dimanche 27 juillet 2008

Exercice avec Swami Prajnanpad et Arnaud Desjardins

Je vous propose un exercice simple que nous raconte Arnaud Desjardins :
En 1964, je me plaignais une fois de plus, comme à d’innombrables swâmis hindous qui m’avaient donné des réponses diverses, je me plaignais à un yogi tibétain très âgé, Abo Rinpoché, de ces associations d’idées. Et il me décrit un certain exercice que mon compagnon Sonam Kazi traduit en anglais : « let them come, let them go » ; « laissez-les venir, laissez-les s’en aller ». C’était simple. J’avais tenté différentes concentrations : concentration sur le hara, entre les sourcils, sur le flux et le reflux de la respiration, sur l’énergie qui circule dans la colonne vertébrale. J’avais obtenu des résultats partiels mais rien de vraiment concluant. « Let them come, let them go. »...Et Abo Rinpoché me donne un enseignement tibétain que j’ai réentendu deux ans après de la bouche de Dudjom Rinpoché : « Prenez conscience du vide comme de la réalité, et l’image d’un ciel bleu totalement vide, infini, immense, illimité. Ce vide est là en vous. C’est votre véritable réalité, le réel ou le non-manifesté. Et, à l’intérieur du vide, voyez passer – comme vous verriez passer des nuages ou des oiseaux dans le ciel – des pensées avec leur émotion, sans perdre la conscience du vide. »
Quelque temps après, je me trouvais pour la première fois auprès de Swâmiji. Je lui ai parlé de cet exercice. Il a précisé le « let them come, let them go » : « laissez-les venir, laissez-les partir » par : « let them come, they will go » ; « laissez-les venir, elles s’en iront ». Ce qui vient est destiné à s’en aller.
Une image m’était venue dès ce moment-là à l’esprit. De moi-même je faisais un exercice, dont j’ai su ensuite qu’il se pratiquait chez les Tibétains, consistant à être en contemplation devant le ciel bleu pour que notre conscience, facilement et aisément, prenne la forme de ce sans-forme au lieu de prendre la forme particulière d’un objet concret ou imaginé. Je pratiquais cet exercice à l’ashram de Swâmiji. Et voici qu’un oiseau inhabituel pour nous passe dans le ciel, un oiseau comme on n’en voit pas en Europe, exotique, multicolore : bleu, doré. Je ne sais pas comment il s’appelle mais ceux qui ont connu l’ashram de Swâmiji au Bengale ont le souvenir de ces oiseaux qui nous émerveillaient. D’un coup mon attention a été concentrée sur cet oiseau inattendu, surprenant, très beau ; le phénomène d’attraction a joué. L’attention était vaste, elle allait d’un point de l’horizon à l’autre. Et d’un coup, comme les « zooms », les focales variables en cinéma, qui partent d’un ensemble et qui concentrent sur un détail – toute mon attention a été concentrée sur l’oiseau. J’ai perdu conscience de moi-même, conscience de l’infini, par la fascination d’une forme. Immédiatement, je me suis rendu compte de ce qui s’était passé. Je me suis demandé s’il était possible de voir l’oiseau sans perdre la conscience du ciel bleu, de voir le limité sans perdre la conscience de l’illimité, de voir le mesurable sans perdre la conscience de l’infini. Et une pensée m’est venue, celle d’un autre oiseau répandu en Inde, le vautour qui, esthétiquement, n’a rien de beau pour nous et je me souvins d’un vol de vautours – l’autre pôle !...
Je connaissais à peine l’enseignement de Swâmiji mais je connaissais des vérités qui ne sont pas seulement celles de Swâmiji : les « paires d’opposés », l’attraction et la répulsion. C’est le pain quotidien de l’Inde des ashrams. Voilà cet oiseau merveilleux et, à l’opposé, il y a le vautour : les deux images de l’attraction et de la répulsion. Pourrais-je voir passer dans le ciel un oiseau de féerie, de paradis, sans que mon attention soit emportée par l’attraction et voir passer dans le ciel un vautour avec des bouts de charognes sanguinolents au bec et le cou déplumé, sans que mon attention se concentre sur le vautour sous la forme de la répulsion et du refus ? Je me suis exercé à essayer de rester vraiment conscient de cette immensité du ciel et à voir les oiseaux divers la traverser sans que mon attention soit entièrement emportée, centrée dans l’oiseau ; être conscient à la fois de l’immuable, c’est-à-dire le ciel, et du changeant, c’est-à-dire les oiseaux qui vont et viennent.
Il en est de même à l’intérieur de vous dans cette tentative de méditation...

(extrait de ARNAUD DESJARDINS
« Tu es cela », À la recherche du soi IV, Ed. La Table Ronde)

6 commentaires:

Catherine Bondy:Psycho-Praticienne et Peintre. a dit…

merci et bonne journée éric.

djaipi a dit…

Ah! Le vautour intérieur... Oiseau antipodal à nos désirs, ministre transformateur mais inavoué de l'ombre, est-il un concurrent sérieux du loup? :-)
A +

Anonyme a dit…

Attention neutre et élargie . Se le rappeleler est fondamental. Je reviens tellement souvent à une polariation de l'attention sur les détails ...

philippe.fabri a dit…

Cette façon d'exprimer la réalité rappelle étrangement la façon dont parle Douglas Harding

Acouphene a dit…

Oui, Philippe, je me suis également dit que cela me rappelait Douglas !

soisic a dit…

oui,Philippe ,Acouphene,j'ai aussi pensé à Douglas Harding :la vision sans tête,d'un ciel bleu limpide traversé par un bel oiseau.(le vautour,ce mal -aimé est splendide en vol...