jeudi 4 mars 2021

Le vivant se doit au vivant

 


Le vivant se doit au vivant

Pas à un absolu sec

En tête à tête avec lui même

Pas à un Dieu à notre image , 

Vengeur ou complaisant

Version dure ou version molle

Le vivant se doit au vivant

C’est au vivant que le vivant rend compte

Et, ce faisant, 

Honore la source du vivant

Source qui ne s’accomplit qu’en son courant 

Serpentant tout du long 

De l’improbable vallée du vivant




23 février (anniversaire de Gilles farcet), jour de la Saint Lazare, à Angles ...

SAINT LAZARE

Je ne sais pas pourquoi 
Le Christ a ressuscité Lazare
Tout simplement peut être
Parce qu’il était son ami
Et que le savoir mort l’avait fait pleurer
Et même, nous dit l’Ecriture, « frémir en son esprit »
Toujours est il qu’aujourd’hui, 
Jour de la Saint Lazare
Je me réveille encore une fois
Ayant dorénavant
Avancé dans la soixantaine
Je me réveille dans la maison même
Ou se réveillèrent et moururent mes ancêtres
Je me recueille dans la pièce même 
Où dormaient mon père et ma mère
À quelques mètres du petit cabinet 
Ou je passais mes nuits enfants
Tout impatient de jeux et de liberté estivale
Toutes ces décennies plus tard
Me voici maître de cette maison
Toujours consacrée à un patient labeur
Comme autrefois emplie de travailleurs voués
À la broderie de trames subtiles, désormais invisibles 
Les jours d’Angles demeurent 
Leur nature a muté, voilà tout 
Et mon épouse et moi œuvrons 
À cette entreprise familiale
J’imagine Lazare ôtant ses bandelettes
Et je me dis que sans doute
Il vécut encore
On ne sait combien de temps
Mais il vécut encore
Revenu des morts pour servir 
Témoigner de la vie et de la vérité 
Qu’il avait contemplée
En témoigner jusqu’à fermer les yeux
Pour cette fois ne plus les ouvrir , 
Du moins ses yeux de chair
Je médite ces choses en mon cœur
Je commence à vaquer à l’ordinaire de ma journée
Au fil de laquelle cependant je reçois les témoignages 
De ceux qui me veulent du bien, de près ou de loin 
Et je me dis que décidément 
Je suis béni de servir 
De ressusciter chaque matin et chaque instant
Non plus pour mon seul moi de pauvre créature impuissante
Mais pour tant bien que mal être utile, 
Gros maroufle que je suis
À qui il fut donné de cohabiter avec la lumière, pleine de grâce et de vérité

(texte extrait de Face Contre Terre, éditions Le Clos Jouve)

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