mardi 14 août 2018

Auprès de mon arbre... (2)

Vénérable confident

L'arbre de l'enfance peut aussi être un arbre vénérable, exceptionnel par sa forme, sa dimension et son âge. Quand Xavier, un amoureux des végétaux les évoque, sa respiration et son débit s'accélèrent. « La relation avec eux est plus facile et la complicité, plus grande qu'avec les humains », avoue-t-il. L'arbre de son enfance se dresse dans le massif de la Sainte-Baume, où sa famille maternelle possédait une bastide et une vaste propriété. Cet arbre trapu qui ne croît plus qu'en largeur, haut de 15 m, « le grand chêne » comme les siens l'ont baptisé, matérialise le bonheur enfui : grandes tablées, lectures, siestes, jeux d'enfant et rêveries. N'est-ce pas à ses pieds que son père, récemment disparu, a été présenté à sa mère ? N'est-il pas le confident, le réceptacle des secrets, celui que l'on sent vibrer, respirer, collé à son écorce marron-gris ?
« Près de lui, je me suis toujours senti en sécurité. Sa puissance vitale est si forte. Tu peux lui parler, il te répond. Son diamètre est si grand qu'il est presque impossible d'en faire le tour, même à plusieurs en se donnant la main. Sur ses branches, on observe la sarabande des loirs. À travers son feuillage, les étoiles qui brillent », note-t-il, impressionné aussi par l'idée que sa partie souterraine égale sa partie aérienne. « Son âge nous a toujours intrigués. Mon grand-père prétendait qu'il avait 1 000 ans. Un sylviculteur l'a carotté et a établi qu'il avait 300 ans. C'est donc sans conteste le plus vieux de la Sainte-Baume », confie le quinquagénaire. L'idée que ce chêne ait vu passer plusieurs générations des siens le réjouit. Autant que la pensée qu'il lui survivra.

Un lien avec nos aïeux

Robustes, les arbres nous regardent parfois passer sur la Terre. Dans la ferme familiale, Aymeric a revu récemment le saule pleureur que son grand-père avait planté pour se reposer à l'ombre. Mais, décédé, il ne l'a pas vu s'épanouir. « Aujourd'hui, l'arbre est magnifique mais un peu inutile », regrette-t-il. Pourtant, étrangement, ce saule demeure l'arbre qui l'apaise le plus, comme un lointain écho à ses racines, un lien à la fois mystérieux et visible à son aïeul. Dans le jardin de mon enfance, mon saule pleureur est mort, mais le figuier sur lequel je m'ébattais, lui, résiste.
Sondé sur le sujet, Sami, mon fils aîné, 18 ans, cite cet arbre sur lequel il a grimpé enfant avec son frère et ses cousins. Il a grandi à Paris mais a passé la plupart de ses vacances dans le Sud ensoleillé. Il décrit la coque du bateau retourné qui sert encore de marchepied, près du tronc. « Monter sur un bateau pour grimper sur un figuier, c'est le début de l'aventure. Là-haut, le regard porte par-dessus la clôture, on peut admirer le paysage, parfois même le coucher de soleil. Parce que je l'ai escaladé, c'est l'arbre que je connais le mieux. C'est avec lui que le contact a été le plus grand. » Une relation intime et même pas gourmande : le goût des figues mûres lui est moins précieux que son odeur et son toucher. Pour Sami, ce figuier garde un parfum d'enfance, puissant et inimitable.

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