mercredi 18 mars 2020

Transformer son intérieur...

BIOGRAPHIE

Devenu aveugle à 33 ans après avoir contracté une grave maladie, Eric Brun-Sanglard décide, contre toute attente, d'exercer le métier d'architecte d'intérieur. Il mène alors une carrière prestigieuse, et compte bientôt parmi ses clients plusieurs stars de Hollywood. Il anime par ailleurs une émission de télévision aux Etats-Unis : The Blind Designer.

INTERVIEW

Votre livre montre combien le lieu que nous habitons nous révèle et doit correspondre à notre identité. Si une personne est insatisfaite de son logement, doit-elle forcément envisager d'en changer ? Est-il possible d'« accepter » le lieu tel qu'il est, avec résilience ?
La première question à se poser est de comprendre pourquoi cette personne est insatisfaite. Problème de luminosité, d'exposition, d'environnement (bruit, odeurs), de voisinage ? Si c'est le cas, oui, je conseillerais de déménager car ces éléments sont difficilement maîtrisables.
En revanche, si c'est dû à une mauvaise expérience dans cette habitation (divorce, décès, vétusté, sonorité, matériaux présents, ameublement, couleurs, odeurs de moisissure…), il est possible de remédier à ces problèmes en rénovant, en repensant l'espace, sa décoration et l'énergie qui en résultera.

Comment avez-vous pris conscience du parallèle qui s'est établi entre la reconstruction de votre habitation et votre reconstruction intérieure ?
Au moment où j'ai perdu la vue, alors que j'étais condamné par les médecins, j'avais préalablement entrepris de gros travaux dans ma maison. J'ai été forcé de les reprendre afin de pouvoir vendre ma maison et payer mes dettes médicales, qui s'accumulaient.
Petit à petit, après m'être réapproprié ma maison, ses espaces, ses matériaux, ses ouvertures à travers le toucher, les sons, les odeurs, tous ces sens qui devaient remplacer ma vue, j'ai commencé à rénover ma maison tout en améliorant ma santé. Sans même le réaliser, en reconstruisant ma maison, je reconstruisais ma santé, au grand étonnement des médecins.

Si je me sens mal chez moi, quelle est selon vous la première étape à laquelle je dois réfléchir pour transformer mon intérieur ?
La première chose que je conseil à mes clients est de se placer au milieu de chaque pièce, de fermer les yeux et d'établir une sorte de diagnostique de leur environnement.
Je leur demande alors d'écouter, de sentir, de ressentir pour comprendre d'où vient leur malaise. Si la pièce est vide, alors de la parcourir en touchant les murs, ses ouvertures, la sensation de leur corps avec les matériaux afin de ressentir l'énergie de la pièce.
Si la pièce est meublée, alors si possible la vider puis ramener chaque élément un par un. Les replacer où ils pensent que c'est le plus approprié. Si c'est un canapé, de s'asseoir les yeux fermés, toucher la forme et la texture de ce sofa, puis se lever et toucher son environnement toujours les yeux fermés pour s'assurer qu'il est placé au bon endroit, en laissant assez d'espace autour pour qu'il respire, puis se rasseoir et imaginer quel autre meuble complèterait l'ambiance que l'on voudrait ressentir.
Placer cet autre meuble et recommencer le même procédé jusqu'à ce que vous vous sentiez bien dans cet espace. Vous réaliserez peut-être que certains meubles doivent être changés ou éliminés car ils sont de trop. Ne vous sentez pas forcés d'exposer ou de placer tout ce que vous avez enlevé et choisissez avec précaution chaque objet, chaque élément de décoration tout comme si vous ajoutiez petit à petit des épices dans un plat jusqu'à ce que la saveur vous convienne.
C'est seulement à ce moment-là que vous pouvez réfléchir au traitement des murs, couleurs, papiers peints (même chose pour tapis, rideaux, coussins, plaids, etc.). Finalement, toujours les yeux fermés, sentez votre espace et rajoutez la senteur qui correspond à l'ambiance désirée dans cet espace (diffuseur, huiles essentiels, bougies ou fleurs odorantes…), tout comme vous le feriez, après vous être habillé, avec un spray de parfum avant de quitter votre maison.

Se sentir chez soi, est-ce forcément se sentir dans une sorte de cocon protecteur ?
Pour moi, notre maison doit non seulement nous ressembler mais également répondre à nos besoins émotionnels.
Pour certains, c'est peut-être le besoin de se ressentir comme dans un cocon protecteur, pour d'autres, un espace familial où chaque membre de la famille s'y retrouve, partage et s'exprime.
Dans mon métier d'architecte d'intérieur, découvrir ce que mes clients recherchent émotionnellement dans leur habitation est certainement la première chose que je dois établir. Cette partie de mon métier est ce que j'appelle l'étude psychologique de mes clients afin de pouvoir rentrer dans leur univers, m'approprier leur besoin, leur mode de vie, pour bien réaliser leur version du bien-être.
Notre notion du bien-être, tout comme notre ADN, est propre à tout un chacun. Cela explique l'impact de notre environnement sur nos émotions, et vice versa.

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source : Nouvelles Clés

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci Acouphène de ce témoignage....Personnellement, je ne suis pas confrontée au problème du confinement parce que cela fait un an et demi que je confine ( ! ! ! ) dans une Résidence sénior où j'apprends la solitude, son aménagement, le manque d'échange vivifiants avec les personnes âgées qui m'entourent et une fréquentation assidue avec les inconvénients de l’âge ( 83 ans).....donc, je commence à avoir une certaine pratique concernant le confinement! ! ! ...Je suis touchée par le témoignage d'Eric Brun Snaglard, aveugle, architecte qui nous enrichit en mettant sa préhension professionnelle du concret, de la matière, du lieu où l’on habite; Car mes yeux ont une DMLA...Avec un oeil, j'y vois bien yeux, avec l'autre, c'est trouble. J’ai une très légère peur souterraine, invisible, logique que cela risque de s'aggraver. Adieu Internet, Tablette, Télé. Je sais que tout vient à nous comme une opportunité et c'est ce que j'expérimente avec cette menace hypothétique. Par contre, le côté positif, c’est que je suis éblouie, de plus en plus, par mes amis les yeux. Grace au DMLA, j'ai appris à apprécier tout ce qu'ils me font comme cadeau seconde après seconde. Il multiplie (pour moi en ce moment) la beauté de toute chose:des fleurs en face de mon lit... elles sont fabuleuses... des personnes avec lesquelles je partage mes repas en souriant et riant même à grands éclats...du personnel qui a besoin de légèreté, de fluidité dans le moment présent et de la lecture qui est devenue une compagne prévenante, amicale, attentive.Même si je ne lis que 4 lignes....Et la gratitude est de plus en plus au rende-vous ! ! Tendresses Nicole de Saint-Zacharie

Suzanne a dit…

Merci Nicole de ce beau et enrichissant partage.
Cela m'aide beaucoup dans ce passage inédit.
Suzanne de Nancy

Acouphene a dit…

Oui Merci Nicole ! C'est très touchant ! Je vous enlace ! Nous sommes en lien avec le monde par delà le regard! Bien à vous !