" À 40 ans, j’ai découvert l’esprit d’enfance. Qu’est-ce ? Le sens de l’étonnement, la curiosité, l’appétit, l’enthousiasme, le goût du jeu, l’humilité, la modestie, la confiance dans l’inconnu, ces qualités dont nous jouissons avant de les abîmer ou les égarer. Sans rebrousser chemin, il faut les récupérer. Aujourd’hui, je me force à lutter contre l’illusion de savoir. J’ai la passion du nouveau. Je refuse la fatigue de vivre. Je proscris le sentiment de déjà-vu ou de déjà-entendu. Je casse toute habitude. J’entends cultiver la fraîcheur, la saveur de la première fois, la naïveté éternelle.
L’art m’y aide. Quand j’admire un tableau ou que j’écoute une musique, je deviens vierge, neuf, j’assiste à une épiphanie. L’aube scintille. "
(Plus tard, je serai un enfant - Éric-Emmanuel Schmitt)
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4 commentaires:
Enfants d'abord, adultes ensuite.
Cultivons chaque jour la:" fraîcheur, la saveur de la première fois, la naïveté éternelle." Merci Eric pour la citation et sa touchante illustration !
OUI...ENCORE ET TOUJOURS OUI...Nicole, d'Auriol!...
ENFANCES
Quelle chance d’habiter juste en face, elle n’a que la route à traverser ! Elle
caresse le tronc du grand marronnier de l’entrée, se dirige vers le monument,
salue de ses meilleures grimaces les gargouilles cornues et jette un œil aux
alentours. C’est bon, l’intrus n’est pas là.
Alors, aussi prestement qu’un chat, la petite fille, livre à la main, se hisse sur le
pilier des cygnes, les enjambe, s'assoit dans la couronne qui est juste à la bonne
taille, et plonge dans son monde d’aventures… Le temps n'existe plus…
Une voix dans la brume se fait insistante… suivie d’un strident coup de sifflet
qui la transperce et fait dégringoler son livre ! La petite fille porte un regard
navré sur le képi et la veste assortie : le Garde du parc.
“Descends de cette statue ! Les couronnes ne sont pas des fauteuils ! Je te le
répète tous les jours !”
Bien des années plus tard, une vieille dame, livre à la main, franchit la grille du
parc, caresse en passant le tronc du grand marronnier, et va s’asseoir sur le banc
le plus proche du monument auquel elle jette un clin complice avant de tourner
les pages d’un roman au titre prometteur.
Mais très vite des claquements secs lui font lever la tête : un jeune garçon tout
en gesticulations a ouvert la boîte à livres récemment installée. Il en sort un livre
et le jette par terre avec force. Puis il retourne à la boîte pour en faire rebondir
plusieurs fois la porte avec violence. Il sort un deuxième livre et se met à en
arracher toutes les pages. Sa mère, placide, le regarde sans rien dire, le
téléphone collé à l’oreille.
La vieille dame non plus ne dit rien.
Elle a peur.
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