mardi 26 mai 2020

En ce corps par Ma Anandamayi

Petite fille, ma grand-mère m'appelait "La Distraite".
Un jour, elle me demande d'aller laver un pot et ajoute en manière d'avertissement :
Amène seulement le pot cassé... et tu verras !!
Je vais à la fontaine. Là, alors que je parlais à un arbre, le pot me tombe des mains et se brise avant que je m'en aperçoive. Je ramasse scrupuleusement chaque fragment et retourne à la maison.
Ma grand-mère me dit :
Mais qu'est-ce que tu me rapportes ?
Tu m'as dit de ramener le pot cassé. Le voilà.
Ma grand-mère, loin de se mettre en colère, eut du mal à réprimer son rire.
Il fut un temps où si quelqu'un s'inclinait devant moi, je ne pouvais faire autrement que de m'incliner jusqu'à ses pieds.
Ce pouvait être dans mon dos et de très loin, si quelqu'un s'inclinait, même si je n'avais rien vu, ma tête d'elle-même s'inclinait. Maintenant, je laisse chacun faire, sans plus.
En fait, c'est à Dieu même que vous adressez votre hommage.
Vous pouvez m'apprécier ou non. Mais moi, je ne peux absolument pas me passer de vous ! (elle éclate de rire)
Pendant longtemps je n'ai rien mangé.
La nourriture ne m'évoquait rien.
C'est en voyant un jour un chien engloutir une bolée de riz que je me suis réalimentée.
Ma main ne sait pas me donner à manger. On m'a souvent demandé pourquoi. On mange pour préserver sa vie. Je n'ai pas le moindre élan pour préserver ma vie. J'ai essayé quelques jours de manger "toute seule", mais je porte la nourriture à la bouche "des autres". Ayant vu cela, ils ont préféré m'alimenter !
Le sanskrit bien sûr, mais aussi tous les autres langages me sont une fois ou l'autre venus aux lèvres. Je communiquais ainsi avec les saints des contrées lointaines, dans leur propre langage.
Ce n'est pas nécessaire de passer par les lettres et les mots pour comprendre un langage. Quels que soient les gens qui m'environnent, leurs pensées captent mon attention, et leur langage émerge directement en moi.
Une chienne ne me quittait plus. Elle écoutait les chants, sa tête posée sur mes genoux. Quand j'intervenais pour dire quelque chose, elle se couchait à mes pieds et écoutait. Parfois elle bondissait et japait pendant les chants. C'était sa façon de danser et de chanter. Quand elle avait sa tête sur mes genoux, elle attendait la fin des chants pour se redresser, prête à recevoir avec tous ceux assemblés sa part d'offrande. Un jour elle accoucha. Elle ne manqua pas les chants du soir et revint vers ses petits aussitôt après. Il en fut ainsi tout le temps de mon séjour. Un chevreau vint se joindre à elle. Le soir, pendant les chants, j'avais sur un genou la tête de la chienne ; sur l'autre genou, la tête du chevreau...
Si vous considérez que je sais tout, cela rend toute communication impossible entre vous et moi. Si je sais tout, que puis-je vous demander ?
Les questions anodines, laissez-moi vous les poser, même si je connais la réponse !
Je suis une vagabonde qui ne tient pas en place dites-vous... Vous considérez que je vais deci delà parce que vous êtes vous-même soumis au va-et-vient. En réalité, je suis à la même place. Je ne fais que me déplacer chez moi. Quand vous êtes chez vous, restez-vous tout le temps dans un fauteuil ? Vous aussi, vous allez d'une pièce à l'autre. Je ne fais rien de plus. Je suis chez moi. Nulle part ailleurs.
Qui a le pouvoir de venir à moi, à moins que je ne l'attire ?
Je ne vous réponds pas. Cela vient à ma bouche. La réponse est "à vous" comme vos questions sont "à vous".
Je suis votre enfant.
Vous m'offrez de l'eau fraîche. Je la bois.
Vous me donnez de l'eau sale, je la filtre pour vous.
Je ne dis jamais, je reviendrai vous voir, ou je ne reviendrai pas...
Je dis : "je suis dans ce corps." Si vous me ramenez, je reviens.
De nombreuses âmes - pas seulement les plus pures... - viennent à moi. Je les rencontre, chacune selon son mode de compréhension.
Je suis l'univers jusqu'à la moindre poussière, au moindre insecte.
Vous me demandez si vous êtes proches de moi, alors que je vis en totalité.
Vous, mais aussi ceux qui ne m'ont jamais vue, ceux qui n'ont jamais entendu parler de moi, traversent ma vision quand ils sont dans le besoin. Alors je fais le nécessaire.
J'insiste :
Prenez contre votre poitrine cette enfant. Vous trouvez plus commode de l'appeler MERE. Vous la tenez ainsi à distance respectueuse. Une mère est une femme âgée. Vous ne serrez pas contre vous avec toute votre ferveur une femme âgée, n'est-ce pas ? Ma prière est que vous me regardiez comme votre fille et me teniez de toutes vos forces embrassée.
Jamais je n'insiste pour qu'on écoute ou suive mes conseils. "Ce corps" prononce ce que vous lui faites dire. Certains trouvent dans ces mots l'élan qu'ils cherchent. D'autres ne trouvent rien car ils ne cherchent pas vraiment.
Si je vous demande de ne pas trop vous préoccuper de savoir qui est "ce corps", ce n'est pas tant pour que vous imaginiez qu'il est tellement supérieur ! Vous pouvez l'envoyer au Diable ou le traiter si vous préférez comme l'idiot du village... (rires)
Parfois un robinet soupire à fendre l'âme. Hier dans la cour c'était le cas. j'étais convulsée de rire à l'entendre. Je dois avoir un écrou déserré dans la tête ! Il n'y avait pas de quoi rire... Cela traverse "ce corps" sans raison. Tout peut m'arracher un rire. Alors les tentatives de me ramener au calme ne font que jeter de l'huile sur le feu.
Il est venu ici sous tant de formes pour s'offrir à cette mendiante (elle se montre elle-même).
A tous, cette mendiante demande une seule chose : méditez sur Dieu. Il s'est manifesté comme le monde entier. Il est tout entier le carnaval de cet UN.
Pour moi, Il y a un seul maître-son résonnant dans tout l'univers.
Je considère toutes les mains comme les miennes. En réalité je mange toujours de ma propre main.
Ce corps n'est qu'une poupée. Vous voulez jouer avec elle... elle joue.
Ce corps est toujours dans le même état, non changeant. Votre disposition vous fait considérer une phase de son comportement comme ordinaire ou extraordinaire.
Une personne demanda :
Ma, quelle sorte de rêves avez-vous ?
Elle répondit :
Dormir n'est possible qu'au stade de l'ignorance. Quand il n'y a pas d'ignorance, il n'y a pas de sommeil. Comment pourrait-il y avoir des rêves ? Mais si vous dites que tout est rêve alors c'est autre chose !
Y a-t-il une différence essentielle entre moi-même et vous-même ?
Seulement parce qu'Il est existe un JE et un VOUS.
Réellement, dans ce corps, rien n'existe qui soit de l'ordre du désir et du manque.
Une graine a-t-elle le désir de faire un arbre ? Un arbre a-t-il le désir de nous abriter dans la fraîcheur de son ombre ?
Des émotions surgissent dans ce corps selon vos besoins.
Chaque question n'obtient pas toujours sa réponse. Vous n'êtes pas toujours capables de me faire donner une solution absolue. Peut-être que cela ne servirait à rien qu'il en soit autrement.
Je n'agis pas, comme vous le faites, poussée par ma volonté. Cela arrive comme cela arrive de tout temps.
Quand l'écorce de l'arbre fut entamée, ce corps reçut la blessure et ressentit la souffrance.
Laissons cela. Si l'on évoquait plus longtemps de tels événements en sa présence, ce corps se raidirait probablement.
Ici, n'est-ce pas... Tout ce qui devait arriver est arrivé. Tout ce qui était désiré par vous tous, pour votre bénéfice, est accompli.
Savez-vous ce qu'il en est de ce corps ?
Tous les "noeuds" internes sont défaits. C'est pourquoi quand une maladie l'attaque, elle l'investit totalement. Tout est dénoué, jusqu'à la racine de chaque cheveu. Aussi les maladies peuvent venir sans entrave. Mais quand le remède vient, il se répand tout aussi facilement.
Ici... (Elle se montre elle-même) Rien qui soit de l'ordre de donner, prendre et même servir... Sur votre plan, vous avez peut-être cette impression !
Je n'ai pas la place de me retourner. On ne peut aller nulle part où Il ne soit.
Ce corps est une marionnette - il joue ce que vous lui faites jouer.
Ce corps répond aussi au cri fervent de ceux qui ne l'ont jamais rencontré.
Quel que soit le Nom sous lequel vous voulez chercher Dieu, cette enfant vous souhaite la bienvenue du fond du cÏur.
Je ne fais ni ne dis rien avec un motif ou par effort de volonté. Ce sont vos pensées ou désirs qui font dire ou faire des choses à ce corps pour votre bénéfice.
Je vois souvent ce qui va arriver dans le futur, mais souvent aussi les mots ne viennent pas.
Je n'ai aucun besoin de faire ou dire quoi que ce soit. Il n'y a jamais eu aucun besoin. Il n'y en a pas maintenant. Il n'y en aura pas non plus dans le futur.
Ce que vous voyiez manifesté en moi dans le passé, ce que vous voyez maintenant, ce que vous verrez dans le futur, est pour le bien de tous.
Si vous cherchez ce qu'il y a de particulier en ma personne, je dois vous dire que le monde entier est ma personne...
Ma volonté serait irrésistible si je l'exprimais !
Qui est ANANDAMOYI ?
Qui est "envahi de joie" ?
Lui dans toutes les formes, éternellement intronisé au cœur de tout être. En vérité, Il demeure partout. Ayant vu Cela, atteint Cela, tout est vu, tout est atteint. Ce qui signifie : être sans peur, sûr, libre de tout conflit, immuable, impérissable.
"Ce corps" ne fait venir personne à lui, n'écarte personne, il ne parle à personne, ne prend la nourriture de personne.
Qui suis-je ?
On peut dire qui l'on est si l'on a une perception de soi-même.
Je n'ai en rien cette perception.
Alors je suis ce que vous voulez que je sois.
Ma Anandamayi

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