dimanche 17 juillet 2011

Un goût d'éternité... la sérénité par Christophe André

Bzzz... Tout a commencé avec le bruit d'une mouche. D'habitude, c'est agaçant, et là, non : c'est apaisant. C'est juste la vie. Comme le petit nuage qui passe dans le ciel. Comme les miettes sur la table de la cuisine déserte. Le bourdonnement dure quelques secondes, puis disparaît : la bestiole a trouvé la sortie. Dans le sillage de son vol, un silence tranquille. Et une drôle d'impression. Comment ça s'appelle, cette douceur sans cause précise, ce sentiment que tout est à sa place, et que nous n'avons besoin de rien. C'est ça, la sérénité.


Oui, c'est ça. C'est infiniment agréable. Un peu différent du bonheur : il n'y a pas ce sentiment de satisfaction ou d'accomplissement. Ce n'est pas de la joie, non plus : pas d'excitation, pas d'envie de bouger, de chanter, d'aller se jeter dans les bras des autres. Non, c'est juste la perception d'une harmonie entre le monde et nous. Qui vient à la fois du dedans et du dehors, qui concerne le corps et l'esprit. Comme dans ce passage étrange de Fernando Pessoa, dans son Livre de l'intranquillité : « Un calme profond, aussi doux qu'une chose inutile, descend jusqu'au tréfonds de mon être. » Envie de s'arrêter et de savourer. Certitude calme et silencieuse. Abolition des frontières entre nous et le monde : plus de limites, que des liens. Liens de douceur. Plus envie de rien, plus peur de rien. Plus de besoin, tout est là, déjà là. C'est comme le passage d'une grâce.


D'où émerge la sérénité qui, par moments, nous enveloppe ? Peut-être de ces ingrédients souvent propres aux vacances : de ces moments où nous recevons enfin notre dose de calme, de lenteur, de continuité. Où nous n'avons plus d'obligation de faire quoi que ce soit, ou la liberté de le faire quand nous voulons, maintenant ou tout à l'heure, ou demain. Et peut-être aussi de ces instants de solitude à contre-courant : rester seul à la maison quand tout le monde est à la plage. Et se rendre à la plage quand tous sont rentrés pour se doucher, pour dîner. On les rejoindra tout à l'heure.


Ressentir, éprouver, ne pas penser, ne pas analyser. Ne pas bouger, bien sûr, ne rien faire. Juste regarder autour de soi. Rien de différent, tout est comme d'habitude. Nous aussi, nous sommes comme d'habitude. Sauf que... il s'est passé un truc inexplicable. Une bouffée d'éternité, qui vraisemblablement ne va pas durer. Mais on en savoure chaque seconde.


Bzzz... Tiens, revoilà la mouche. Et des voix qui s'approchent. On va passer à autre chose. Ce sera agréable, mais différent. Moins éthéré, moins céleste. Nous allons revenir dans notre monde (qu'on aime aussi !). C'est Christian Bobin qui écrivait : « À chaque seconde nous entrons au paradis ou bien nous en sortons. » C'est ça, c'est exactement ça : dans quelques secondes, nous allons sortir du paradis. Sans chagrin : nous y reviendrons.

Source La Vie
Christophe André est psychiatre et psychothérapeute. Il a publié "Les Etats d'âme : Un apprentissage de la sérénité" chez Odile Jacob

2 commentaires:

sevim a dit…

Bonjour Éric, ici c'est la pluie... j'aime le bruit de la pluie et du vent..lorsque je somnole ou lis ou peins...vacances , mais bientôt nouveaux départs..Merci pour tout ce que tu partages. je vais offrir ce livre à mon fils. Passe un bel été avec ceux que tu aimes. Bises

yannick a dit…

Oui, entrer, sortir, et faute de paradis, rester avec ce qui bouge...