dimanche 28 juillet 2013

L'ennui mis au jour avec Patrick Lemoine

L’ennui n’existe pas dans la nature. Et il y a des ethnies qui n’ont pas de mot pour l’­exprimer. Quand on lutte pour sa survie, on ne s’ennuie pas, même s’il s’agit de rester sans bouger pour surveiller une proie, ou de vérifier que l’on n’est pas attaqué. Les Chinois n’ont pas non plus de vocable pour le dire. Dans les cultures orientales, la méditation a une place centrale. Et l’ennui représenterait un décalage entre l’homme et son environnement, ce qui va à l’encontre de la recherche d’harmonie. En Occident en tout cas, l’ennui est une production des sociétés sédentarisées et urbanisées. Dès lors que vous savez que votre nourriture et votre sécurité sont assurées, vous commencez à vous payer le luxe de l’ennui...

Cela dit, ça se cultive. Il y a des familles où l’on ne supporte pas de laisser les enfants quelques minutes sans rien faire. Je vois des parents qui passent leur temps libre à courir, du foot au dessin puis aux louveteaux, faire des burn-out. Laisser son enfant 10 minutes sans lui proposer une activité n’est pas cruel. Les enfants trop sollicités deviennent des intolérants à l’ennui et donc plus facilement addicts. Dès lors que l’on n’est pas capable de rester face à soi-même, on fait avec ce que l’on a. La drogue, l’alcool et… pourquoi pas l’addiction numérique ? L’ennui à petites doses dès la petite enfance permet de développer l’imagination, la créativité, l’introspection, une forme d’autonomie. Je suis reconnaissant à mes parents de m’avoir laissé m’ennuyer dans le jardin à regarder les oiseaux !

Patrick Lemoine

(source : La Vie)

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