vendredi 1 avril 2022

Habiter avec soi-même

 HABITER AVEC SOI MÊME (extrait de La Réalité est un Concept à Géométrie Variable, Editions L'Originel- Charles Antoni)


Il habitait avec lui-même et cette cohabitation était pour l’essentiel heureuse, en dépit d’éphémères tensions encore susceptibles de survenir, comme une averse passagère dans un ciel dégagé.

Il avait appris à habiter avec lui-même.

Mais combien de ses semblables connaissaient-ils cette joie de demeurer en bonne intelligence avec soi ?

Plus il rencontrait, écoutait, accueillait, être humain après être humain, plus il était saisi de cette absence, de cette étrangeté à eux-mêmes dont beaucoup agonisaient à petit feu.

Tant et tant ne faisaient pour ainsi dire que se croiser eux-mêmes sans se rencontrer. Tels des colocataires indifférents les uns aux autres ou, l’image est sans doute encore plus exacte, tels ces copropriétaires des immeubles d’aujourd’hui qui, quoique sous le même toit, vivent dans des intérieurs séparés et ne font que furtivement se frôler dans les escaliers, tant d’êtres humains ne savaient pas grand-chose d’eux-mêmes et de la multitude dont ils étaient peuplés. Ils s’ignoraient, étrangers à leur personne hormis cette image brandie en étendard avec laquelle ils avançaient au dehors et à laquelle ils tenaient tant. Gare à quiconque aurait l’impudence de l’écorner, ou de simplement mettre en doute sa substance.

En matière de relation à soi-même et, par extension, au monde, le simple bon sens faisait souvent cruellement défaut. Les uns et les autres nourrissaient sans vergogne les illusions les plus flagrantes, les prétentions les plus extravagantes. Ivres d’opinions sur eux-mêmes, les autres, et le monde, ils allaient titubant en se proclamant lucides, tel l’ivrogne protestant partout de sa sobriété supérieure. Cela s’avérait hélas souvent encore plus vrai de celles et ceux qui s’étaient construits une identité qualifiée de « spirituelle » d’autant plus brandie qu’elle visait à compenser un narcissisme en miettes.

Quelques-uns, cependant, étouffaient en leur carapace. Quelques-uns ne voulaient pas des recettes et panacées qui pullulaient. Quelques-uns aspiraient à tant bien que mal travailler en vue d’accéder davantage à eux-mêmes, pressentant que soi-même est la porte de ce Plus Grand dont tout procède.

Ceux-là étaient ses amis et de ceux-là il était l’ami. Il ne les avait pas choisis. Il s’inclinait devant ce destin qui les liait. Ensemble, ils ne formaient surtout pas une quelconque « élite » ; juste une congrégation d’humains de réelle bonne volonté ayant uni leurs forces pour faire de leur mieux, ensemble.

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5 commentaires:

Suzanne a dit…

Merci, Eric, d'avoir pris le temps de partager ce texte de Gilles Farcet.
Ce qui m'interpelle dans celui-ci, c'est ce "Il" employé pour dire "Je"
N'est il pas présomptueux, de se penser "au dessus, ou en dehors" de la masse inconsciente ?
Ce positionnement me questionne ce matin, m'étonne de la part de G.F.
Belle journée à vous.

Acouphene a dit…

Bonjour Suzanne.
Je ne sais pas dire si ce Il est Gilles.

Acouphene a dit…

Peut-être un poisson d'avril ? Peut-être une réponse avec la vidéo de demain ? Bon week-end Suzanne !

Suzanne a dit…

Merci, Eric, et bon WE à vous aussi !

Anonyme a dit…

Je me régale avec le petit livre de Gilles Farcet : « le Réel à géométrie variable » OUI, je me régale + + + avec ce '' Réel à géométrie variable ''....Les mots de Gilles dansant entre ses états d’âme, cela me parle tout à fait.... j'apprends ce sport de haute voltige qu'est le Réel. ! ! !
Nicole de St Zacharie..Merci Gilles, Merci Eric