jeudi 14 janvier 2021

Capter l'énergie...

 


- A la lettre E de votre dictionnaire, il y a le mot émerveillement, qu’il nous faut réapprendre à pratiquer. Qu’est-ce qui vous a émerveillé, vous, aujourd’hui?
Christophe André : "Rien de particulier aujourd’hui, parce que, dans l’émerveillement, il y a quand même le fait de se sentir bouleversé. Comme lorsque je découvre au hasard d’une lecture les pensées merveilleuses d’un poète ou d’un philosophe en me disant que c’est fou que le cerveau d’un être humain puisse produire des choses aussi lumineuses. Mais plusieurs faits m’ont réjoui. Le beau ciel de ma Bretagne, avec tout à coup de magnifiques nuages de toutes les couleurs, la marée qui monte… J’aimerais vous raconter une anecdote personnelle. J’avais un maître en matière d’émerveillement, c’était mon beau-père, la seule personne que j’appelais «le maître», car c’était un maître de bonheur. Il était très drôle, très inspirant pour moi, il avait une grande chemise en carton, que l’on a découverte à sa mort, sur laquelle il avait écrit: «Choses qui m’émerveillent.» Il découpait tous les articles de journaux, toutes les bonnes nouvelles scientifiques, médicales, les avancées de la société, les petits faits divers réjouissants, et je pense souvent à ces choses qui m’émerveillent les jours où je suis grognon, énervé, où j’ai tendance à ne voir que les égoïsmes, les rouspéteurs, les trucs qui vont de travers. Finalement, c’est une attitude à cultiver. Se rappeler tout ce qui va bien ici-bas, non pas pour oublier ce qui va mal, mais pour avoir la force de le regarder en face et l’énergie de le transformer. Il faut capter l’énergie des bonnes choses pour s’attaquer aux mauvaises. "



- A la lettre N de votre dictionnaire de sagesse, il y a Nietzsche, qui a écrit: «Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts.» Pourtant, vous n’aimez pas cette phrase. Pourquoi?

Christophe André :
- Elle n’est pas généralisable à tous et, d’ailleurs, il ne parlait que pour lui et pas pour tous les humains. Je pense qu’on peut se sortir de cette crise par le haut à condition que le plus grand nombre d’entre nous fasse l’effort de réfléchir à ce qui n’est plus possible dans nos façons de vivre: les voyages incessants, les égoïsmes nationaux, cette obsession de sauver des vies au lieu de sauver des existences… Faire gagner quelques années de vie aux anciens en massacrant l’existence à venir des plus jeunes, on ne peut pas continuer comme ça sans réfléchir à ce qu’on fera lors de la prochaine pandémie. On doit se poser ces questions si l’on veut justement devenir plus forts.

Christophe André
Source : l'Illustré
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