mardi 18 janvier 2022

VAGUE (" le nirvana est le samsara")

 

Illusion que ce monde,

disent ils

non sans dédain

or

l’illusion n’est pas ce monde

mais la conviction

qu’il gravite autour de moi

le moi n’est qu’un rêve,

clament ils

non sans morgue

or

le rêve n’est pas le moi

mais sa prétention d’exister

souverain

par lui même

et à jamais

séparé

alors qu'il n'est que distinct

vaines, ces entreprises,

prétendent ils

non sans condescendance

or

nos entreprises

non seulement ne sont pas vaines

mais chacune

chacune

importe

pourvu qu’elle participe

au déploiement

du vivant

vaine

par contre

la conviction

que le monde devrait

se conformer à notre gré

fiction que la personne

pointent ils

non sans affectation

or

la personne

n’est pas plus fiction

que la vague

jaillie de l’océan

fiction par contre

que sa propension

à s’imaginer

autonome

et éternelle

chimère que le libre arbitre

dénoncent ils

non sans désespoir

or

est ce chimère que

le vertige

du possible choix

dans le précipice de l’instant

mais chimère,

que de se croire

libre

tant qu’on ne l’est pas

chimère

de s’attribuer

la moindre liberté

comprenne qui pourra

aveuglement que l’amour

ricanent ils

non sans cynisme

or

aimer

aimer de la manière

la plus ordinaire

la plus banale

qui soit

ses enfants

son conjoint

sa maison

son chien

aimer

n’est pas s’aveugler

s’aveugler

c’est confondre

chaque objet d’amour

avec l’amour lui même

investir d’éternité

l’éphémère

et ainsi refuser

la perte

l’éloignement

le changement

égarement que le désir

avertissent ils

non sans morbidité

or


le désir

n’est pas plus aveugle

que la vie

dont il procède

n’est aveugle

que la pulsion

vouée

à son seul assouvissement

surface, surface

pointent ils

non sans superficialité

or

la surface

n’est superficielle

que tant qu'elle est appréhendée

hors de la profondeur

dont elle procède

et qui l'irrigue

La surface est la profondeur

La profondeur est la surface

oh


qu’il me soit donné

de me savoir

vague

dérisoire

cruciale

vague

naissant

vivant

mourant

en l’inconnaissable océan

me savoir

pleinement

joyeusement

glorieusement

vague


.........Gilles Farcet

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3 commentaires:

Anonyme a dit…

La goutte d'eau que je suis dans la vague ne sait pas vaguement qu'elle n'a pas la maîtrise de sa vie, elle le sait absolument, et aussi qu'elle n'a pas la maîtrise de l'océan, lui-même goutte d'eau perdue sur la planète bleue, elle-même minuscule poussière dans l'infini cosmique irradiant de ses résonances même le moindre mot.

Suzanne a dit…

Quel magnifique texte !
Gilles Farcet se place toujours à hauteur de notre humanité, avec sa force, ses fragilités.
Cette vision des choses me touche.
Merci de ce riche partage.
Bel après midi à vous.

Acouphene a dit…

Merci de vous être laissés porter par la vague.