mercredi 14 février 2018

"Il faut accéder à un regard authentique sur soi" par Sarah Serievic

Pour la Saint Valentin, une approche de l'amour avec Sarah Sérievic

LE FIGARO. - Les personnes que vous recevez ont-elles des difficultés concernant leur authenticité dans leurs relations amoureuses ? 
Sarah SERIEVIC. - Je dirais d’abord que l’amour, c’est le plus haut niveau de l’être. Il est donc authentique par définition. Et ce n’est pas à confondre avec la dépendance amoureuse, qui relève davantage de l’exaltation, ce qui amène à sublimer son (ou sa) partenaire. Et inévitablement, l’idéalisation retombe peu à peu, le carrosse devient citrouille. On avait bien perçu, par exemple, que l’autre n’était pas à l’écoute de nos besoins et on a pris le pli de les refouler ou de les masquer. On a donc installé l’habitude de maquiller ses ressentis et de ne voir chez l’autre que ce qui continue de nous subjuguer. Tels sont les subterfuges inconscients générés par la peur de décevoir qui nous entraînent dans une relation inauthentique. Cela n’a donc rien à voir avec le fait de dire ou ne pas dire ? Mais l’amour authentique, ce n’est nullement «tout dire»! Il est même important de garder le mystère, en restant pleinement conscient de ce qui reste secret. À ne pas confondre avec le mensonge à soi-même. J’ai vu, par exemple, que mon partenaire a tendance à prendre des décisions sans m’en avertir. Mais plutôt que de me demander franchement, de moi à moi-même : « En quoi je collabore à ça?», je fais l’autruche ou je passe mon temps à me plaindre. L’amour est en cela l’occasion privilégiée de visiter ces parts de soi qui participent à ce qui ne nous convient pas. Et le couple est une merveilleuse opportunité d’accéder à un regard authentique sur soi, sans besoin d’un sauveur pour satisfaire nos attentes.

Comment cela se fait-il ? 

Deux attitudes sont à proscrire : la vénération (l'autre est tout pour moi) ou l’accusation (c’est à cause de lui que je souffre) pour oser prendre conscience des conditionnements qui nous mènent dans ce que j’appelle les « rôles ». En effet, en fonction de notre histoire, nous avons mis en place des manières d’exister. Ainsi, celle qui a eu un père autoritaire aura tendance à choisir un homme dominateur. Elle doit alors authentiquement se poser la question : « Est-ce que ça me convient de redevenir cette petite fille modèle qui se laisse dominer par peur de perdre l’amour ? »

Comment sortir de telles habitudes ? 

En arrivant à ce point où on doit prendre le risque de regarder le rôle qui sert d’évitement à la relation (le clown de service, le bon garçon, la sauveuse ou la femme forte). Oser parler pour sortir du faire semblant : « J’arrête de cautionner cela, ça ne fait de bien ni à moi, ni à l’autre, ni à notre relation. » Mais, je le répète, cela tient d’abord au niveau d’authenticité que l’on a avec soi-même. Rien à voir avec une posture infantile qui utilise la parole pour se plaindre, culpabiliser l’autre ou le manipuler.

L’autre n’est donc pas en cause ? 

Je pense que nous sommes des êtres magnétiques qui attirons la problématique dont nous avons besoin pour nous améliorer. Par exemple, je peux avoir été séduite par un partenaire colérique parce que je ne sais pas prendre la responsabilité de mes colères. Ce sont ces dimensions inconscientes que nous avons à observer pour sortir du reproche à l’autre et du mensonge à soi-même qui voudrait nous faire croire que l’autre a tort et qu’on a raison.


N’y aurait-il que la psychothérapie pour s’en sortir ? 
Non, pour nous rendre davantage conscients, la vie est une grande école qui peut nous faire passer à travers des crises, des maladies, des épreuves... Mais un grand voyage, la naissance d’un enfant, une rencontre importante peuvent aussi s’avérer initiatiques et transformateurs.

Sarah Serievic, psychothérapeute diplômée de l’École française de psychodrame et créatrice du Théâtre Authentique, est l’auteur de Rompre avec nos rôles, éloge d’être soi (Éditions Le Souffle d’or).

 source : Le Figaro
*****