dimanche 5 septembre 2021

Comme saint Michel, apprenons à lutter contre notre dragon intérieur


Paule Amblard nous emmène en Crète, où une icône découverte dans une église de La Canée l’amène à méditer sur le combat de nous devons livrer à nos dragons intérieurs, qui nous empêchent de nous élever vers la lumière.

Je marchais depuis longtemps sous le soleil brûlant de La Canée. J’étais venue en Crète chercher la chaleur, les ciels embrasés du soir, les odeurs de thym, d’origan ou de l’herbe divine, le dictamnus, poussant sur les roches, qui guérit les plaies, le foie, le manque d’entrain et que sais-je encore ! Je voulais me gorger de cette nature et de sa vie intense avant de retrouver l’incertitude des jours où nous demeurerons un temps.

La vie des images sacrées


À midi, il n’y avait que les touristes ou les fous pour se promener dans la fournaise ! L’entrelacs des rues débouchait sur la place désertée d’une église, occupée par une statue de pierre : un religieux grec avec une longue barbe descendant sur sa poitrine. Il tenait d’une main une croix et de l’autre bénissait ceux qui venaient à lui. Je m’approchais et découvris son nom, Athénagoras, patriarche de Constantinople. C’est sous sa protection que je pénétrais dans le sanctuaire.

La fraîcheur du lieu me ranima. Je soupirais d’aise sans remarquer la présence du gardien qui somnolait, l’œil mi-clos, devant un tas de cierges et de petites icônes proposés à la vente. Quand il me vit, l’homme se redressa sans m’adresser une parole, m’observa des pieds à la tête pour contrôler ma tenue et, me jugeant apte, me laissa aller dans l’édifice. Le lieu était baigné d’odeurs d’encens, de cire. De nombreuses icônes ornaient les murs et les piliers. Les plus belles couvraient le mur de l’iconostase, fermant le chœur.

Pourtant, ce ne sont pas celles-là qui arrêtèrent mes pas, mais une image imparfaite dans sa facture, éclairée par des dizaines de petites flammes dansant dans l’ombre. Elle représentait saint Michel terrassant le dragon. Un pied dans la gueule de l’animal, il tenait une lance pointée sur la bête échouée qui le regardait. Cette vision m’a donné la force que j’espérais du voyage. Les orthodoxes croient à la vie des images sacrées qui transmettent une connaissance et une énergie spirituelle.

Une force vitale au service du spirituel

Celui qui regarde peut se laisser saisir et son âme être fécondée. Et, par sa vision, il donne vie à l’image. J’observais le dragon. Cet animal fantastique n’existe pas sur terre. Les sages racontent que lorsqu’il fut chassé du ciel, dans la lutte cosmique qui l’opposa à Michel, il fit sa demeure dans le psychisme humain. Il y poursuit sa lutte et sa quête de pouvoir. Certaines peintures représentent le dragon tel un monstre hybride au corps animal avec une tête d’homme. Ce symbole exprime notre propre combat intérieur pour transformer cette immense énergie pulsionnelle qui tend à détruire, prendre, consommer, en une force vitale au service du spirituel. Il s'agit de tenir notre lance, signe de lumière et de conscience sur la bête prête à détourner notre âme de son chemin d’évolution.

Qui est comme Dieu ? C’est l’étymologie hébraïque du nom de Michaël. Le dragon veut être Dieu. Il veut régner, absorber, dévorer. Il s’impose en nous et exerce sa puissance sur nos désirs, nos peurs, nos pulsions égoïstes qui nous abîment. Saint Michel offre sa force. L’automne fête l’archange. À l’heure où la nature se prépare à se détacher et mourir, l’ange de lumière est un signe de feu intérieur. En prenant appui sur cet être divin, nos terreurs, nos dragons intérieurs peuvent être vaincus.

« Tous les dragons de notre vie sont peut-être des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours qui attendent que nous les secourions » (Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète.)

par Paule Amblard

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Source : La Vie


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