lundi 7 mars 2022

Temps de méditation nécessaire

 


Cette photo, prise au cours de la guerre du Vietnam, est datée, si j’ai bon souvenir, de juin 1972.

Je vivais à Rütte depuis trois ans. Le silence qui régnait dans cette vallée de la Forêt Noire m'apparaissait comme étant propice à la culture du silence intérieur. Ce vécu intérieur qui engendre une impression de sécurité.

Faut-il dire que cette photo, qui rend compte d'une réalité angoissante, m'a troublé. En regardant cette photo, il y a de quoi douter de l'importance conférée à l'exercice appelé zazen!

Est-ce que en quittant la Belgique pour m'installer à Rütte je ne cherchais pas un îlot de sécurité, une sorte de paradis sur terre, une échappatoire du monde tel qu'il est ?

Le lendemain matin, c'est tourmenté mentalement et affectivement que j'ai pris place dans le petit Dojo où quotidiennement Graf Dürckheim introduisait la pratique de zazen pour une quinzaine de personnes. Après un long temps de silence il a fait référence à cette photo. Et il a terminé en disant : "Nous ne pratiquons pas zazen pour nous mettre à l'abri des bombes. Nous pratiquons zazen afin de témoigner que, là où nous sommes, le monde peut encore être en ordre..."

Aujourd'hui, cinquante ans plus tard, des photos comparables font la première page des quotidiens et des hebdomadaires. Elles démontrent que de tels massacres sont toujours encore possibles et que notre dépendance envers le monde est incontestable. Assujettissement collectif ; mais c'est la personne individuelle qui souffre. Souffrance dont les symptômes sont l'angoisse et les états qui l'accompagnent. Et que vous habitiez en Belgique ou en Forêt Noire, cela ne change rien.

L'angoisse et les états qui l'accompagnent ! La méditation est-elle une solution ?

Afin de répondre à cette question il faut tout d'abord définir ce qu'on entend par méditation ?

L'exercice que je pratique depuis plus d'un demi-siècle s'appelle ZAZEN. Comme le souligne le maître Zen Hirano Röshi "Il y a mille et une manières de méditer mais il n'y a qu'une manière de pratiquer zazen".

Un autre maître Zen, Jinen San, lorsqu'on lui demande si la méditation est la solution, répond

"Oui. Mais lorsqu'on dit méditation il serait plus juste de dire ZAZEN. On utilise la même position, assise, pour zazen ou pour méditer, mais la manière de pratiquer est très différente si on médite ou si on pratique zazen".

J'ai retrouvé chez les différents maîtres Zen avec lesquels j'ai eu la chance de m'exercer les mêmes exigences que celles transmises par Graf Dürckheim.

La première : "On ne pratique pas zazen avec le mental".

Concrètement, zazen, c'est sentir ce qui est senti... sans examen de ce qui est senti ; zazen, c'est voir ce qui est vu... sans examen de ce qui est vu ; zazen, c'est entendre ce qui est entendu... sans examen de ce qui est entendu.

ll s'agit donc de faire face à tout ce à quoi nous faisons face à travers l'usage de la conscience sensitive. En en faisant l'examen, à travers l'usage de la conscience objectivante, nous ne faisons plus face à la vérité de ce qui est mais à la représentation mentale de ce qui est. La représentation mentale de la vérité n'est pas la vérité.

Aussi bien, si lorsque je pratique zazen, ce que je sens et ressens est la peur, l'exercice consiste à faire face à la peur. Au cours de la pratique appelée zazen, il n'y a donc aucune séparation entre moi et la vérité présente.

ZAZEN = faire face à la vérité (attitude à ne pas confondre avec celle qui consiste à faire face à la représentation mentale de la vérité).

Pratiquer zazen, c'est donc se familiariser avec cette attitude paradoxale : être UN avec ce qui est, quelle que soit la nature de ce qui est. Et le résultat ?

Il peut s'avérer paradoxal ! Sans savoir ni pourquoi ni comment, il arrive qu'on se sente pénétré, de l'intérieur, par ces valeurs de l'être absolument inattendues : la paix du corps, la paix de l'âme, la paix de l'esprit.

Affronter les événements plus calmement, plus sereinement, n'est pas une fuite du réel. C'est agir dans le monde en ne se laissant pas entraîner par nos humeurs et façonner nos actions en conformité avec les lois de la vie qui transforment l'homme en être humain.

Jacques Castermane


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