dimanche 11 février 2018

Christophe André : “Se dépouiller permet de se rapprocher de l’essentiel“ (1)

Expert en exploration de la vie intérieure, Christophe André nous donne 
ses conseils pour ne pas passer à côté de l’essentiel.





Depuis des décennies, Christophe André, médecin psychiatre, scrute les profondeurs psychiques de ses contemporains. Alors que le carême arrive bientôt, il nous livre ses réflexions et ses conseils sur la vie intérieure, traçant un trait d’union entre le corps, l’esprit et l’âme… plongeant dans l’essentiel de nos existences assoiffées de spiritualité.
Comment définir la vie intérieure ?
La vie intérieure est ce qui constitue notre personnalité intime et renvoie à tout ce qui se passe en nous en termes de pensées, d’émotions, de ressentis corporels, que nous en ayons conscience ou non.
Cette vie de l’intime relève-t-elle 
du psychologique, du spirituel… ?
Elle est de l’ordre de la globalité corps-esprit-âme, et c’est ce qui contribue à la rendre mystérieuse, attirante et passionnante. La question est de savoir si nous y prêtons attention et si nous la cultivons, ou bien si nous sommes sans cesse guidés par des sollicitations et des objectifs extérieurs, dans un monde qui nous pousse à faire de plus en plus de choses, de plus en plus rapidement et de façon superficielle. Beaucoup de personnes ne se penchent pas vers leur intériorité, soit par choix, soit pas peur, soit par négligence. Jusqu’au jour où leur vie intérieure va faire irruption, sous forme de bouffées émotionnelles douloureuses, de spleen, de malaises existentiels flous… Mais la vie intérieure peut aussi se révéler au travers de moments de grâce surgissant tout à coup, durant lesquels on va se sentir heureux -au-delà de ce qui est explicable ou prévisible : vertige existentiel face à la voûte étoilée, émotion infinie devant un nouveau-né, bouleversement esthétique dû à une œuvre d’art. C’est là qu’on voit bien que notre vie intérieure ne peut se réduire à une analyse rationnelle : elle nous fait alors prendre conscience d’une réalité mystérieuse, mais réelle, relevant du plus grand que soi.
Cette vie bruissant en nous nous rappelle que nous ne sommes pas des robots ni des amas de molécules.
La descente à l’intérieur de soi mène-t-elle forcément à la transcendance ?
Je crois en tout cas qu’elle nous y ouvre assez naturellement. Il y a une façon très matérialiste et concrète d’aborder la vie intérieure chez certains scientifiques, qui comptabilisent par exemple le nombre moyen de pensées par jour. Aborder la vie intérieure ainsi ne révèle pas sa richesse et son étendue. Cette vie bruissant en nous nous rappelle que nous ne sommes pas des robots ni des amas de molécules qui ne font que répondre aux sollicitations de l’environnement. L’homme héberge des zones de mystère, d’irrationalité. Et lorsqu’il descend en lui, il se retrouve bien souvent aspiré dans des dimensions beaucoup plus vastes que son simple quotidien, le poussant à se poser des questions existentielles et métaphysiques : qui suis-je ? D’où viens-je ? Pourquoi suis-je là ?
L’expression « cultiver sa vie intérieure » 
signifie-t-elle que cette dernière aurait une amplitude 
plus ou moins vaste selon les personnes ?
Je vois dans le terme « cultiver » l’image de l’entretien d’un jardin. S’intéresser à sa vie intérieure ne revient pas à se contenter de quelques minutes d’introspection dans le métro. Cela ressemble plus à l’art du jardinage, qui nécessite des efforts variés et réguliers : s’octroyer de vraies plages de lecture, prendre un temps avant ou après la prière afin de faire un petit bilan de son état personnel, s’offrir des temps de recueillement dans la journée, en s’arrêtant par exemple quelques minutes dans une église après le déjeuner… Ces efforts sont comparables au jardinage : si je ne le fais pas, tout et n’importe quoi va pousser, il n’y aura plus d’endroits pour passer. Cultiver sa vie intérieure, c’est de temps en temps nettoyer, racler, couper, planter, tracer des voies, de façon à ce que le passage soit un peu plus facile. Et plus je pratiquerai, plus il me sera facile d’y avoir des repères, de m’y retrouver.
Plus on est centré sur soi, sur ce que l’on nous doit, au détriment de ce que nous devons aux autres, plus on est malheureux.
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Source : La Vie

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