la force de nous voir dans notre vérité du moment. L'éveil à notre être essentiel ne se manifeste pas quand nous dépassons le niveau humain mais précisément là où nous reconnaissons ce niveau humain, lorsque nous reconnaissons notre faiblesse. » 1

Une dernière étape ... vieillir !

La fleur fanée. Elle est retirée du bouquet qui vous a été offert ou elle est arrachée de votre jardin. Sans doute parce qu'elle nous confronte à l'inacceptable : la mort.

Le bouton de rose, la rose épanouie, la rose fanée sont des imprégnations physiques (corporelle) de ce qui fait que ce qui vit ... vit (l'essence) !

Sur la Voie qu'est le Zen, la personne en chemin, lorsqu'elle vieillit, apprend à -quitter toute forme réalisée, ce qui lui permet d'apprendre à -admettre- une forme nouvelle. C'est pourquoi vieillir devrait être entendu comme étant la chance de mûrir. S'efforcer de vouloir toujours stabiliser ce qui est acquis est une des causes de l'angoisse des personnes âgées.

Vieillir (mûrir) c'est accepter l'affaiblissement des forces qui sont du domaine du faire et sont développées par le Moi. Le corps, peut-être attaché à une canne, le corps qui se déplace désormais lentement, devient un champ d'expérience de l'infaisable.

Expérience d'une force qui ne peut être quantifiée par un dynamomètre ; une force qui est ressentie en tant que qualité d'être. Imprégnation corporelle d'une plénitude intérieure, d'un ordre intérieur, de la paix intérieure, la force du non-vouloir.

Je ne pouvais imaginer, lorsque en 1967 j'ai pratiqué zazen pour la première fois, que cet exercice m'amènerait à ne plus considérer l'agitation comme étant le contraire du calme et de faire l'expérience que l'agitation exclut le calme, le grand calme présent au plus profond de chaque être humain.

Jacques Castermane

1 - Le Centre de l’Etre - éd. Albin Michel (p. 45)

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