samedi 19 novembre 2016

« L'apprentissage de la vie c'est d'exister à travers la beauté, la joie, l'intensité d'une vie créatrice... »

Interview de Guy Corneau par Jacky Durand

JD : Bonjour Guy ! Tu es connu ici en France pour tes livres, ta victoire sur la maladie et tes séminaires de développement personnel. Je t’ai entendu récemment en interview avec Lilou Mace et cela m'a donné beaucoup de joie... Pourrais-tu nous parler de la grandeur et de la décadence des émotions ?

 GC : Les émotions sont l'intelligence-même de la vie en nous. Elles s'adressent autant à notre mental qu'à nos sensations.
C'est l'espace de l'âme.
On en rend les autres responsables : c'est à cause de toi que je suis triste, que je suis en colère...
Or c'est faux, c'est à cause de nous : on avait certaines attentes qui reposent sur des blessures inconscientes, et les circonstances viennent nous rappeler les états qui s'installent en nous...
On n'est pas toujours au rendez-vous de nous-mêmes, de notre propre vie et les autres ne sont que des acteurs qui réveillent nos blessures, comme l'abandon qui vient nous rappeler que c'est nous qui nous abandonnons nous-mêmes. La joie c’est quelque chose qui est déposé en nous dès le départ, la simple joie d'exister, la joie d'être au monde mais aussi la joie de nos actions...
Or très tôt, dès l'enfance, elle se voile et les autres émotions apparaissent comme la colère, la tristesse : on n'est plus au rendez-vous de notre propre joie.
Cela crée une frustration profonde et la seule personne qui puisse faire quelque chose c’est soi.

JD : Peut-on dire que les émotions sont le tissus de l’humanité ?

GC : C’est comme l'eau qui circule partout.
Les émotions sont un baromètre car la réactivité vient des blessures qui n'ont pas été travaillées.
On attend encore que les autres fassent quelque chose pour nous. A mesure que je prends soin de moi, que je me rencontre, je suis moins réactif et mes émotions vont servir à autre chose, à être un moteur, un propulseur de l'action juste.

JD : Les émotions sont donc des guides ?

GC : Oui si je m'en sers comme des alertes qui me disent que quelque chose se passe.
Si je me dis que cette colère est contre moi, et que je vais chercher le conflit inconscient derrière, alors l'émotion est un très bon guide, le fil de pêche qui mène au poisson qui est souvent la blessure profonde.
De nos jours, il y a une sorte de consommation de l'émotion : il ne se passe pas assez de choses satisfaisantes dans ma vie alors je consomme la tragédie du monde. Par exemple, la guerre c'est un assemblage de beaucoup d'insatisfactions de beaucoup de gens, comme un égrégore de mauvaises croyances.
La somme d'iniquité, la mauvaise répartition des richesses, l'inégalité hommes femmes, c'est le terreau de la guerre, et cela commence chez nous : est-ce que je répartis bien les richesses dans ma vie, est ce que je suis équitable envers les gens qui m'entourent, est-ce que je fais ma part pour ceux qui ont moins, pour apporter plus d'égalité ?
La guerre nous invite à regarder la guerre dans nos vies.
Dans mon couple par exemple, choisir toujours la paix, plutôt que les querelles ou le contrôle de l'autre...

JD : Tu collabores avec Pierre Lesare pour animer les séminaires « Vivre en santé ». Toi qui as passé trente ans de ta vie malade, dont plusieurs années avec un cancer avancé, quel est le secret de ton alchimie pour transformer le plomb en or, ou le cancer en belle santé ?

GC : D'abord je dirais beaucoup d'humilité, accepter que la maladie soit ton maître, un enseignant qui te tape sur l'épaule à toi très personnellement, et qui te dit que quelque chose ne va pas dans ta vie. Bien sûr qu'un cancer ce n'est pas seulement psychologique, il y a des facteurs environnementaux très importants, des facteurs familiaux aussi.
Mon père est mort du cancer, ma mère en a eu deux, on est des spécialistes pour fabriquer des maladies auto-immunes et orphelines dans ma lignée familiales donc les fragilités sont déjà là.
Ce ne sont que des terrains qui prédisposent, mais les éléments déclencheurs sont des vies où il y a beaucoup de stress et pas assez de joie. Je dirais que le cancer m'a invité à un examen très profond de mon style de vie intérieur et extérieur.
Un des exercices que j'ai fait pendant le cancer est de passer en revue toutes mes relations affectives.
Tout ce qui était réglé et non réglé de toute ma vie : mes relations avec mes parents, mes anciennes compagnes...
Cela m'a demandé de faire plusieurs courriels, quelques coups de téléphone et des rencontres pas toujours faciles, délicates aussi en pleine maladie.
En faisant cela, j'ai eu l'impression de légèreté, de liberté, de retrouver une unité avec la vie, j'avais guéri quelque chose.
Je me suis dit qu'il serait possible que mon corps ne suive pas : c'était un cancer stade 4 et on ne peut pas trop en demander à notre organisme.
Mais j'avais guéri quelque chose et la joie était au rendez-vous, j'allais mourir le sourire aux lèvres et ce serait mon meilleur véhicule pour traverser !
Pendant le cancer, j'ai aussi mis en place beaucoup d'éléments que je connaissais : l'acupuncture, l'homéopathie, agir sur la maladie par l'alimentation.
Je connaissais comment visualiser, utiliser l'imagination créatrice, la méditation, les traitements énergétiques. J'ai mis en scène tout mon arsenal pour me guérir et tranquillement tout cela a ramené une joie de vivre très profonde, même à l'article de la mort. Au lieu de me dire je suis triste parce que j'ai le cancer, je suis désespéré, je me suis dit : j'étais triste et désespéré, je ne le savais pas et le cancer est venu me le dire.

JD : Malgré ta connaissance de toi-même, du psychisme, cela n’a pas empêché que ce cancer vienne. 

GC : Non parce qu'au fond j'ai l'impression que les épreuves viennent à mesure que l'on peut les affronter.... Je viens d'une enfance très troublée, difficile à digérer et tranquillement, j'ai pu y aller couche par couche et le cancer j'espère, était la dernière. Cela m'a permis de rencontrer les couches de protection que j'avais mises en place, et qui m'empêchaient d’être moi-même pleinement. La maladie est toujours une invitation à se retrouver soi-même, et plus que cela, c'est une invitation à sortir de nos misères et retrouver la joie au cœur-même de l'épreuve, parce qu'au fond il n'y a pas de raison de ne pas être joyeux, c'est des raisons que l'on s'invente et qui font que l'on se donne une vie comme ça : on existe à travers nos drames. L'apprentissage de la vie c'est d'exister à travers la beauté, la joie, l'intensité d'une vie créatrice, c'est là le secret. J'ai commencé à réaliser tout ça avec beaucoup de profondeur, de gravité qui invitait à l'allègement.
Les gens te félicitent car tu as vaincu le cancer, mais moi je me disais que j'ai seulement fait mon possible.
Je leur disais : le combat c'est maintenant, c'est chaque jour après pour choisir la joie, pour rester dans la légèreté, pour rester proche des choses que j'ai apprises à travers la maladie, ça pour moi c'est le combat.

JD : Dans une autre interview tu as parlé de nourriture lumineuse, qui provient d'une pratique méditative, mais aussi de la qualité de notre nourriture qui doit aider au processus de guérison.

GC : Tout à fait, plus une nourriture est vivante plus elle te rend vivant, plus c'est proche du cru plus cela te donne de la vie, plus c'est cultivé avec amour plus cela donne de l'amour.
Si on fait un pas de plus, c'est vrai que l'été dernier avec mon ami Pierre on a fait des repas de lumière : on a ingéré consciemment des particules de lumière.
On en ingère tout le temps, tout le monde, mais là, on a appris à ouvrir les centres énergétiques pour les nourrir de lumière, ouvrir les mains, prendre 20 minutes pour ingérer consciemment de la lumière.
Et c'est clair que les premières nourritures de l'être humain sont la lumière, l'eau et l'air.
Je suis un bon vivant j'aime manger et j'avoue que cette consommation de lumière est extrêmement énergisante.
Hubert Reeves, que je connais personnellement dit qu'on est des poussières d'étoiles, poussières de lumière en action dans l'univers, et dans la bouche d'un astrophysicien cela nous ramène à notre juste proportion !
On est des poussières en train de danser dans l'univers.
Quand on regarde le sang au microscope, la santé du sang est indiquée par des phénomènes lumineux.
Cela ressemble aux petites fleurs qu'on voit à la surface de l'eau, dans le sang il y a la même danse de lumière qui indique la santé du sang...
Je me rappelle la première fois où je suis passé proche de la mort, je suis rentré dans des états ouverts et unitifs et je voyais que la nourriture que je mangeais avait sa propre lumière, tout dans l'univers émanait de la lumière douce, c’était fantastique.

JD : Le théâtre ne t'a jamais quitté depuis ton adolescence. Te voilà dans une actualité d'artiste pédagogue à Paris : « L'amour dans tous ses états » au Théâtre du Feu de la Rampe jusqu'au 20 avril.
Tu débusques de façon ludique les difficultés, les drames dans le couple, mais voilà comment
vivre la tendresse au sein du couple ?

GC : C'est un couple qui choisit la guerre à cause de ses blessures. Chacun des protagonistes attend beaucoup de l'autre, et chacun est déçu.
Moi au début j'interviens entre les scènes pour éclaircir et expliquer : quelle est la nature de leur attachement, quelles sont les blessures de fond, et peu à peu je suis happé par le couple et je les retrouve dans mon cabinet.
On joue aussi avec la salle, j'amène les spectateurs dans mon groupe de thérapie.
La salle nous souffle ce qui se passe chez lui, chez elle, ce que le couple est incapable de dire... Et les acteurs reprennent cela. C'est génial, je le fais pour la simple joie de le faire, pour trépigner comme un enfant qui s'apprête à jouer, je suis juste heureux de faire ça.
Au fond, je suis un psy et j'ai passé une grande partie de ma vie à expliquer les choses.
Je trouvais que la partie de moi-même qui avait besoin de s'exprimer sans s'expliquer avait besoin de vivre : la poésie, la chanson, le théâtre, me permettent une intensité, et je trouve cela extraordinaire.
Et comme maintenant je suis vieux, je me dis je vais prendre ma retraite pour faire uniquement des choses que j'aime donc je continue à faire ce que je faisais et je rajoute le théâtre !

source : magazine "soleil levant"

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Joey Lott, L’Eveil à la simplicité d’être

Joey Lott, L’Eveil à la simplicité d’être – La meilleure chose qui ne soit jamais arrivée, 
éditions Accarias/L’Originel, 2015.


N’ayons pas peur des mots : voici un livre es-sen-tiel ! Joey Lott est l’un de ces auteurs fascinants qui, comme le célèbre Eckhart Tolle, est passé d’une expérience extrême à une autre : de l’Angoisse chronique – seuls ceux qui sont passés par là peuvent comprendre ce que ce substantif recouvre réellement – à la Liberté sans mesure, encore appelée « simplicité d’être ».
C’est un livre traduit et bien traduit – on ne s’en aperçoit pas ! – par Philippe de Henning. Le traducteur n’hésite pas – il s’en excuse à la fin- à prendre des libertés avec la sacro-sainte grammaire française, afin de rester au plus près du rythme direct des pages originales, écrites en anglais. Voilà qui contribue à l’efficacité du livre.

Cette libre simplicité intérieure, l’image de la première de couverture nous la suggère à merveille : un immense ciel bleu, une mer limpide à l’horizon infini et le bord d’une terrasse de bois pour y accéder. Le plus naturel et le plus grandiose à la fois. De fait, c’est bien de cela qu’il s’agit dans ce livre : Joey Lott ne passe pas par quatre chemins : inlassablement, il nous prend à partie et nous demande de revenir, nous lecteurs, à cette simplicité d’être que nous ne cessons de fuir par nos pensées inutiles, nos réactions énergivores, nos crispations, nos efforts continuels pour éviter ce qui nous gêne... : « Je suis la capacité infinie à accueillir le tout. Voilà. C’est ainsi. » 

L’auteur, sans se lasser, après avoir décrit sans complaisance sa maladie psychique, nous ramène constamment vers ici-maintenant, et d’abord celui qui est le nôtre durant notre lecture : « Notez comment vous maintenez la tension dans votre corps. Portez votre attention sur l’espace de vos yeux. Y trouvez-vous une tension ? Soyez curieux. N’essayez pas de changer quoi que ce soit. Notez simplement ce qui se passe ici, entre vos yeux. » 
Cela vise très simplement à nous ramener vers « le flux de la vie », c’est-à-dire « tout ce qui est », c’est-à-dire encore la totalité non choisie, non triée, non édulcorée : « Le flux de vie comprend orgasmes et calculs rénaux. Navré de faire voler votre bulle en éclats. Le flux de vie est ce qui est déjà là. C’est seulement le rejet d’une certaine part du flux de vie pour une cause qui cause de malheur. » Tout est dit, dans ces quelques lignes. Rien d’autre à comprendre. C’est cela seul qui est à vivre. L’auteur, avec sa force tranquille et sa franchise, nous permet de faire ce retour vers notre seul but, que celui-ci soit conscient ou inconscient : vivre pleinement, enfin !

Le ton est net, parfois oral, sans aucun inutile ornement. Les phrases sont brèves et incisives. La prose est limpide comme le ciel et la mer. A chaque page il nous est proposé de vivre enfin vraiment. Ce livre est un bain rafraîchissant de vérité, de simplicité, d’expérience vitale : « L’invitation est de tout accueillir tout de suite, en l’instant même – peu importe ce que cela semble être. »  
Chaque chapitre est précédé d’un titre très simple, parfois oral et prosaïque, parfois d’une simplicité profonde et existentielle. Cela peut donner aussi bien ceci ou ceci : « Les calculs rénaux » ; « C’est comment ? » « Oh là là » ; « Je ne suis pas » ; « Mystère » ; etc. Le titre est suivi d’une citation utile, frappante pour notre mental compliqué : «  Ce sont mes principes. Et si vous ne les aimez pas… eh bien, j’en ai d’autres. Groucho Marx. »
Chacun des chapitres mêle des considérations de la vie quotidienne et passée de l’auteur (des notations très concrètes et vivantes) à l’enseignement vital qu’il cherche à nous transmettre : « J’ai essayé le LSD pour la première fois quand j’avais dix-neuf ans. Avant cela j’avais été un parangon de vertu et un farouche abstinent de boissons intoxicantes. » Ces contradictions vécues, cet humour sous-jacent, ce va-et-vient continuel entre son passé et son présent, entre son expérience et ce qu’il en retire, sont de nature à nous aider d’une manière très concrète et décisive.

A l’heure du fameux Bien-Etre qui partout cherche à imposer ses lettres de noblesse et ses belles leçons, ses trop belles images qui masquent la laideur incontournable de nos existences, à l’ère du Bien-Vivre, du Bonheur qui devrait nous faire oublier les tourments ordinaires, la grisaille des jours d’hiver, la mort et la finitude, à l’heure des grandes supercheries, voici l’instant toujours renouvelé d’un parler vrai, qui nous invite constamment à vivre vrai l’infiniment ouvert : « Simplement soyez honnêtes. »
Mais qu’attendons-nous donc pour y plonger, en cet instant de vraie vie, à vivre sans cesse ? Merci, vraiment, Joey Lott. Je le répète : votre livre est essentiel. Vraiment.

En ce qui me concerne, j’ai placé ce livre sur ma table de chevet. Régulièrement, je l’ouvre, à n’importe quelle page. Ca me suffit pour me ramener à ce que je fuis sans cesse… Tout simplement.

Sabine D.





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