jeudi 7 août 2025

L'essentiel noyau

 L’essentiel est là où nous l’avons laissé !

Si nous ne savions pas ce que sont les tragédies propres à l'être humain, il nous suffit d'écouter — entre deux publicités — les informations proposées en boucle par les médias.

De quoi nourrir l'angoisse et les états qui l'accompagnent pour le reste de la journée. Il y a de quoi se demander si notre existence a un sens ? À cette question, Graf Dürckheim répond ainsi : « Autres que les tragédies humaines du passé, du présent ou de l'avenir qui nous émeuvent, nombreuses sont aujourd'hui les personnes qui ont l'intuition ou pressentent par-delà l'espace et le temps un noyau secret. Un noyau secret qui peut donner sens à notre existence dans le monde tel qu'il est sans attendre qu'il change. Ce noyau secret est ce que le maître Zen désigne comme étant notre vraie nature et que j'appelle notre être essentiel. »

L'essentiel ! Qu'est-ce que c'est ça ? Les réponses, lorsqu'elles sont proposées par un philosophe, un psychanalyste, un scientifique ou un membre du clergé, divergent grandement.

Si l'essentiel est invisible je ne le verrai jamais ; si l'essentiel est indicible, incommunicable, à quoi bon chercher à le décrire ; si l'essentiel est métaphysique, transcendant et donc abstrait du réel, il va prendre place dans un credo que chacun est en droit de renier.

…Où trouver notre être essentiel ?

« Là où nous l'avons laissé... là où il nous attend. » répond Graf Dürckheim.

La voie qui prépare les conditions qui permettent et favorisent la dé-couverte de notre être essentiel est un chemin d'expérience et d'exercice. L'exercice qui vous est proposé au Centre Dürckheim s'appelle "zazen".

Zazen c'est attendre ... sans rien attendre ... ce qui en réalité nous attend !

C'est en pratiquant l'exercice appelé zazen qu'un beau jour, assis dans l'absolue immobilité et ne faisant rien d'autre que faire face à ce à quoi je fais face, c'est dévoilé une vérité inéluctable : Je inspire et moi je n'y suis pour rien ; je expire et moi je n'y suis pour rien!

Une évidence éclatait sous mes yeux : Je suis et moi je n'y suis pour rien ! L'essentiel se révélait dans la présence de l'INFAISABLE.

L'infaisable ? Ce n'est pas une vérité conceptuelle, c'est la vérité vraie.

L'infaisable s'offre à la sensation. Aussi vraie que celle qu'on éprouve lorsque on plonge malencontreusement la main dans l'eau bouillante. Personne ne pourra vous dire que ce que vous sentez n'est que subjectif. C'est une expérience qui s'impose à vous en tant que sujet.

Je réalisais que c'est en se glissant de la logique de l’entendement dans la logique du sensible que l'homme s’éveille au fondement de lui-même : sa propre essence.

Ce qui m'a bouleversé est qu'au moment même où j'épouse l'infaisable, ma manière d'être au monde se transforme instantanément.

"Si vous pratiquez vraiment zazen le corps prend la forme du calme".

Le calme ! Il ne s'agit pas d'un calme qui n'est que le contraire de l'agitation. Il s'agit du grand calme inné, qui atteste et confirme l'absence de la moindre agitation.

Ce grand calme est le symptôme de notre état de santé fondamental. Où trouver ce grand calme apaisant ? Là où nous l'avons laissé... là où il nous attend. Dans le corps que nous sommes – dès ce moment mystérieux qu'est la fécondation – et que nous devenons tout au long de la gestation et au cours des premiers mois qui suivent la naissance physiologique.

« La métaphysique des bébés est la seule qui ne trahisse ni la terre, ni le ciel » écrit Christian Bobin. Et il ajoute : « Les bébés sont les grands sages. Le vrai savoir est dans leurs yeux. (...) C'est le visage même de la sagesse qui n'est pas un visage de savoir. (...)

Une de leurs grandes vertus est de ne pas être aveuglés par un savoir. Ils regardent sans morale, sans philosophie, sans religion, sans aucune précaution. Il n'y a aucune distance entre leurs yeux et Dieu ou les anges. Ou les atomes de l'air si l'on ne croit pas en Dieu ou aux anges. Les bébés sont à une cloison de riz de la vérité. »

Michiko Nojiri, maître dans l'art qu'est la cérémonie du thé commençait ses leçons par le pratique de zazen. Son introduction à l'exercice était toujours le même « Pratiquer zazen c'est être assis comme un bébé est allongé dans son berceau. »

Jacques Castermane

* Christian Bobin : Le plâtrier siffleur, p. 11-12 – éd. Poesis

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