Née en 1923, ayant grandi en Algérie, artiste peintre jusqu'à son mariage, à trente-trois ans, avec l'explorateur et cinéaste Arnaud Desjardins, Denise Desjardins a suivi l'enseignement du maître indien Swâmi Prajnânpad, qui avait notamment su jeter des ponts entre yoga et psychanalyse. II lui fit comprendre que l'acceptation peut mener à la sérénité. Une attitude de vie qu'elle évoque dans plusieurs de ses ouvrages, notamment dans le dernier "La rage de l'absolu".
Entretien avec Denise Desjardins.
Patrice van Eersel - Avez-vous eu du mal à retrouver les discours de rage ? Quelles ont été vos propres rages ? Ont-elles définitivement disparu ?
Denise Desjardins - J'avais dans ma mémoire quelques souvenirs d'hommes que tenaillait cette soif d'absolu. Pour certains témoignages, j'ai regroupé des éléments appartenant à plusieurs personnes. Quant à moi, je me souviens de mon maître, Swâmi Prajnânpad, qui relevait avec une ironie affectueuse mon désir « absolu » de perfection. Perfection, perfection, disait-il, cherchez plutôt la paix. » En me demandant de ne pas dépasser ma mesure. Plutôt l'équilibre que le combat. Un combat qui se teintait pour moi de révolte lorsqu'il me conseillait répétitivement d'« accepter ce qui est » — ce que je considérais comme une fade résignation, de la faiblesse et du béni-oui-ouisme. Jusqu'à ce qu'il m'en donne la vraie signification : voir et connaître les faits, tout en changeant ce qui peut l'être, le reste étant à intégrer dans sa destinée. Mon parcours est donc allé de la démesure à l'acceptation de plus en plus complète, jusqu'au lâcher-prise.
Patrice van Eersel - Pourquoi n'avoir choisi que des rages d'hommes ? Les récriminations ou révoltes des femmes sont-elle strictement les mêmes que celles des hommes, ou l'expérience vous a-t-elle montré des spécificités féminines ?
Denise Desjardins - Le processus de remémorisation a surtout ramené en moi des exemples masculins. Mais certaines femmes ont un tempérament plus guerrier, qui sus-cite à la fois la révolte et la recherche exacerbée de l'absolu. Laquelle verse souvent dans l'exigence d'un amour absolu — attente sans cesse déçue. Comment pourrait-on espérer cet absolu de la part d'êtres situés dans le relatif ? Je livre d'ailleurs au début de l'ouvrage, et en tant que femme, ma propre exigence rageuse envers celui-là même que j'admirais et respectais totalement, Swâmi Prajnânpad.
Patrice van Eersel - Vos « révoltés de l'absolu », au fond, sont tous des croyants. Que diriez-vous à l'athée véritable qui ne peut pas concevoir que l'on croie une seule seconde à autre chose qu'à notre monde matériel ?
Denise Desjardins - Je lui dirais, selon ce qui m'a été enseigné et ce que j'en ai compris, qu'en vérité l'absolu n'est pas seulement un lointain concept irréalisable, mais qu'il peut se situer dans le temps présent. Si l'on ne se divise pas entre ce que l'on est, ici et maintenant (qui est une façon de définir le relatif), et ce qu'on devrait être (définition possible de l'absolu), on est à ce moment précis dans la non-dualité, dans l'unité, donc dans la vérité absolue.
(Extrait du catalogue de Nouvelles Clés)
Entretien avec Denise Desjardins.
Patrice van Eersel - Avez-vous eu du mal à retrouver les discours de rage ? Quelles ont été vos propres rages ? Ont-elles définitivement disparu ?
Denise Desjardins - J'avais dans ma mémoire quelques souvenirs d'hommes que tenaillait cette soif d'absolu. Pour certains témoignages, j'ai regroupé des éléments appartenant à plusieurs personnes. Quant à moi, je me souviens de mon maître, Swâmi Prajnânpad, qui relevait avec une ironie affectueuse mon désir « absolu » de perfection. Perfection, perfection, disait-il, cherchez plutôt la paix. » En me demandant de ne pas dépasser ma mesure. Plutôt l'équilibre que le combat. Un combat qui se teintait pour moi de révolte lorsqu'il me conseillait répétitivement d'« accepter ce qui est » — ce que je considérais comme une fade résignation, de la faiblesse et du béni-oui-ouisme. Jusqu'à ce qu'il m'en donne la vraie signification : voir et connaître les faits, tout en changeant ce qui peut l'être, le reste étant à intégrer dans sa destinée. Mon parcours est donc allé de la démesure à l'acceptation de plus en plus complète, jusqu'au lâcher-prise.
Patrice van Eersel - Pourquoi n'avoir choisi que des rages d'hommes ? Les récriminations ou révoltes des femmes sont-elle strictement les mêmes que celles des hommes, ou l'expérience vous a-t-elle montré des spécificités féminines ?
Denise Desjardins - Le processus de remémorisation a surtout ramené en moi des exemples masculins. Mais certaines femmes ont un tempérament plus guerrier, qui sus-cite à la fois la révolte et la recherche exacerbée de l'absolu. Laquelle verse souvent dans l'exigence d'un amour absolu — attente sans cesse déçue. Comment pourrait-on espérer cet absolu de la part d'êtres situés dans le relatif ? Je livre d'ailleurs au début de l'ouvrage, et en tant que femme, ma propre exigence rageuse envers celui-là même que j'admirais et respectais totalement, Swâmi Prajnânpad.
Patrice van Eersel - Vos « révoltés de l'absolu », au fond, sont tous des croyants. Que diriez-vous à l'athée véritable qui ne peut pas concevoir que l'on croie une seule seconde à autre chose qu'à notre monde matériel ?
Denise Desjardins - Je lui dirais, selon ce qui m'a été enseigné et ce que j'en ai compris, qu'en vérité l'absolu n'est pas seulement un lointain concept irréalisable, mais qu'il peut se situer dans le temps présent. Si l'on ne se divise pas entre ce que l'on est, ici et maintenant (qui est une façon de définir le relatif), et ce qu'on devrait être (définition possible de l'absolu), on est à ce moment précis dans la non-dualité, dans l'unité, donc dans la vérité absolue.
(Extrait du catalogue de Nouvelles Clés)
2 commentaires:
Merci Denise
" Si l'on ne se divise pas entre ce que l'on est, ici et maintenant (qui est une façon de définir le relatif), et ce qu'on devrait être (définition possible de l'absolu), on est à ce moment précis dans la non-dualité, dans l'unité, donc dans la vérité absolue. "
C'est bien là toute la problématique de l'être humain !!!
Oui , Merci Denise .
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