vendredi 12 janvier 2018

Notre époque avec Eric Baret (1)

Question :
On vit une époque très sombre — qui a, par le fait même, son côté lumineux — mais sombre au plan politique et social. Est-ce que vous croyez que l’on a beaucoup d’espoir de se sortir de cette crise de fin de siècle et de millénaire ?

Éric Baret :
J’espère que non parce que finalement ce qui est sombre, c’est la prétendue recherche spirituelle. Ce qui est sombre, c’est de voir des professeurs de yoga à tous les coins de rue. Ce qui est sombre, c’est le chanelling. Ce qui est sombre, c’est la recherche spirituelle moderne, c’est cette espèce de fuite de l’instant.
Par contre, ce qui est auspicieux, c’est la guerre qui s’approche, ce sont les cataclysmes qui viennent, parce qu’ils remettent profondément en question l’être humain, lui font poser de véritables questions.
Tout le reste le fait dormir.
Alors, il faut qu’il soit très clair que l’état du monde, c’est sa chance. Si les dieux font bénéficier le monde de ces mouvements, c’est le cadeau suprême. Malheureusement, il y a des époques où le cataclysme est la seule manière d’amener un questionnement. Dans leur générosité, les dieux vont, je pense, nous aider de plus en plus dans ce sens-là.
Tout ce romantisme du yoga, de l’Orient, de la spiritualité, toutes ces techniques spirituelles de progression, de purification, relèvent vraiment de l’âge sombre. Elles sont vraiment une perte d’argent, d’énergie. Un jour, elles disparaîtront complètement et, à ce moment-là, peut-être aura-t-on moins besoin de cataclysmes pour se réveiller.

Par vos propos, vous pourriez faire scandale…

Ce qui est scandaleux, c’est de faire croire à des gens que, par des exercices, ils iront mieux et que leur interrogation profonde s’apaisera. C’est de faire croire qu’en suivant telle thérapie, en adoptant tel concept, tel vêtement de telle couleur, en mettant sur un mur, ou en pendant à leur cou une image de guru à la mode, cela va amener un questionnement profond. C’est cela la charlatanerie. 

La vraie vie, c'est de faire face à l'instant. Les différentes possibilités de conflits s'expriment dans le monde, vous leur faites face, vous regardez ce que cela touche en vous, vous regardez ce qu'est la mort, la destruction. Ainsi, on se rend compte où on en est. Quand votre maison est détruite, quand votre corps est brisé, quand votre famille est éliminée, vous vous apercevez à quel point vous êtes libre ou non de vous-même. Mais s'asseoir dans une chambre à faire du Yoga, à mâcher cent fois une bouchée de riz complet... Évidemment, on s'en porte très bien, mais il n'y a aucun questionnement. C'est une vraie calamité. 

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Extrait d’un entretien avec Claire Varin - « La vraie vie c’est faire face à l’instant »