Le vivant se doit au vivant
Pas à un absolu sec
En tête à tête avec lui même
Pas à un Dieu à notre image ,
Vengeur ou complaisant
Version dure ou version molle
Le vivant se doit au vivant
C’est au vivant que le vivant rend compte
Et, ce faisant,
Honore la source du vivant
Source qui ne s’accomplit qu’en son courant
Serpentant tout du long
De l’improbable vallée du vivant
23 février (anniversaire de Gilles farcet), jour de la Saint Lazare, à Angles ...
SAINT LAZARE
Je ne sais pas pourquoi
Le Christ a ressuscité Lazare
Tout simplement peut être
Parce qu’il était son ami
Et que le savoir mort l’avait fait pleurer
Et même, nous dit l’Ecriture, « frémir en son esprit »
Toujours est il qu’aujourd’hui,
Jour de la Saint Lazare
Je me réveille encore une fois
Ayant dorénavant
Avancé dans la soixantaine
Je me réveille dans la maison même
Ou se réveillèrent et moururent mes ancêtres
Je me recueille dans la pièce même
Où dormaient mon père et ma mère
À quelques mètres du petit cabinet
Ou je passais mes nuits enfants
Tout impatient de jeux et de liberté estivale
Toutes ces décennies plus tard
Me voici maître de cette maison
Toujours consacrée à un patient labeur
Comme autrefois emplie de travailleurs voués
À la broderie de trames subtiles, désormais invisibles
Les jours d’Angles demeurent
Leur nature a muté, voilà tout
Et mon épouse et moi œuvrons
À cette entreprise familiale
J’imagine Lazare ôtant ses bandelettes
Et je me dis que sans doute
Il vécut encore
On ne sait combien de temps
Mais il vécut encore
Revenu des morts pour servir
Témoigner de la vie et de la vérité
Qu’il avait contemplée
En témoigner jusqu’à fermer les yeux
Pour cette fois ne plus les ouvrir ,
Du moins ses yeux de chair
Je médite ces choses en mon cœur
Je commence à vaquer à l’ordinaire de ma journée
Au fil de laquelle cependant je reçois les témoignages
De ceux qui me veulent du bien, de près ou de loin
Et je me dis que décidément
Je suis béni de servir
De ressusciter chaque matin et chaque instant
Non plus pour mon seul moi de pauvre créature impuissante
Mais pour tant bien que mal être utile,
Gros maroufle que je suis
À qui il fut donné de cohabiter avec la lumière, pleine de grâce et de vérité
(texte extrait de Face Contre Terre, éditions Le Clos Jouve)
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