samedi 15 mai 2010

Eléments de philosophie angélique avec Denis Marquet

"Patrice van Eersel - Dans votre vision des choses, une philosophie angélique est une approche révolutionnaire. 
Denis Marquet - Quand l'ange fait irruption depuis le monde de la transcendance jusqu'au monde de l'immanence, il apporte toujours une rupture dans l'ordre des choses. Il joue en dehors de la trame des causes et des effets. Cette rupture apporte de la nouveauté radicale. J'appelle "angélique" une philosophie qui affirme que le propre de l'être humain consiste à pouvoir être le lieu d'une création pure. 
Patrice van Eersel - Vous dites que le propre de l'animal est de dire non, et celui de l'homme de pouvoir dire oui. Pourtant, l'animal est obligé d'accepter les lois naturelles, alors que l'homme peut les refuser et se rebeller. 
Denis Marquet - La modernité nous ressasse depuis trois siècles que le non est le propre de l'homme. Or, si l'on regarde bien, on peut dire l'inverse. Ce qui permet à un animal de survivre, c'est le refus de la souffrance : il se dispose à chasser pour faire disparaître une sensation de faim, à fuir pour éviter une sensation de peur, à copuler pour soulager une sensation de manque, etc. Le principe de chacun de ses actes est le refus d'une sensation. Le propre de l'homme est au contraire de pouvoir tout accepter, même la sensation de souffrance, même la mort, comme l'enseignent les plus grandes traditions quand, par exemple, elles disent : « Il n'y a pas de plus grande preuve d'amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime. » 
Patrice van Eersel - Le petit enfant ne commence-t-il pas par dire non, avant de pouvoir dire oui ? Individuellement et collectivement, le oui ne vient-il pas après le non ? 
Denis Marquet - Observez bien le non du petit enfant en train de se construire : il s'agit en fait d'un oui à lui-même. L'adulte perçoit un refus, mais, pour l'enfant, si l'on ressent les choses avec subtilité, c'est un oui. Il est en train d'affirmer un espace propre, dans lequel pourra plus tard émerger l'être unique qu'il est. Pour cela, il a besoin de poser des limites. Parfois, le non à l'autre est un oui à soi-même, une condition pour que s'exprime notre pouvoir angélique, créateur. Au niveau collectif, c'est un projet radicalement neuf. Et urgent : la négativité nous mène vers un désastre de plus en plus clair, et l'horizon s'obscurcit."
Philosophe et essayiste, mais aussi romancier et scénariste, Denis Marquet, qui tient la chronique de philosophie de la revue Nouvelles Clés depuis plusieurs années, est avant tout intéressé par la mise en acte d'une spiritualité humaniste. La question de l'accomplissement humain traverse toute son oeuvre.

5 commentaires:

La Licorne a dit…

Merci de parler de Denis Marquet, philosophe que j'apprécie beaucoup...un des rares philosophes dont la réflexion échappe à l'intellectualisme outrancier développé par la plupart de ses confrères...

Il faut absolument lire son livre "Colère"...livre qui nous montre vers quel "horizon obscur" nous nous dirigeons si nous ne changeons pas très vite de façon de voir et d'agir.

Mais, au fait, pourquoi est-ce une interview de Patrice Van Eersel qu'on lit à côté de la couverture du livre ?
J'aurais aimé entendre l'auteur...

Acouphene a dit…

Bonjour La Licorne
C'est Patrice Van Eersel qui interviewe Denis Marquet à propos de son nouveau livre.

La Licorne a dit…

Ah oui, c'est vrai: excuse-moi, j'étais un peu "dans la lune" ...
:-)

Josiane a dit…

Bjr Acouphene, suite à mon commentaire de l'autre jour, simplement te dire que je suis heureuse de constater que cette source de trésors continue à couler...je lis régulièrement la chronique de D.Marquet dans Nlles Clés, et ton billet ainsi que le commentaire de La Licorne me donnent envie d'aller davantage à sa rencontre. Merci à tous les deux pour vos témoignages...

MUTTI a dit…

Encore un profond merci Acouphène, Denis Marquet est, à mes yeux de lectrice (depuis plusieurs années)de ses chroniques dans Nlles Clés... comme un ami précieux que je retrouve avec bonheur dans le livre que tu nous indiques (et que je m'étais empressée de commander dès sa parution)...
Denis Marquet, un homme, un être, remarquable, porteur d'une si profonde simplicité du dire, que chaque ligne, chaque mot, devient méditation...
Amitié
Mutti