jeudi 31 décembre 2015

L'instant est là...






Pour que 2016 soit un an neuf... par Denis Marquet


La venue d'une nouvelle année nous relie à notre désir du Nouveau.
Chaque instant que nous vivons est à la fois la conséquence de causes anciennes, que certains appellent karmiques ; mais aussi l'opportunité de lancer pour l'avenir des causes neuves, qui ne sont pas l'effet du passé et génèrent des effets qui ne répètent rien.
De telles causes naissent de notre ouverture à une dimension transcendante à l'intérieur de nous. 
Alors, c'est le divin, ou la grâce, le mystère ou quelque nom que nous lui donnons, qui crée notre vie.
Et, libres du passé, nous pouvons vivre selon nos aspirations les plus profondes.

Pour cela, il suffit de s'abandonner !
S'abandonner, c'est accepter de ne pas se représenter son avenir, car on ne peut se re-présenter que du passé.C'est accepter de se laisser surprendre par soi-même, par les rencontres et les opportunités.
C'est accepter de lâcher l'illusion du savoir, toutes les attentes que nous faisons peser sur les autres et sur notre vie, ainsi que toute forme de contrôle.
Un instant d'abandon total nous plonge dans la dimension vierge de notre être ; nous voilà prêts pour un nouveau départ, un commencement dans le Nouveau : une naissance.

Fêtons le passage vers 2016 dans l'abandon total ! 
Alors ce nouvel an sera pour nous l'an du Nouveau : une merveilleuse année.


mercredi 30 décembre 2015

lundi 28 décembre 2015

Message de Noël de la part de Thich Nhat Hanh



Il y a quelques jours, Thầy pensait au message qu'il souhaitait envoyer à ses ami(e)s et étudiant(e)s pour qu'ils puissent fait comme Jésus ou comme le Bouddha.  Thầy a écrit cette calligraphie :

"Il n'y a pas un chemin à chercher pour aller chez soi,
Notre chez-soi est le chemin. »
 
Cela signifie que  le chemin et l'outil ne sont pas deux choses séparées. "Il n'y a pas de chemin à chercher pour aller  chez soi" Notre "chez soi" est le chemin. Quand nous faisons un pas sur ce chemin alors nous nous sentons chez nous tout de suite, à ce moment précis. C'est très authentique, c'est la pratique du village des Pruniers. Il n'y a aucun chemin menant au bonheur, le bonheur est le chemin. Récemment Thay a également partagé lors d'un de ses enseignements qu'il n'y a aucun chemin menant au Nirvana, le Nirvana est le chemin. Chaque pas, chaque respiration est capable de nous ramener chez nous, dans l'ici et le maintenant. C'est la pratique fondamentale du Village des Pruniers.

C'est le message que Thầy veut envoyer à tous ses amis et étudiants durant cette saison de Noel. Si vous voulez envoyer des vœux à vos ami(e)s et bien-aimé(e)s vous pouvez envoyer ce message. Si vous pouvez le pratiquer véritablement, alors votre envoi aura une signification profonde ; mais si vous ne le pratiquez pas, alors ce message n'aura aucune valeur. 

Réjouissons-nous de notre pratique de revenir chez soi en cette saison de fêtes. Soyons véritablement dans notre "chez soi" et devenons ainsi une maison pour nos bien-aimé(e)s et tous nos ami(e)s.


Avec confiance et amour

Thầy

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samedi 26 décembre 2015

Mesure du temps avec Philippe Mac Leod


Imaginer l'avenir ne trahit pas seulement le présent, mais neutralise la venue, vole à la fleur un fruit qui s'arrondit au moule de la patience. L'imagination n'est grosse que de soi, elle enfle sous la pression de notre propre image perpétuellement projetée. Le présent n'appartient qu'à celui qui sait s'effacer, et il n'est d'attente que dans l'abandon libre, l'abandon heureux à la béance infinie que nous sommes. Le temps chrétien pourrait lui-même se résumer ainsi : patiemment mais passionnément.

Chérir l'attente ne nous est pas simple, même si chaque année la liturgie nous apprend à la creuser un peu plus largement, en nous tournant vers le secret que porte le temps en son apparente indifférence. Nous voudrions l'escamoter, quand il s'agit au contraire de le traverser en le transformant en attente, et en goûtant celle-ci en plénitude, en l'habitant, en la nourrissant de notre passion, plus que de nos pauvres et fausses patiences. C'est cela, l'espérance : vivre l'absence jusqu'à l'intensité de la présence.

Assimilation, cheminement, maturation, toujours nous sommes exaucés, mais par petites touches, au fil des avancées, de sorte que la part qui nous est dévolue ait le temps de nous transformer, afin que nous puissions recevoir davantage et surtout ne rien nous approprier. Toute la Création est placée sous le signe de la durée, de la croissance. Nous le savons, mais nous l'oublions, parce que nos désirs l'acceptent mal. Nous ne rêvons que d'immédiateté. On ne peut pas entrer dans l'éternité sans avoir bu toute l'immensité du temps, goutte à goutte, sans avoir ressenti la gigantesque poussée de son effort continu.

En nous arrachant à la rêverie, aux projections de l'esprit, l'instant présent nous rappelle aussi à l'objet présent. Des brumes de l'imaginaire il fait jaillir l'étincelle du réel. Au fond, il n'est qu'un seul présent, celui de la présence, pleine, entière, active, mue par une conscience libérée de toute préoccupation pour n'être plus qu'attention. L'instant prend toute la place, tout l'espace où nous sommes, pourvu que nous sachions l'investir.

La patience, en réalité, nous grandit quand elle n'est plus comprise comme une résignation,une sorte de crispation pour mieux tenir. La patience libère une force muette, un contrepoint à notre anxiété comme à la brutalité de certains événements. Elle signifie que le monde ne s'arrête pas aux premières évidences. Elle nous parle de cette espérance qui ne ressemble en rien à l'espoir avide, mais qui reste liée à l'intuition du coeur, à l'intelligence sans cesse en éveil, au regard qui cherche toujours plus loin. Je souffre aujourd'hui parce que je ne sais pas entendrece qui demain m'apparaîtra clairement. La patience s'appuie sur une continuité secrète, elle dit l'obscurité du présent, ou plutôt notre surdité, mais elle affirme dans le même temps notre refus de l'immédiateté sommaire des événements. Ils disent autre chose qu'eux-mêmes, ils recèlent une parole, un appel, ils sont toujours l'enfantement douloureux d'une promesse à venir, le passage obligé à un autre stade du réel qui n'apparaît pas dans sa totalité.

Il nous faut grandir, croître encore, et nul ne saurait faire l'économie de la souffrance qu'implique tout changement. Elle aussi est notre seule façon d'entendre, vraiment, c'est-à-dire avec notre chair. Non pas comme une pédagogie du châtiment, mais de l'inscription vivante, avec la lenteur inhérente à toute croissance et à un enracinement durable.

Philippe Mac Leod est écrivain et a publié plusieurs livres et recueils de poésie. Son dernier ouvrage, Poèmes pour habiter la terre est paru chez Le Passeur.




La joie nous manque... avec Jean-Claude Guillebaud


À ceux qui se demandent quelle sorte de manque ronge silencieusement nos sociétés, il faut répondre : la compassion. Cette sollicitude spontanée que les boud­dhistes appellent la maitri et qui est assez proche, au fond, de l’agapê des chrétiens. Cette patiente attention aux plus exposés, aux plus démunis qu’entendait promouvoir notre morale laïque et républicaine, lorsque, à la Liberté et à l’Égalité, elle ajouta – en 1848 seulement – la Fraternité.

Aujourd’hui, on a beau prendre la réalité contemporaine par tous les bouts, une évidence crève les yeux : la compassion est en train de quitter notre monde. À petits pas. Insidieusement. Dorénavant, ce qui la ­remplace – et jusqu’à la nausée – ce sont des impératifs de compétition, de performance, de gagne, de record, de dépassement de l’autre, de quant-à-soi barricadé.

Or avec la compassion, c’est le bonheur de vivre qui s’en va. Disons même la gaieté. Dans l’air du temps flotte à ce sujet un malentendu : celui qui nous fait confondre cette dernière avec le contentement, et le bonheur de vivre, avec le consumérisme affolé. Par pudeur, crainte d’être ringard ou de passer pour sentimental, nous n’osons plus parler de ces choses-là. C’est dommage. Osons le dire : une certaine gaieté nous manque. Je dis une certaine gaieté, car celle que j’évoque ne s’apparente pas aux épaisses rigolades du moment.

Nos rires sont tristes. Notre sérieux est navrant. Nos prudences sont moroses. Nos « fêtes » sont sans lendemain. Nos plaisirs sont boulimiques et plutôt enfantins. Tout se passe comme si la frénésie jouisseuse de l’époque cachait une sécheresse de cœur et une stérilité de l’esprit. La gaieté véritable, celle que nous avons perdue, c’est celle de l’aube, des printemps, des projets. Elle se caractérise par une impatience du lendemain, par des rêves de fondation, par des curiosités ou des colères véritables : celles qui nous « engagent ».

La gaieté profonde qui nous manque est celle qu’évoquait Jean Sulivan dans son beau livre Matinales (Gallimard, 1976). Elle n’implique aucune résignation devant l’injustice du monde. Elle passe par la conviction que les catastrophes ne sont pas programmées, que le pire n’est jamais sûr, que le futur n’est pas décidé et que tout regret est un poison aux effets lents. Cette vitalité joyeuse ne doit pas être abandonnée à la contrebande des amuseurs médiatiques ou des clowns politiciens. Joyeux Noël à tous !



(source : La Vie)

vendredi 25 décembre 2015

Notre Père en araméen




Aboun d'ouashmaya  néthqaddash shmakh
tétéh malkoutakh néhouée tséouyanakh
aïkanna d'ouashmaya ap b'ar'a

haoulan lahma  d'sounqanan yaoumana
ouashwoklann haouba'inn  ou ahtaha'inn
aïykanna d'aphnann shouaqahinn l'hayaoua'inn

ou la ta'lann lnessiona
ella passan men bisha

mettoldilakhi malkoutha ou haïla ou teshbota
l'alam alminn    amen

La merveilleuse histoire de Noël (4)

Apocryphes, mais pas naïfs

Tout ce que l'on raconte de Noël depuis qu'on célèbre cette fête et qui n'est pas dans l'Évangile de Luc ou dans celui de Matthieu – c'est Matthieu qui parle des mages, sans préciser leur nombre – vient d'ailleurs. D'où ? Quelquefois, des Évangiles apocryphes, ces vies de Jésus souvent très anciennes, mais qui, pour diverses raisons, n'ont pas été retenues dans la liste officielle des livres du Nouveau Testament : trop fantaisistes, trop incomplètes, trop manifestement brodées sur les Évangiles déjà existants. Ainsi, le boeuf et l'âne. Ils viennent d'un apocryphe dit le Pseudo-Matthieu.


Mais pour être apocryphes, ils ne sont pas forcément naïfs. Le boeuf et l'âne sont des animaux humbles, à l'image de Jésus naissant. Le boeuf est animal de sacrifice, comme Jésus s'offrira lui-même en sacrifice. L'âne est l'animal sur lequel Jésus entrera dans Jérusalem pour sa Passion. L'un et l'autre annoncent donc le destin de Jésus. De plus, ils se trouvent tous deux dans la Bible : dans Isaïe 1, 3. « Le boeuf connaît son propriétaire, et l'âne la mangeoire de son maître. Israël ne me connaît pas, mon peuple ne comprend pas. » C'est précisément ce qui va arriver au Christ, ignoré, incompris d'Israël.

De même, l'étable ou appentis devient grotte, image du Sépulcre (Justin de Naplouse, IIe siècle) ; les mages prennent peu à peu des visages d'Africains ou d'Asiatiques, image des nations auxquelles l'Évangile sera annoncé... Ainsi le vrai Noël est-il devenu notre Noël. Par petites touches, sur la suggestion d'une réflexion spirituelle ou par l'inspiration des artistes médiévaux. Marie accouchant dans la difficulté d'une nuit non précisée d'une année mal fixée autour de - 6 a été entourée d'une broderie de détails, mais ces détails ont un sens. Ils disent qui est l'enfant qui vient de naître, ce qui l'attend, ce qui nous attend.




source : La Vie

jeudi 24 décembre 2015

Jean-Marie Pelt : Jésus est entré dans ma vie à un moment très dur

Le biologiste-écrivain raconte comment Jésus est entré dans sa vie dans un moment de grande solitude et de dépression. Il décrit comment Jésus, Dieu fait homme, l'a inondé de bonheur.

Le Christ est entré dans mon existence à un moment très difficile. J'ai perdu ma mère dans des conditions pénibles. Mon père est mort. Tout mon environnement familial a disparu. J'étais célibataire, sans enfant et cet état m'a soudain pesé. Se sont greffées de grandes difficultés dans mon travail et je suis rentré dans un état dépressif qui n'a fait que s'aggraver.

À ce moment-là, j'ai rencontré Jésus avec un corps d'homme, un Dieu fait homme. J'étais seul un soir dans une chambre d'hôtel et j'ai été inondé d'un état de bonheur d'une grande intensité, inconnu pour moi jusqu'alors. C'était une rencontre avec quelqu'un de plus grand que moi. J'ai été pris et immergé dans un océan de bonheur... Trois sentiments m'ont enveloppé : amour, paix et joie.

"La passion de ma vie, c'est Dieu"

J'avais déjà connu cette impression d'être au ciel mais je n'avais jamais connu une telle intensité et une telle durée. Moi, qui priais de toutes mes forces pour sortir du trou, le Seigneur m'a dit un jour : "Allez, cela suffit, j'en fais mon affaire !". Ce n'était pas une conversion car j'ai toujours eu la foi. Mais ce fut un retournement complet et une libération par rapport à tout ce que j'avais reçu, petit, de culpabilité. Celle-ci a complètement disparu, remplacée par une sorte d'exigence morale d'un rang supérieur. Ma relation avec les autres a complètement changé. Je ne peux pas vivre si j'ai un problème avec quelqu'un. Il faut absolument que je le règle. Avant, je ne voyais rien, je volais comme le Concorde à haute altitude.

On m'a demandé quelle était la passion de ma vie, si c'était par exemple la botanique. Non ! la passion de ma vie, c'est Dieu. Tout ce que je vis est sous sa lumière et j'ai le sentiment qu'il m'a fait naître à la liberté.

Le conflit entre science et foi est aujourd'hui dépassé. Nous avons la chance que, dans le christianisme, on accepte que des historiens, des spécialistes, des archéologues travaillent sur les textes sacrés, en aient une approche scientifique, ce qui nous donne un regard nouveau sur la manière de les recevoir. Elle éclaire la question du sens, de la destinée humaine, des fins dernières. La science apporte beaucoup d'explications, mais ne supprime pas le caractère sacré des textes. Les physiciens qui font de la physique quantique disent qu'on ne peut pas percevoir le réel au moyen de la science. Il y a un autre réel, au-delà de nos sens et de nos instruments, qu'on ne peut pas percevoir. On peut mettre dans ce réel tout ce qu'on voudra.



Le botaniste Jean-Marie Pelt était un fervent écologiste. Il vient de nous quitter ce mercredi à l'âge de 82 ans.





mercredi 23 décembre 2015

La merveilleuse histoire de Noël (3)


Jésus associé au soleil

Les chrétiens d'origine gréco-romaine avaient déjà associé Jésus au soleil, parce qu'ils avaient d'eux-mêmes établi un lien entre le Christ et Apollon. Apollon, dieu du soleil, est aussi le dieu de l'ordre harmonieux du monde, de l'intelligence, de la parole poétique. Quand il advient, il éclaircit, apaise, répare les troubles de ce monde. C'est pourquoi on trouve dans les catacombes de Rome, parmi les toutes premières représentations du Christ, celle du jeune homme debout, la tête entourée de rayons : le Christ apollinien. Jésus n'était-il pas, lors de sa Résurrection, vêtu de vêtements d'un blanc aveuglant ? Il est la Lumière, dit saint Jean.

Vers 275, l'empereur Aurélien, agacé par la floraison de cultes orientaux dans Rome et spécialement dans son armée - or les empereurs du IIIe siècle ne gouvernent qu'appuyés sur l'armée - eut l'idée d'instaurer un culte patriotique unique qui ferait la synthèse des religions à la mode et, espérait-il, les digérerait toutes. Un culte à dieu unique, solaire, dans lequel on trouverait un peu d'Égypte, un peu de Mithra - cette religion orientale dont le dieu mourait et naissait au solstice d'hiver -, un peu de christianisme. L'idée n'était pas nouvelle ; depuis un siècle elle était dans l'air et on en a des traces dans les tombes populaires de Rome. Aurélien fit donc construire au Champ de Mars de Rome un temple de très grande taille, dédié au dieu Soleil invaincu et dont la fête se célébrerait au solstice d'hiver : le 25 décembre. Un des avantages était que la date était déjà populaire à Rome ; c'est à peu près celle des Saturnales, fête à laquelle étaient associés des cadeaux, les streniæ, nos « étrennes ».

Le culte solaire d'Aurélien fut un échec. Quelques années plus tard, son successeur Constantin annonçait sa conversion personnelle à la foi chrétienne. Mais la tentative d'Aurélien avait néanmoins marqué les esprits, et la date du 25 décembre est restée parce que l'Église a voulu christianiser définitivement ce « soleil levant » aussi bien que les Saturnales. Il ne s'agit pas de copier un culte païen – quel intérêt ? – mais d'exprimer le mystère chrétien avec des symboles accessibles aux païens.

Nous sommes certains que Noël était officiellement le 25 décembre dans le calendrier de l'Église en 336, et probablement plus tôt. Si, depuis, les Orientaux et les Occidentaux célèbrent Noël avec un décalage – les Orientaux, c'est-à-dire les orthodoxes, le 7 janvier –, c'est que nos calendriers respectifs sont décalés depuis que les Occidentaux ont réformé l'ancien calendrier, dit julien, afin de remédier à un problème de calcul. Car les mouvements de la Terre autour du Soleil ne tombent pas juste en nombre de jours, de sorte que le calendrier julien s'est peu à peu décalé par rapport au soleil. Les Orientaux sont restés fidèles au calendrier julien et se trouvent ainsi « en retard » de quelques jours.



mardi 22 décembre 2015

La merveilleuse histoire de Noël (2)


Trois siècles plus tard, au cœur de l'hiver



Trois siècles plus tard, au IIIe siècle, donc, les chrétiens se sont employés à fixer une date pour la fête de la naissance du Christ. À cette époque, le christianisme s'est répandu dans tout l'Empire romain. Il a conservé ses origines culturelles juives, mais l'influence romaine est inévitable. Elle est même plus importante qu'on ne le croit. Un Romain converti a une culture romaine ou gréco-romaine. Il apporte avec lui ses repères, ses réflexes, ses images, sa façon d'exprimer les mystères de la foi.

C'est alors qu'on voit émerger des propositions. Clément d'Alexandrie propose le 28 décembre. D'autres Orientaux, le 6 janvier. En somme, quelque part au coeur de l'hiver. Et ce n'est pas un hasard. Ce qui indique cette date, c'est le solstice d'hiver, la période où la nuit est la plus longue, mais aussi où le jour, après avoir diminué, se met à croître de nouveau. Comme si le soleil, affaibli, connaissait un nouveau commencement. Or Noël ressemble à cela : la faible naissance de la lumière au cœur de la longue nuit, le début modeste de l'espoir.



lundi 21 décembre 2015

La merveilleuse histoire de Noël (1)

Historien et philosophe, le dominicain Yves Combeau, qui collabore régulièrement aux émissions du Jour du Seigneur, revient pour La Vie sur la véritable histoire de la Nativité et les origines de la fête de Noël telle que nous la connaissons aujourd'hui.

Jésus n'est pas né à Noël. Entendons-nous : Jésus n'est pas né le jour où nous fêtons sa naissance. Ou probablement pas. Il y a une chance sur 365... Il en est de Noël comme de beaucoup d'éléments de la culture chrétienne : c'est un mélange de vérité évangélique et d'apports successifs. Ces apports, qu'il s'agisse de détails pittoresques, de personnages, de lieux, de dates, entrent si bien dans les mémoires que nous les croyons vrais, et que nous sommes déconcertés de ne pas les trouver dans l'Évangile.

On m'a souvent demandé : « Où sont le boeuf et l'âne dans l'Évangile ? » Ils n'y sont pas. Cela ne signifie pas qu'ils sont absurdes. Ils évoquent tel souvenir, tel symbole. Nos ancêtres avaient moins le goût de la sécheresse scientifique que nous. Pour eux, le sens passait avant l'exactitude historique.

Quelque part, entre - 8 et - 4

Jésus est né à n'importe quelle période de l'année entre -8 et -4. En tout cas, pas en l'an 0. Nous le savons par saint Luc, qui est le seul évangéliste à donner des précisions sur la date. Il le fait à la méthode antique, c'est-à-dire en mentionnant le règne d'Auguste et le recensement ordonné par Quirinius, gouverneur de Syrie. De plus, Hérode le Grand, qui est mort en -4, était forcément vivant quand Jésus est né, puisqu'il est question de lui aussi bien chez saint Luc que chez saint Matthieu. Ce n'est pas très précis, mais cela donne une bonne idée. Il y a eu un recensement dans l'Empire romain en -8 et probablement un recensement similaire dans le royaume d'Hérode (qui n'était pas encore intégré à l'empire) dans les années suivantes. Peut-être vers -6, si l'on en croit l'historien antique Flavius Josèphe.

Qui s'est trompé ensuite dans la date du début de l'ère chrétienne ? Un moine, Denys le Petit, au VIe siècle. Car longtemps on a procédé à la datation à partir de la fondation de Rome, selon l'année de règne de l'empereur ou par le nom des consuls de l'année. La datation à partir de la naissance de Jésus n'est apparue qu'après l'Empire romain d'Occident, précisément au VIe siècle. Or six siècles après l'événement, avec des éléments aussi flous que ceux que donne saint Luc, une erreur était presque inévitable.

Quant au jour, au mois, à la saison, l'Évangile n'en dit rien. Peut-être pas lors de la saison agricole, printemps et été, qui ne convient guère aux déplacements que nécessitait ce recensement. Mais cela reste possible. Peut-être en hiver, même si Joseph ne pouvait ignorer que l'hiver est plus rude sur les montagnes de la Judée, où la neige n'est pas rare, qu'en Galilée. Et il est douteux que les bergers soient dans les prés avec leurs bêtes en décembre. Mais en réalité, Joseph n'étant pas agriculteur mais charpentier, cela pouvait être n'importe quand.

Le reste du récit est simple : Bethléem est une petite ville, la maison est pleine – l'Évangile ne dit pas si c'est une auberge ou une maison particulière –, Marie doit accoucher dans l'étable, ou un appentis, ou n'importe quel endroit, et l'enfant est couché dans une mangeoire, ce qui n'est pas une mauvaise idée, parce que les mangeoires ressemblent à des berceaux et contiennent de la paille fraîche. Arrivent les bergers avertis par un ange en pleine nuit - cela, l'Évangile le dit bien. Et c'est Noël.



dimanche 20 décembre 2015

La méditation fait-elle partie de la tradition chrétienne ?

Cet article reprend l'intervention de Jean-Marie Gueullette, médecin de formation, docteur en théologie et professeur à l'université catholique de Lyon, auteur de Laisse Dieu être Dieu en toi et la Beauté d'un geste (Cerf), lors de la journée « Méditation 2015 » organisée par La Vie au théâtre du Châtelet le 11 novembre.

À la Samaritaine qui lui rappelait que les juifs considéraient le temple de Jérusalem comme la demeure de Dieu, Jésus répond dans l’Évangile de Jean : « Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. » Il n’y a donc pas de lieu saint en christianisme, pas d’autre lieu saint que le cœur humain, habité par la présence de l’Esprit saint. « Tu es un temple, ne cherche pas de lieu », disait un moine du IVe siècle. Dans les premiers siècles, cette manière de se tenir en présence de Dieu dans le temple intérieur de l’âme a été une pratique essentielle de la vie monastique. Saint Jérôme, au Ve siècle le définissait même de cette façon : « Le moine se reconnaît non à ses paroles et ses discours, mais à son assise en silence. » Le combat spirituel est souvent résumé chez eux dans le fait de garder la cellule, de lutter contre la tentation de fuir, d’aller voir ailleurs. Ceci s’applique à la cellule habitée par le moine, mais aussi à la cellule de son propre cœur.

Si l’on pourrait citer de nombreux textes de la tradition chrétienne sur la posture qui convient dans la prière et qui est principalement une posture assise, il faut aussi souligner que dans le christianisme on n’a pas été très porté sur la rédaction de traités sur les postures car on est toujours très prudent devant les techniques, afin de ne pas perdre de vue l’essentiel, qui est le don de Dieu, la grâce. D’autre part, la tradition chrétienne est très attentive au sujet qui prie, dans sa singularité. Il est donc inconcevable d’imposer telle ou telle posture, car tout dépend de l’état dans lequel se trouve le sujet. Ainsi, l’un des plus anciens textes que nous ayons sur les postures dans la prière, qui date du IIIe siècle, recommande de prier debout, sauf si on a mal aux pieds…

Comme il y a bien des dispositions du corps, il est incontestable que celle qui consiste à élever les mains et à lever les yeux doit être préférée à toute autre, car le corps apporte ainsi à la prière l’image des qualités qui conviennent à l’âme. Nous disons pourtant qu’il ne doit en être ainsi que si aucune circonstance ne l’empêche. Suivant les circonstances, on peut parfois prier convenablement en étant assis, par exemple à cause d’une maladie des pieds qui doit être soignée ; ou même en étant couché à cause des fièvres ou de quelque faiblesse analogue.

On pourrait trouver bien d’autres exemples de cette pratique de l’assise silencieuse chez des chrétiens. Mais il est nécessaire d’explorer surtout la question de savoir s’il s’agit d’une pratique qui rejoint celle de tous ceux qui s’assoient en silence, et qui est donc équivalente de la pratique bouddhiste, par exemple, ou si cette pratique a une couleur particulière chez les chrétiens. Disons le rapidement : si les moyens utilisés sont les mêmes, assise calme et silencieuse, attention portée au fait d’être présent, la finalité de la pratique est bien spécifique. Il s’agit pour les chrétiens de se rendre présent à Dieu qui est présent, à Dieu qui les précèdent dans cette présence. La prière est relation entre une personne humaine et Dieu. Poursuivons notre exploration rapide de la tradition chrétienne en étant attentif à cette spécificité.

Au Moyen Âge tardif : la présence de Dieu... Dans l’orthodoxie, la longue tradition de prière silencieuse, souvent appuyée sur la répétition intérieure du nom de Jésus, va devenir la forme majeure de la prière dans le contexte de l’hésychasme, pratique monastique qui recherche la paix dans la présence de Dieu. Dire le nom de Jésus dans le silence, c’est se recentrer inlassablement sur sa présence, dans le souvenir de ce qu’il est. Un moine de l’Orient chrétien écrit au XIVe siècle : « Assis dans ta demeure, souviens-toi de Dieu, élève ton intelligence hors de tout, porte-toi vers Dieu sans rien dire, répands devant lui l’état de ton cœur, et attache-toi à lui de tout ton amour. Car le souvenir de Dieu est la contemplation même de Dieu, qui appelle à lui la vision et le désir de l’intelligence, et l’entoure de la lumière qui vient de lui » (Sur la profession monastique de Théolepte de Philadelphie, cité dans la Philocalie, d’Olivier Clément, DDB).

C’est dans ce milieu spirituel que s’est développée ce que l’on appelle aujourd’hui prière de Jésus ou prière du cœur, qui est une prière continue, ne nécessitant pas l’assise, par laquelle on répète inlassablement sur le souffle : « Seigneur Jésus, fils du Dieu vivant, prends pitié de moi pécheur. » Cette pratique fait partie du paysage de notre réflexion, en particulier parce que beaucoup d’occidentaux ont redécouvert la prière contemplative à son école ; pourtant elle n’est pas exactement de l’ordre de la méditation assise et silencieuse.

... et les mystiques rhénans Nous nous trouvons chez Maître Eckhart devant une situation paradoxale : aujourd’hui, les lecteurs de Maître Eckhart en viennent souvent à pratiquer l’une ou l’autre forme de méditation silencieuse, et les pratiquants de la méditation, eux, se trouvent souvent à l’aise chez Eckhart. Or celui-ci ne mentionne jamais une telle pratique… Il ne raconte pas sa vie ou ses expériences personnelles, mais on peut penser que sa prière était très proche d’une forme de méditation silencieuse, lorsqu’on voit comment il décrit la relation du croyant avec Dieu.

« Il est très doux pour un ami d’être près de son ami. Dieu nous assiste et demeure près de nous, constant et immuable » (Sermon 13 a).
« Dieu est le Dieu du présent. Tel il te trouve, tel il te reçoit, tel il te prend ; non point tel que tu fus, mais tel que tu es en ce moment » (Entretiens spirituels 12).
« Maître Eckhart dit à un homme pauvre : “Que Dieu te donne le bonjour, frère. – Seigneur, ayez-le vous-même ; je n’en reçus jamais de mauvais.” (…) Il dit : “Tu dois être saint : qui t’a fait saint, frère ? – Demeurer assis en silence, ainsi que ma haute méditation et mon union avec Dieu, voilà ce qui m’a tiré au ciel, parce que je n’ai jamais pu trouver le repos dans les choses qui sont moindres que Dieu. Maintenant je l’ai trouvé et j’ai repos et joie en lui pour l’éternité et cela dépasse la durée temporelle de tous les royaumes. Aucune œuvre extérieure n’est aussi parfaite, elle empêche l’intériorité” » (Dits de Maître Eckhart, 67).

La contemplation de la présence de Dieu et la pratique du détachement sont les fondements que le croyant peut trouver chez Eckhart pour une assise silencieuse chrétienne. Je ne crois pas qu’il soit intellectuellement honnête de prélever dans ses paroles celles qui semblent les plus proches du bouddhisme ou d’une spiritualité athée, pour faire de lui un spirituel qui aurait dépassé le christianisme. Il a professé la foi chrétienne toute sa vie, il a exercé des charges importantes dans l’ordre dominicain au nom du Christ, et, plus radicalement, les constituants essentiels de la foi chrétienne sont présents dans toutes ses prédications : la Trinité, le Christ, la méditation de l’Évangile. Il est un témoin particulièrement important de ce que je soulignais comme une spécificité chrétienne de la prière silencieuse : se tenir présent à Dieu, un Dieu personnel avec lequel le croyant est en relation.

À son école, la prière silencieuse est tout sauf une fuite du monde, puisqu’il s’agit d’une pratique qui permet selon ses propres mots, de « rester libre en pleine action » (Entretiens spirituels, 21). Celui qui, dans la contemplation de la présence de Dieu près de lui et en lui, a trouvé le lieu essentiel de son existence peut s’engager dans l’action. Sans faire de celle-ci la source de son salut, sans en attendre l’essentiel, car l’essentiel n’est pas dans l’action. Vers la même époque que Maître Eckhart, signalons la publication d’un texte majeur pour notre propos, le Nuage d’inconnaissance, œuvre d’un anonyme anglais proche des Chartreux. Ce dernier enseigne une forme de méditation chrétienne reposant sur la répétition intérieure d’un mot ou d’un nom, qui centre inlassablement l’attention sur Dieu et qui, dans le même mouvement, entretient le désir de rencontrer celui qui est toujours au-delà de ce que nous pouvons en connaître.

Au XVIIe siècle : l’oraison de simple regard Troisième étape de notre parcours, l’âge d’or de la mystique en France, le XVIIe siècle. Une époque durant laquelle de nombreux maîtres spirituels, souvent lecteurs des premiers textes de Maître Eckhart alors traduits en français, ont enseigné une prière que nous pouvons considérer comme une forme chrétienne de méditation : oraison de simple regard, prière du silence intérieur, oraison de présence. S’appuyant soit sur la répétition d’un mot ou d’un nom de Dieu, comme dans le Nuage d’inconnaissance, soit sur l’application du regard intérieur à la présence de Dieu, ils proposent une prière très dépouillée, dans laquelle il s’agit seulement de se tenir présent à Dieu, de lui consacrer du temps, et de tourner vers lui toute son attention et tout son désir. Ici encore, c’est Dieu qui est au centre de la pratique.

La littérature de cette époque est très abondante sur le sujet, je n’en citerai que l’un des maîtres spirituels majeurs, saint François de Sales, parce qu’il apporte à cette pratique une nuance utile à entendre dans notre époque très volontariste : la douceur. « Soyez fidèlement invariable en cette résolution de demeurer en une très simple unité et unique simplicité de la présence de Dieu. Toutes les fois que vous trouverez votre esprit hors de là, ramenez l’y doucement, sans faire pour cela des actes sensibles de l’entendement ni de la volonté. Demeurez donc ainsi, sans vous en divertir pour regarder ce que vous faites ou ferez, ou ce qui vous adviendra, en toute occurrence et en tout événement » (Avis de saint François de Sales à la mère de Chantal du 6 juin 1616).

Et après, que s’est-il passé ? Il existe une longue et riche tradition chrétienne sur la prière silencieuse de contemplation de la présence de Dieu. Cette tradition court des Pères du désert jusqu’à la fin du XVIIe siècle, époque où elle s’arrête. Ceci est dû d’une part à la condamnation du quiétisme, qui a rendu méfiant envers toute forme de passivité pour au moins deux siècles. Appliquer cette méfiance à la prière silencieuse était cependant une erreur, car le détachement et l’attention à la présence de Dieu sont tout sauf de la passivité.

D’autre part, si ce tournant théologique et spirituel a pu être pris d’une façon aussi radicale, c’est bien parce que toute la culture privilégiait l’action, l’entreprise, l’engagement dans le progrès, et que cette forme de prière pouvait apparaître, à tort, comme une façon de se tenir en dehors du monde. Cette rupture de tradition explique en grande partie l’impression que tant de nos contemporains peuvent avoir en Occident, à savoir que la méditation serait totalement absente du christianisme et que celle-ci ne peut être connue qu’à la lumière des traditions extrême-­orientales. Plusieurs pionniers comme le bénédictin John Main, le cistercien Thomas Keating et bien d’autres, ont œuvré au XXe siècle pour faire découvrir cette pratique, mais comme le plus souvent ils l’ont fait sans bien connaître la richesse et l’ampleur de la tradition chrétienne, ils se sont surtout appuyés sur des rapprochements avec le bouddhisme ou le yoga.

Ce qui est essentiel dans la tradition chrétienne, ce n’est pas la forme que prend la pratique, encore moins ce qui pourrait apparaître comme des ­techniques, c’est la présence aimante et immuable du Christ. C’est lui qui donne sens à la pratique, c’est le don de son esprit qui fait grandir l’union avec lui. Ce qui est irréductiblement spécifique à une prière chrétienne… c’est le Christ.



samedi 19 décembre 2015

Une voix..


Piaf est la première artiste française à avoir eu une véritable audience internationale, notamment aux Etats-Unis. Et, à l’exception de Charles Aznavour, elle reste l’une des seules à avoir remporté un tel succès dans la langue de Molière. Depuis sa mort le 10 octobre 1963, sa notoriété ne s’est jamais démentie.
"La vie en rose", dont elle avait signé les paroles, figure année après année dans le top ten des chansons françaises rapportant le plus de droits d’auteur à l’international, au côté des tubes du moment signés David Guetta ou Daft Punk.
Le succès mondial du film d’Olivier Dahan "La Môme", et l’Oscar remporté par Marion Cotillard ont encore ravivé l’aura d’une artiste dont les chansons ont aussi bien été reprises par Lady Gaga que Grace Jones, la rockeuse anglaise Anna Calvi et Frank Sinatra.
Preuve de l’intérêt qu’elle continue de susciter cent ans après sa naissance, des spectacles autour de ses chansons et de sa vie sont actuellement à l’affiche un peu partout dans le monde, de Rio à Budapest en passant par Londres ou New York.
"A l’autre bout du monde, on peut entendre Piaf dans un bistrot. Je me souviens d’avoir entendu +L’hymne à l’amour+ dans un petit café sur la côte Pacifique au Chili, dans des magasins au Japon... Il n’y a pas beaucoup d’autres équivalents"...


vendredi 18 décembre 2015

Les quatre conseils de Patrice Gourrier pour méditer avec les Pères du désert (2)


2. « Assieds-toi »
L’assise, élément déterminant dans la méditation, car comme le disaient ces sages : « Un arbre fréquemment transplanté ne prend jamais racine. » Un méditant ne peut succomber à la dictature ambiante, qui veut que l’on n’existe qu’en s’agitant… Cette assise est digne, elle exprime de manière visible ma dignité intérieure. Elle est stable et, l’espace d’un instant, je deviens montagne. Elle est confortable. Cette stabilité extérieure, même si cela ne s’opère pas immédiatement, favorise une stabilité intérieure. Prenons le temps de plonger en nous-mêmes : est-ce que j’arrive à me poser régulièrement ? Ai-je vraiment le désir de m’asseoir ? Quelles sont mes résistances ?


3. « Tais-toi »

Cela peut surprendre, mais les Pères du désert insistaient sur la nécessité de mettre une « garde à ses lèvres ». Être un méditant, c’est ne parler qu’avec bienveillance, éviter les propos critiques, les jugements. Être un méditant, c’est prendre garde à ne pas râler continuellement sur le temps qu’il fait, les autres, la société… Être un méditant, c’est aussi faire un travail sur soi afin de faire taire les passions qui nous divisent, nous coupent de nous-mêmes, des autres, de Dieu, et constituent autant d’empêchements à notre progression intérieure. Comment être un méditant si je succombe à l’avidité, jamais rassasié de ce que j’ai ? Comment être un méditant si je succombe à l’orgueil, avec un ego gonflé de suffisance, de prétention ? Comment être un méditant si je suis rongé par la haine, par la rancune, par la jalousie, qui m’empêchent de m’ouvrir et m’enferment sur moi-même ? Les Pères du désert l’avaient bien compris et leur démarche passait par cette connaissance de soi et par une guérison intérieure. Il ne s’agit en rien de morale, mais du désir de changer pour devenir meilleur.


4. « Apaise tes pensées »
Nous entrons dans le vif du sujet, et cela nous concerne tous, que nous ayons une quête spirituelle ou non. Nous pouvons être assis dans un lieu, être présents physiquement, et avoir l’esprit ailleurs. La science moderne nous apprend que nous pensons sans cesse, car nous sommes conçus pour cela, et c’est merveilleux. Le grand drame, c’est que parfois nos pensées nous empêchent d’être « là » et de vivre pleinement l’instant. Toutes les grandes traditions mentionnent les distractions, encore appelées vagabondage mental. Notre corps est bien présent, mais pas notre esprit, et cela fait obstacle à l’unité de notre être. Les chrétiens ne sont pas une exception. Nous pouvons nous trouver dans une église, ou, chez nous, en train de prier, et pourtant ne pas y être vraiment, car perdus dans nos pensées. Il en va de même si nous nous rendons dans un temple, une mosquée, une synagogue… Ou encore, lors d’une promenade en forêt, il nous arrive aussi d’être tellement absorbés dans nos cogitations que nous ne voyons ni les arbres ni les oiseaux… Comment écouter l’Invisible si nous sommes aussi absents de nous-mêmes ?
Pour ramener sans cesse leur attention, et faire l’unité du corps de l’âme et de l’esprit, ils répétaient le nom de Dieu : Jésus, Jésus, Jésus, non pas mécaniquement mais avec attention, avec amour, avec tendresse. Les mystiques anglais du Moyen Âge nous proposent quant à eux de choisir un mot qui résonne à notre cœur : amour, bienveillance, paix, sérénité. D’autres nous proposent de répéter « Maranatha ». L’objectif : remplacer toutes les pensées par une seule pensée afin de favoriser notre unité, notre disponibilité à la rencontre avec nous-mêmes, avec Dieu. Personnellement, depuis toujours, c’est le nom de Jésus que j’ai choisi, car lorsque je le prononce, il est là, et je sens une brûlure apaisante tout au fond de mon cœur.

Patrice Gourrier

Source : La Vie


jeudi 17 décembre 2015

Les quatre conseils de Patrice Gourrier pour méditer avec les Pères du désert (1)

Patrice Gourrier est prêtre du diocèse de Poitiers et psychologue clinicien.Il coordonne un pôle de méditation, de développement personnel et spirituel. Il est l’auteur de Talitha Koum ! .

Ceux qui m’ont guidé sur le chemin de la méditation ont vécu il y a bien longtemps. On les appelle les Pères du désert. Je les ai rencontrés par hasard, un jour au détour d’un rayon de librairie. Depuis, c’est avec eux que je chemine au quotidien. Les Pères du désert ont vécu durant le premier millénaire dans les déserts d’Égypte et de Gaza. Ils étaient, comme on a pu le dire, ivres de Dieu. À l’origine de leur démarche, une quête brûlante : se rapprocher de Dieu au point de ne faire plus qu’un avec Lui. Ils ont bien compris que cette « union mystique » était au final un don de Dieu, mais que l’effort de l’homme était nécessaire. Faire taire notre ego, faire taire nos pensées, changer, évoluer intérieurement. J’ai été heureux d’apprendre grâce à la science moderne que leurs conseils nourrissaient non seulement mon âme mais faisaient aussi du bien à mon corps, à mon cerveau, apaisant celui-ci.

Les Pères du désert savaient que l’homme pour être vraiment lui-même devait découvrir qu’il est l’union du corps, de l’âme et de l’esprit. Sans la prise en compte de chacun de ces éléments constitutifs, l’homme ressent au plus profond de lui-même, un sentiment d’incomplétude. Ils savaient aussi, et c’est capital, que ce n’est pas à l’extérieur de lui-même que l’homme devait chercher, mais à l’intérieur de lui-même. « Où cours-tu, le ciel est en toi », nous dira plus tard un grand mystique.

Parmi nous, il y en a qui croient au ciel, il y en a qui n’y croient pas, mais les conseils des Pères s’adressent à nous tous. Avant toute chose, il faut nous interroger. Avons-nous le désir de nous mettre en route ? Quel est notre désir profond ? Les pères du désert avaient le désir brûlant de se mettre à l’écoute de Dieu, de faire « un » avec Lui. C’est ce qui m’anime aujourd’hui. Mais même si ce désir n’est pas le vôtre, interrogez-vous. Sans désir, méditer risque de vous paraître bien fastidieux et vous aurez toutes les raisons de ne pas prendre le temps de le vivre.


1. « Change d’air »
Il ne s’agit pas de fuir hors du monde, mais de savoir se déplacer, s’alléger. Trop souvent, nous sommes envahis par de multiples choses, qui, loin de nous faire grandir, nous agitent et nous détournent de nous-mêmes. Elles deviennent des barrières de plus en plus difficiles à franchir. Pis encore, nous perdons, à la suite de l’usure du quotidien, notre souplesse intérieure, la pire des arthroses étant intérieure à nous-mêmes. Alors, pour avancer sur le chemin de la méditation, il importe que nous nous accordions du temps rien que pour nous. Que nous quittions, pendant quelques minutes, le tohu-bohu du monde afin d’apaiser peu à peu, dans la pratique, le tohu-bohu qui nous habite. 
Pour changer, trouvons le moyen de faire un pas de côté par rapport à tout ce qui constitue notre quotidien. Débarrassons-nous de ce qui nous alourdit et qui n’est pas nécessaire. Cela peut être un trop-plein d’activités, qui dissimule une peur, une résistance à ce chemin d’intériorité. Cela peut être aussi la plongée excessive dans des divertissements, qui nous éloignent de nous-mêmes. Ou encore une dépendance aux nouvelles technologies, qui nous empêche de nous ancrer et, peu à peu, nous emprisonne dans nos écrans d’ordinateur, de téléphone… Pour cela, rien de plus simple que de choisir un jour, voire deux, par semaine, où nous évitons de consulter compulsivement nos e-mails toutes les heures et de nous perdre dans les méandres des réseaux sociaux. Accepter que le monde tourne sans nous quelques instants.




mercredi 16 décembre 2015

Marie-Laurence Cattoire : "Prenons l'habitude de méditer plusieurs fois par jour"

Marie-Laurence Cattoire dirige sa propre agence de relations presse et coordonne depuis 2005 des séminaires de méditation. Auteure de la Méditation, c'est malin (Leduc).

« Voilà un peu plus de dix ans, j’étais fatiguée de mon rythme effréné, de toutes les responsabilités que je m’imposais et surtout des différents rôles sociaux que je croyais devoir tenir. Je sentais que même si de l’extérieur tout semblait aller pour le mieux – trois beaux enfants, une entreprise qui « roulait », un gentil mari… –, à l’intérieur rien n’était unifié. J’étais une inconnue pour moi-même, il manquait une harmonie comme un centre, un axe, qui me permette de trouver une direction. Je me suis inscrite à un stage de méditation. Pour la première fois de ma vie, je sentais que j’avais le droit d’être, sans avoir besoin d’être quelqu’un, mais juste d’être, d’avoir ma place sur cette terre, sans me justifier, sans rien faire, sans demander d’autorisation ni chercher à m’améliorer... J’ai compris que cette pratique prendrait une place centrale dans ma vie et j’ai commencé à me demander comment faire, comment trouver assez de temps ainsi que l’espace pour méditer.

La première chose que j’ai faite en rentrant à la maison, c’est me lever 20 minutes plus tôt. C’est ce qui m’a permis de pratiquer quotidiennement. Nos trois enfants étaient alors très jeunes et je pouvais me lever avant eux, méditer pendant que la maisonnée était encore endormie. Ensuite, quand ils sont devenus adolescents, c’est plutôt après leur départ au collège ou au lycée, et avant de commencer ma journée professionnelle, que j’ai mis en place un temps pour méditer. Trouver le bon moment dans la journée, et s’y tenir en respectant la durée que l’on a décidée (10, 20, 30 minutes) est sûrement la première chose à faire.


La deuxième priorité est d’aménager un espace pour méditer chez soi dans sa chambre si l’on médite au lever, dans le salon ou la pièce à vivre. Un coussin ou une chaise, une image, un bâton d’encens ou une bougie peuvent suffire à nous inspirer et à nous connecter à l’esprit de la pratique. Mais ne cherchez pas à vous isoler à tout prix. Cela ne ferait qu’entraver votre pratique et vous mettre mal à l’aise avec votre entourage. Finalement, vouloir s’isoler ou rechercher le calme absolu, cela crispe tout le monde ! Il me semble important de ne pas exiger le silence parce que « maman ou papa médite » : cela va, pour moi, à l’encontre du sens même de la méditation.

Nous devons faire avec chaque situation telle qu’elle est, et être assez malins pour trouver le juste moment. Dans notre appartement, j’ai deux coussins de méditation, un dans la chambre, face à la fenêtre, et un autre dans le salon, près du canapé. Cela me laisse deux possibilités de méditer en fonction de l’activité des uns et des autres. J’ai également un coussin de méditation dans mon bureau. Si, comme moi, vous habitez en ville et dans un environnement bruyant, vous pouvez aussi méditer ! Dans notre pratique, nous pouvons inclure les bruits, voire prendre appui sur ceux-ci pour revenir à l’instant présent.

Une fois que notre pratique quotidienne est bien installée, nous nous apercevons que nous pouvons méditer quelques minutes dans bien des endroits et en toute discrétion : par exemple dans la salle d’attente du médecin, dans le hall d’accueil d’une entreprise avant une réunion, dans un jardin public… Dans le train, lors de mes déplacements professionnels, j’écoute au casque des instructions sur la méditation, que j’ai enregistrées sur mon Smartphone. Au lieu de nous sentir perdus, nous pouvons prendre l’habitude, plusieurs fois dans la journée, de revenir à notre corps et à notre souffle, de porter une légère attention à notre respiration afin de nous synchroniser au monde.

Mais, inévitablement, au bout d’un moment la pratique s’émousse. On n’a plus très envie de méditer, on ne sait même plus très bien pourquoi on le fait... Cela arrive à tous, sans exception. Il ne faut surtout pas s’en vouloir mais peut-être à ce moment-là pouvez-vous rafraîchir votre pratique en allant méditer en groupe. Faire un stage de méditation par exemple ou rejoindre les soirées hebdomadaires d’un groupe près de chez vous. C’est très encourageant de voir les autres pratiquer et de pouvoir en parler avec eux. C’est ce que je fais le plus souvent possible, chaque fois que j’en ai la possibilité je participe à un séminaire de méditation, je pratique en groupe, j’écoute des enseignements qui ressourcent ma pratique et me permettent concrètement d’avancer sur ce très beau chemin.

Depuis quelques mois aussi, j’arrive de temps à autre à trouver une semaine de vacances pour pouvoir transmettre la méditation bénévolement lors de stages de découverte qui sont ouverts à tous. Cela me permet d’explorer la compréhension que j’ai de la méditation et de regarder plus finement comment elle peut prendre place simplement dans la vie de chacun. C’est très touchant de voir les gens s’ouvrir au fil du stage, retrouver de l’allant, du courage, de la joie...

Si la méditation a changé ma vie et continue de changer ma vie chaque jour un peu plus, ce n’est jamais comme je l’imaginais, cela ne prend pas les chemins que je croyais. Méditer est un remarquable geste de confiance. Il faut faire confiance à la pratique. Et pour lui faire confiance, pour qu’elle devienne quasiment une seconde nature – ou plutôt devrais ­je dire qu’elle nous ramène à notre vraie nature ! – il faut la pratiquer, tout simplement. Rien d’intellectuel, rien d’ésotérique, rien d’inaccessible, juste s’asseoir et laisser œuvrer en nous la méditation. »


source : La vie


mardi 15 décembre 2015

BKS Iyengar, le maître yogi, naissait il y a 97 ans

” La tortue endormie rentre tous ses membres dans sa carapace. Ainsi le yogi rentre en lui même, il ne voit plus rien du monde, il fait la paix et le calme en soi. ”

” La méditation, c’est l’unité. Quand il n’y a plus ni temps, ni sexe, ni patrie, l’instant où, après s’être concentré pour faire impeccablement une posture (ou n’importe quoi) on la tient, on oublie tout, non pas parce qu’on veut oublier, mais parce qu’on est concentré, c’est la méditation. ” 

” Ne considère jamais le pranayama comme un exercice, mais comme une prière. La respiration c’est la vie. ”
B.K.S. Iyengar



Le yoga séduit de plus en plus de personnes. Cette pratique est à la fois un exercice de méditation mais aussi un sport. La personne qui en est à l'origine est quasiment inconnu du grand public. Il s'agit de Bellur Krishnamachar Sundararaja Iyengar, appelé B. K. S. Iyengar. Né le 14 décembre 1918, il est décédé le 20 août 2014. C'est dans le sud de l'Inde, à Pune, qu'il a décidé de lancer son école, connue sous le nom de Ramamani Iyengar Memorial Yoga Institute (R.I.M.Y.I.) en 1973. 

Élève de Bellur Krishnamachar Sundararaja Iyengar, B. K. S. Iyengar s'est concentré sur un type précis de yoga : Ashtanga, c'est-à-dire les postures. Le principe est de faire coïncider une posture physique, avec un entraînement respiratoire, et la méditation. 97 ans après sa naissance, sa méthode continue de séduire des millions de personnes. B. K. S. Iyengar a notamment publié en 1966, Yoga Dipika, Lumière sur le yoga, un ouvrage traduit en 18 langues. (source RTL)


Nature entière...





lundi 14 décembre 2015

"Méditer, ce n'est pas gérer son temps mais mieux l'habiter" par Fabrice Midal


« Le christianisme est aujourd’hui particulièrement sensible à l’attaque faite à l’humanité de l’homme au nom d’un contrôle total. Il sait que la dictature de l’efficacité laisse sur le carreau ceux qui sont fragiles. Il sait que cette dictature nouvelle oublie que l’existence humaine est un don gratuit, qu’il faut aimer et respecter. Il sait que l’ordre de l’exploitation est mortifère, qu’il tue tout ce qu’il touche.

L’enjeu est de taille. De plus en plus souvent, sans qu’on y prenne garde, la méditation est présentée comme un outil pour être plus performant, plus efficace, plus adapté. Or, en vérité, le Christ n’est pas venu sur la terre pour dire aux hommes : « Suivez-moi et vous réussirez tout ce que vous voudrez, vous serez plus efficaces, plus performants, plus riches, plus puissants… » Non, il a montré une tout autre voie. Le Bouddha n’est pas venu sur la terre pour dire aux hommes : « Suivez-moi et vous réussirez tout ce que vous voudrez, vous serez plus efficaces, plus performants, plus riches, plus puissants... » Non, il a montré une tout autre voie.

En fait, la méditation n’est pas un outil, une technique, mais une pratique. Méditer, ce n’est pas gérer son temps mais mieux l’habiter ; ce n’est pas gérer son stress, comme on gère son compte en banque, mais se relier à lui, travailler avec lui. Le discours actuel sur l’efficacité de la méditation nie le geste salutaire que celle-ci nous offre : nous apprendre une attention nue, sans jugement, gratuite, qui ainsi apaise, guérit, nous ouvre à nous-mêmes comme aux autres – et peut nous aider à préserver le monde. J’ai la conviction que la méditation est la dernière force révolutionnaire de notre temps pour une raison majeure : elle seule coupe à la racine notre volonté de tout contrôler, de tout saisir, qui nous fait tout instrumentaliser : la terre, l’eau, les arbres, devenus « ressources naturelles », les animaux devenus simples protéines, les êtres humains devenus ressources ou capital humain.

J’ai l’espérance que la méditation nous permette de préserver la beauté et la fragilité, la tendresse et la gravité de toute existence. Qu’elle soit l’espace d’une bienveillance pour soi, pour les autres et pour le monde. Qu’elle puisse nous amener à dire non à l’injustice et à la violence, et qu’elle favorise la paix. »

Fabrice Midal

Fabrice Midal est le fondateur de l'École occidentale de méditation, où il dirige des séminaires sur la méditation laïque en rapport avec notre vie quotidienne. Il a publié Méditations sur l'Amour bienveillant (Audiolib).



dimanche 13 décembre 2015

L'art d'entrer en relation



Et si le Christ nous montrait le chemin pour nouer un contact authentique et des relations fécondes avec notre entourage. Suivons-le.

Jésus a toujours refusé d'être pris pour un gourou. Il n'a jamais cherché à diffuser de méthodes particulières. Il invite plutôt chacun à tracer son propre chemin, en cultivant une qualité d'être. Pourtant, quand il s'adresse à ses interlocuteurs, il s'adapte aux personnalités et aux situations, ce dont nous pouvons nous inspirer. Le protestant Thierry Lenoir, aumônier à la clinique La Lignière, en Suisse, recense ses différentes attitudes, dans un livre intitulé Jésus, maître de communication. Il nous présente quatre démarches initiées par le Christ afin de nouer un contact authentique et fécond avec notre entourage.

Susciter une écoute active

« Jésus aime que ses interlocuteurs se différencient de la foule. Il les encourage à s'exprimer à la première personne. Par exemple, lors de sa rencontre avec la femme adultère (Jean 7, 53 s.), il est écrit : "Les docteurs de la loi viennent en foule, et repartent un à un", comme s'ils avaient retrouvé leur individualité après qu'il les a invités à se situer par rapport à cette femme. Le Christ cherche souvent à susciter une écoute active. Il vérifie que son interlocuteur a bien compris ce qui est dit et l'interroge sur ce qu'il en pense à titre personnel. Quand un docteur de la loi tente de le piéger, Jésus lui demande ce qui est écrit dans la loi, puis de partager sa propre lecture. De même, avec les disciples, il interroge : "Qui dit-on que je suis ?", puis : "Et vous qui dites-vous que je suis ?" Il traque tous les "on" que nous utilisons régulièrement pour éviter d'assumer nos prises de position. Jésus peut aussi avoir recours à ce que l'on appelle des "questions miroirs", en demandant pourquoi la personne pose cette question. C'est le cas avec le jeune homme riche qui l'interroge sur ce qu'il faut faire de bon (Matthieu 16, 19-30). "Mais pourquoi m'interroges-tu sur ce qui est bon ? Pourquoi m'appelles-tu bon ?" Il l'invite ainsi à creuser encore sa question et détermine ce qui le motive vraiment. C'est ainsi que l'on peut devenir l'auteur de sa vie. »

Oser demander

« Pour obtenir une réponse, encore faut-il formuler une demande claire. Plusieurs paraboles dans les Évangiles rappellent ce principe simple, qui n'est pourtant pas si évident à mettre en oeuvre. Nous sommes souvent piégés dans nos relations avec nos proches, par exemple en couple, car nous aimerions bien que nos attentes soient entendues sans avoir à les formuler. Mais lorsque notre partenaire essaie de deviner ce que l'on désire, il a plutôt tendance à projeter ses propres envies. Jésus aime donc susciter des demandes claires. "Que veux-tu que je fasse pour toi ?",demande-t-il à Barthimée, l'aveugle de Jéricho (Matthieu 20, 29-34). Parfois, la personne ne sait pas quoi répondre. Il arrive même que certains interlocuteurs en grande souffrance ne soient pas au clair sur leur désir de guérison. S'il n'y a plus la maladie, que leur reste-t-il pour recevoir de l'attention et la bienveillance dont ils ont besoin ?
Cette invitation à énoncer des demandes explicites se traduit aussi par une autre façon de comprendre la fameuse règle d'or, présente dans toutes les religions "ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse". La version de Jésus diffère des formulations habituelles, y compris de celles de l'Ancien Testament. Il propose : "Tout ce que vous désirez que l'on vous fasse, faites-le aux autres" (Matthieu 7, 2). Cette démarche positive requiert d'avoir au préalable accueilli ses propres désirs. Nous répondrons d'autant mieux aux attentes de notre entourage que nous aurons effectué ce travail sur nous, en clarifiant ce qui a de la valeur à nos yeux. »

Formuler des refus

« Jésus ne répondait pas favorablement à toutes les sollicitations. Son ministère commence dans le désert par des "non" catégoriques. Il va régulièrement refuser d'être manipulé, notamment par ses proches. Souvent, nous n'osons pas agir ainsi, par peur de décevoir et de ne pas être aimé. Jésus prend ce risque y compris vis-à-vis des personnes proches. Par exemple, sa mère, ses frères et sœurs l'appellent à la sortie d'un rassemblement. Il répond : "Qui est ma mère, qui sont mes frères, c'est vous tous qui faites la volonté de Dieu ?" Et il s'en explique : "Ne croyez pas que je suis venu apporter la paix, mais le tranchant qui sépare le père, la mère, le fils, la fille"(Matthieu 12, 46-50). Il ne souhaite pas la guerre dans les familles (sa dernière pensée était pour sa mère), mais il rappelle qu'un individu doit pouvoir exister, pas seulement en se définissant comme "fils ou fille de". Pour cela, un "tranchant" doit passer pour que chacun sorte de la fusion qui mène à la confusion. Dans son Sermon sur la montagne, il lance "que votre oui soit oui et votre non soit non, et ce qu'on y rajoute vient du diable." Si, réellement, vous voulez exprimer un refus, propose-t-il, accordez-vous la liberté de ne pas le justifier. Ce qu'on ajoute ne fait que compliquer la communication. Ainsi, nous sommes dans une vérité relationnelle : le jour où nous disons oui, celui-ci est lumineux. »

Sortir d'une logique violente

« Nos relations obéissent souvent à une logique de réciprocité. Je donne en fonction de ce que je reçois. Et si on s'adresse à moi avec des propos violents, je réponds avec une repartie aussi vigoureuse. Jésus prend alors une image : lorsqu'on vous frappe la joue droite, tendez l'autre joue, c'est-à-dire montrez un aspect de la réalité non perçue par votre interlocuteur. Il n'y a rien de plus surprenant pour une personne qui vous menace que de se retrouver devant une porte qui s'ouvre sur une perspective différente. Jésus poursuit avec une deuxième image. "Si l'on veut vous intenter un procès et prendre votre tunique, laisse leur encore votre manteau" (Matthieu 5, 38-48).Autrement dit, n'entrez pas dans le jeu du bourreau qui se présente pour vous faire jouer le rôle de la victime. Vous garderez ainsi votre dignité, et ferez preuve de l'autorité de ceux qui choisissent leur propre existence. »

> A lire :

Jésus, maître de communicationde Thierry Lenoir, Cabédita.