samedi 10 août 2013

Etre vivant avant tout avec Bernard Campan (4)

Dans ce cheminement, quelle place a pour vous la vie familiale, la vie conjugale ?
Une très grande place. On parlait de vocation, eh bien ! J'ai vraiment l'impression que ma femme et mes enfants en font partie. Ces dernières années, quand j'ai écrit mon propre film, j'ai moins tourné car ça correspondait à l'arrivée de notre deuxième enfant, Nina, qui a dix ans aujourd'hui. Notre premier, Loan, avait cinq ans ; donc je me suis dit : « Ils sont petits, il faut que j'en profite le plus possible et qu'on passe du temps ensemble '. J'ai très peur de louper ça, d'avoir des regrets. Alors j'essaie d'être présent au mieux, le plus possible, d'être un père à l'écoute. J'essaie aussi de ne pas trop vouloir leur inculquer ce que moi-même j'ai peine à découvrir, la spiritualité par exemple. J'essaie de ne pas trop leur donner de leçons et d'apprendre d'eux le plus possible.

Quels sont vos projets, tant personnels que professionnels ?
J'ai parlé tout à l'heure de faire la suite des Trois frères. Ce n'est pas encore tourné et l'écriture n'est pas finie. Mais c'est évidemment un projet important ! Je viens de tourner un film qui est le numéro 3 du Cœur des Hommes, un film de Marc Esposito. Il sortira en octobre prochain.
Des projets, j'en ai plein. Avec Alexandre Jollien, aussi, on a des projets : comment mettre sur scène notre amitié, comment faire partager ça ! On a fait des conférences ensemble. Ce n'est pas facile pour moi de témoigner de ma spiritualité à ses côtés, lui qui est tellement lumineux et charismatique. II aurait voulu en faire une sorte de spectacle, un spectacle improvisé : nous n'avons pas encore trouvé ! Nous avons également le projet de faire un film ensemble... Et je voudrais faire un deuxième film personnel, que je n'arrive toujours pas à écrire...

Percevez-vous votre évolution ?
Oui. J'ai de plus en plus confiance et foi dans la vie, mais ce qui évolue moins, c'est cette confiance en moi. Fondamentalement, quelque chose est inscrit : « Je n'ai pas confiance en moi ». L'autre jour, j'avais écrit une lettre, et j'ai voulu la faire lire à trois quatre personnes pour savoir si je pouvais l'envoyer, si elle était digne d'être envoyée. C'est difficile pour moi : je suis très perfectionniste et la dévalorisation va de pair. C'est justement parce que je me sens nul que je vise la perfection. C'est épuisant, en particulier dans l'écriture, de viser toujours une forme de perfection, et de se sentir nul au fond de soi. Ce manque de confiance en moi, aujourd'hui je m'en libère, mais je ne lutte pas contre, ce n'est pas possible. J'en émerge progressivement. Je le vois, j'en souris. On parlait de l'humour, c'est extraordinaire quand je vois à quel point parfois je me minimise. Et l'orgueil ! L'orgueil que je peux avoir, c'est risible ! Je laisse le mécanisme fonctionner et j'essaie de ne pas m'identifier à ce mécanisme.

La crise vous semble-t-elle encore devant nous ? 
Quelqu'un a dit : "Je plains l'humanité d'être dans d'aussi mauvaises mains que les siennes ". Je pense aussi à ce texte de Fred Vargas : " On a utilisé le monde, et maintenant on paie l'addition", texte magnifique sur ce sujet ; c'est superbe ce que Fred Vargas a écrit. Tout ça, c'est fort. Et puis quand vous dites : « Cette
crise qui arrive c'est fort aussi, parce qu'aujourd'hui on a envie de dire : " La crise, elle n'arrive pas, elle est là, mais elle arrive aussi, elle ne cesse d'arriver et de s'amplifier ". 
La crise a tellement de formes ! J'ai peur mais, justement, ça me pousse à être le plus possible ouvert, épanoui, pour pouvoir à mon tour me tourner vers les autres ; parce que dans les années à venir il y aura un besoin d'aide beaucoup plus grand qu'on ne l'imagine. Je pense qu'on va au devant de périodes très sombres. Je ne veux pas noircir le tableau, mais je pense qu'on n'est qu'au début... 
Donc, si j'ai quelque chose à faire. c'est déjà d'essayer de m'ouvrir le plus possible. afin de pouvoir m'ouvrir au monde. Je pense qu'il y aura beaucoup à faire, et tant mieux d'ailleurs. Je suis optimiste d'une certaine manière. Comme les forces, tout s'équilibre à un moment. La souffrance n'est pas à désirer, pourtant, quand elle est là, il y a un équilibre que l'on peut retrouver. Si nous avons une part à jouer, moi et tous ceux qui peuvent le faire, c'est de nous ouvrir à la souffrance du monde. 
Arnaud disait : " A chaque action, est-ce que vous participez à la guérison du monde ou à la maladie du monde ? Posez-vous la question ». 

Interview de Bernard Campan dans la belle revue "Reflets" (mars 2013)
(photos des lieux : Gandha)


3 commentaires:

sevim a dit…

Merci pour ce témoignage.. mais surtout merci pour les photos, elles sont superbes!

Sourire a dit…

Oui merci pour tout, le témoignage et aussi les photos magnifiques et ça fait chaud au coeur... et de retrouver Sévim ici. Tendresse à tous deux.

Acouphene a dit…

Merci Pascale ! Tendresse que je t'envoie aussi !