samedi 16 janvier 2021

« Faites confiance à zazen »

 


A son retour du Japon, en 1947, Karlfried Graf Dürckheim propose à l’homme occidental ce

qu’il appelle : « la Voie de l’action ». Il s’agit d’une introduction à la connaissance du Zen.

Graf Dürckheim ne voit pas le zen comme étant un phénomène historique culturel asiatique. Il

voit le zen comme étant la source d’expériences universellement humaines.

La sobriété de la pratique de zazen, l’attention portée au corps que l’homme EST (IchLeib), lui

semblent particulièrement bénéfiques pour l’homme occidental.

Son premier ouvrage, Le Japon et la culture du silence (1), édité en 1947, a connu un succès

d’autant plus étonnant que l’Allemagne, comme la plupart des Etats européens, sortait à peine et

avec peine de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans cet ouvrage, qui résume son

expérience japonaise, l’expression le silence intérieur évoque un état d’être délié de l’inquiétude

latente, de la peur souterraine qui avaient gouverné le vécu intérieur de millions d’être humain

tout au long de ce conflit.

 

Si je rappelle cette tragédie c’est parce qu’aujourd’hui, la pandémie étendue sur la terre entière

plonge une multitude de personnes dans la même détresse intérieure : l’angoisse et les états qui

l’accompagnent. Et que, aujourd’hui, le Kanji « zen » a pris place dans la plupart des

dictionnaires (ce qui était loin d’être le cas dans les années 1950).

L’exercice appelé zazen ne doit pas être entendu comme pouvant prendre place dans l’ensemble

des thérapies pragmatiques dont le but est de guérir LE moi qui souffre. Par contre, zazen est un

exercice qui a pour but de guérir DU moi, de l’identification au seul niveau d’être qu’est l’EGO,

laquelle est la cause de bien des souffrances, physiques et psychiques, dont l’angoisse. La visée

centrale du zen est la découverte empirique de notre vraie nature en tant qu’être humain, notre

nature essentielle, laquelle n’est pas l’ego. Notre vraie nature est le domaine du calme, du silence

intérieur, de la paix intérieure que les représentants des écoles de sagesse, tant en Orient qu’en

Extrême-Orient et en Occident envisagent comme étant le plus grand bien auquel l’homme

puisse accéder.

 


Mais comme Epictète au premier siècle de notre ère, les maîtres zen ajoutent que « afin d’atteindre ce 
plus grand bien, l’homme doit s’efforcer ».

Afin d’assumer, au mieux, ce qui aujourd’hui trouble l’âme, nous sommes donc invités à nous

efforcer ; par exemple à pratiquer l’ascèse qu’est zazen quotidiennement. C’est ce que Graf

Dürckheim nous propose. C’est ce que le maître zen Hirano Katsufumi Roshi, qui nous fait

l’honneur de venir au Centre depuis plusieurs années, nous propose : « Faites confiance à

zazen »

 

Une difficulté, de nos jours, est l’amalgame qui est fait entre zazen et méditation. Zazen est

différent de ce que nous entendons ordinairement par méditation.

Tout d’abord « Il y a 1000 et une façons de méditer mais il n’y a qu’une façon de faire zazen ! »

Lorsque vous avez la chance de voir un maître zen pratiquer, le questionnement mental —de

quelle façon faire zazen— laisse place à cette réponse qu’est le témoignage. Le maître de

l’exercice, à travers sa manière d’être là, assis, devient le modèle d’un chemin que chacun se doit

de tracer lui-même ; parce que zazen n’est pas un chemin à suivre mais un chemin à tracer

corporellement (Leiblich).

« Lorsque vous pratiquez zazen, le corps prend la forme du calme ».

 

Autre difficulté pour l’homme occidental qui s’identifie à l’idée ... Moi je crois, que je suis, ce

que je pense que je suis... est d’apprendre que « On ne pratique pas zazen avec le mental ! » et

que « zazen est un exercice corporel !»

Dans son Dictionnaire philosophique (2), André Comte-Sponville décrit l’exercice appelé zazen

comme étant « Jouer le corps (qu’on est) contre l’ego, la respiration contre le mental,

l’immobilité contre l’agitation, l’attention contre l’emportement ».

C’est un bon abrégé de ce qui vous est proposé au Centre Dürckheim depuis quarante ans.

Arriver à assumer plus calmement, plus sereinement, les événements qui se présentent n’est pas

une fuite du réel mais participe au processus de maturation qu’est notre vie en tant qu’être

humain.


Jacques Castermane

(1) Le Japon et la culture du silence —K.G. Dürckheim —Ed. Le courrier du livre

(2) Dictionnaire Philosophique —A. Comte-Sponville —Ed. Puf ; page 620

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