mardi 30 avril 2019

Or intérieur...

Histoire vraie racontée par le Dr Sadeghi dans son excellent livre, Détox émotionnelle : au siècle dernier un Bouddha géant incrusté de milliers de morceaux de verre coloré devait être acheminé vers une nouvelle pagode à Bangkok, en Thaïlande. La tâche était loin d'être aisée étant donné les trois mètres de haut et les cinq tonnes de cette statue vieille de deux siècles. Après plusieurs tentatives les cordes ont lâché et la statue s'est écrasée par terre. Se précipitant pour constater l'étendue des dégâts, les ouvriers et les moines ont découvert que la statue était sérieusement endommagée, mais seulement en surface : à travers les fissures luisait de l'or, celui de la vraie statue ! Sa couverture de plâtre et de verre avait été ajoutée au XVIIIe siècle pour en dissimuler sa valeur et ainsi la protéger des envahisseurs birmans. Le secret avait été si bien gardé qu'il était tombé dans l'oubli. À l'époque du déménagement du Bouddha, personne au temple ne connaissait sa valeur. Il a fallu un accident pour révéler combien cette statue était précieuse. » 


Cette histoire, symboliquement, peut se rapporter à nous-mêmes. Il faut parfois traverser un accident, maladie, dépression, problèmes divers, deuil… pour se rendre compte que nous sommes passés à côté de quelque chose dans nos vies. Mais on oublie souvent que le problème lui-même n'est jamais aussi important que notre façon de l'envisager. Toute épreuve, tout souci, toute expérience négative offre un choix. On peut se dire que l'on n’a pas de chance, que l'on est brisé, anéanti, mais on peut aussi choisir de dépasser le dommage en surface pour découvrir l'or qui se trouve en dessous… et dont on ignorait jusqu'alors l'existence. 

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lundi 29 avril 2019

Encore un livre de “spiritualité” ?

GILLES FARCET, PAGE COMMUNAUTÉ·VENDREDI 15 MARS 2019
UNE BOUSSOLE DANS LE BROUILLARD, Un chemin spirituel, pourquoi, comment et dans quel but ? A paraître en avril aux Editions du Relié.
“Si vous aviez compris tout ce que vous avez lu dans votre vie, vous auriez déjà la connaissance de ce que vous cherchez maintenant. “G.I. Gurdjieff, parole rapportée par Ouspensky dans Fragments d’un enseignement inconnu
Pourquoi écrire et publier encore un livre à propos de « spiritualité » ?... Dans l’intention de diffuser un peu de clarté, de faire un point à vocation pédagogique sur plusieurs thèmes relatifs à ce que l’on désigne couramment par ce terme. L’« éveil », la relation au maître, son rôle, sa nécessité, les possibles écueils de cette relation, le but du chemin, la notion même de voie, la nature du travail sur cette voie, la relation entre thérapie et spiritualité, la communauté spirituelle (sangha) et autres grands sujets...
Si cela m’est apparu nécessaire, c’est que, dans ce domaine, nous baignons aujourd’hui dans le flou. Approximations, pseudo vérités érigées en dogmes qui ne disent pas leur nom, lieux communs travestis en intuitions fulgurantes, platitudes maquillées en révélations, postures et parfois, disons-le, impostures. Tout cela entretient beaucoup de confusion, laquelle ne peut qu’aboutir à des égarements, des déceptions, des impasses... En fin de compte, et c’est à mes yeux le plus important, des souffrances.
Dans ma jeunesse, la lecture des premiers livres de celui qui allait devenir mon père spirituel, Arnaud Desjardins (1925- 2011) m’a dans une grande mesure, sinon sauvé, du moins épargné pas mal d’écueils. Dans ces livres, la série À la Recherche du Soi, puis Un grain de sagesse et beaucoup d’autres ensuite, Arnaud énonce certes les fondements d’un enseignement, d’une pratique, mais il dissipe aussi quantité de malentendus, rectifie des préjugés et confusions à propos de la voie. De plus, il le fait de manière très claire et pédagogique. Cette approche m’a été si bénéfique – et elle l’a été pour tant d’autres – que, à ma mesure et à ma place, j’ai senti le moment venu pour tenter, dans le même esprit, d’apporter une contribution contemporaine. Pas, je le précise, sur le plan de l’enseignement en lui-même, mais dans un souci de mise en perspective, de clarification du sens donné à certains mots, de précision quant à l’utilisation de certaines notions.
UNE CONTRIBUTION CONTEMPORAINE
Contribution contemporaine parce que le contexte, en 2018, à l’heure où j’écris ces lignes, n’est pas du tout le même qu’en 1977, année de parution du premier livre d’Arnaud que j’aie lu, À la recherche du Soi. Quant à la fin des années soixante et le début des années soixante-dix, celles où paraissaient les trois tomes des Chemins de la Sagesse, autant dire qu’elles appartiennent à une autre ère ! À l’époque, l’Occident découvrait les spiritualités et traditions hindoues, bouddhistes, soufies, entre autres, et dans le monde francophone cette décou- verte se faisait notamment à travers les films et ouvrages du même Arnaud Desjardins. Les librairies ne regorgeaient pas de livres sur ces questions. Le « développement personnel » n’existait pas, on ne parlait pas encore de Nouvel Age. On était bien loin de la « zen attitude » enseignée en entreprise et des concepts spirituels utilisés dans l’intention de rendre les managers et employés plus performants. Quant aux « éveillés » qui aujourd’hui pullulent sur le net, il n’en était pas question. On connaissait l’existence de quelques grands maîtres hindous, le bouddhisme tibétain pointait à peine son nez en Occident et le Dalaï-Lama n’y intéressait, outre de rares pratiquants, qu’une poignée d’orientalistes... En ces temps reculés, pas de séminaires et ateliers à qui mieux mieux.
SAVOIR OU CONNAITRE ?
Pour autant, en savait-on beaucoup moins ? Sans doute. Mais peut-être en connaissait-on davantage. Car nous sommes aujourd’hui dans une situation aussi intéressante que paradoxale. S’il le souhaite, tout un chacun a accès, sans effort ou presque – c’est devenu encore plus vrai avec le règne d’internet –, à une masse de savoirs et d’informations dans ce domaine, comme dans d’autres d’ailleurs. Un clic suffit, sans bouger de chez soi. C’est pratique, merveilleux d’un certain point de vue, mais aussi terrifiant... Car cette masse d’informations immédiatement accessible et disponible sans tri ni préparation n’est pas assimilable. La quantité et le mélange entretiennent souvent la confusion. Des mots perdent leur sens originel, des notions se brouillent, des concepts se vident de leur signification, des valeurs s’inversent, parfois. La thérapie est souvent assimilée à la spiritualité, la spiritualité à de la thérapie... En réaction à cela apparaissent des enseignements simplistes se voulant « radicaux ». La préoccupation du bien- être et de la santé envahit tout, des enseignements autrefois ésotériques (pas au sens poussiéreux désignant des théories et systèmes fumeux, mais au sens de cachés, réservés à un petit nombre d’élèves investis) sont sur la place publique sans pouvoir pour autant être compris, leurs versions édulcorées passant pour la version originale. Le moins qu’on puisse dire est qu’on n’y voit pas très clair ! D’où mon souhait d’apporter autant que possible un éclairage, de proposer une approche pédagogique remettant certaines choses en ordre.
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dimanche 28 avril 2019

Rencontre entre Yvan amar et Douglas Harding


Voici une conférence audio donnée par Douglas Harding et présentée par Yvan Amar. L'atelier a eu lieu à Gordes chez Yvan Amar en octobre 1993. Yvan et Douglas s'aimaient beaucoup, et dans la présentation que fait Yvan on sent toute l'admiration qu'il a pour l'enseignement de Douglas Harding. La traduction est assurée par Catherine Harding...

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(source : blog de José Le Roy)

samedi 27 avril 2019

jeudi 25 avril 2019

Un lieu spirituel... avec Bernard Pivot

Que représente pour vous Notre-Dame de Paris ?
Quand j’étais étudiant et que ma famille et mes proches venaient me voir à Paris, je me transformais en guide de Notre-Dame. Il n’était pas envisageable de ne pas y aller. Notre-Dame est beaucoup plus que du patrimoine : on devrait l’appeler « matrimoine » ! Ce trésor inestimable est une œuvre essentielle de notre histoire et de la foi. On ne peut comparer Notre-Dame à rien d’autre ! Cette cathédrale ne relève pas seulement du patrimoine architectural et matrimoine religieux, elle est un lieu de culture contenant des chefs d’œuvre et réunissant tous les arts : la musique, la peinture, la sculpture… Elle est aussi le lieu où de grands hommes se sont convertis, comme Paul Claudel, lors des vêpres de Noël en 1886, à côté de la statue de la Vierge du Pilier. J’ajouterai également que j’ai toujours été amusé par le fait que toutes les distances des routes partant de Paris sont calculées en fonction de Notre-Dame : si vous êtes à Fontainebleau et que vous voyez sur un panneau indiquant Paris à 70 km, cela veut dire que vous êtes à 70 km du parvis ! La Vierge Marie est donc la borne finale ; la cathédrale, le centre spirituel et culturel, mais aussi géographique. C’est d’ailleurs assez curieux pour un pays laïque : on aurait pu désigner le Panthéon ou la Tour Eiffel comme repères kilométriques, mais non, c’est Notre-Dame qui est la référence...
 Source : la vie

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mercredi 24 avril 2019

Tout au long de notre vie, nous évoluons...


Pas besoin d’être fan d’existentialisme pour le reconnaître : quel que soit notre héritage (certains diraient notre karma), nous naissons en partie comme une page blanche, sur laquelle une infinité d’histoires peuvent s’écrire. Certes, la vie se charge vite de refermer le champ des possibles. Mais rien n’est jamais acquis pour toujours. Une part de nous demeure jusqu’à la fin comme un manuscrit en écriture. Et comme nous appartenons au cercle des vivants, cette écriture obéit à la loi de toute évolution, que l’on pourrait ramener à une suite de trois verbes : récapituler, mémoriser, innover. Contrairement à ce que s’imaginent les esprits juvéniles, on ne fait jamais « du passé table rase ».

Qui que vous soyez, vous venez forcément de quelque-part, et quel que soit votre regard sur vos ancêtres et votre culture, que vous les aimiez ou pas, c’est de là que vous venez et votre destin se greffe forcément dessus. Mais à partir de là, que d’inventions possibles ! Il en va ainsi de tout ce qui vit. Les reptiles sont nés des poissons, on pourrait dire qu’ils ont en quelque sorte mémorisé et récapitulé l’« état poisson », avant de se lancer dans l’immense innovation qu’a constitué l’avènement des premiers animaux à poumons.
Cette loi de l’évolution vaut pour les humains, pour les groupes comme pour les individus. Tout au long de notre vie, nous évoluons. Notre corps « récapitule et mémorise » tout ce que nous avons vécu et c’est à partir de là que nous pouvons éventuellement nous lancer dans l’innovation, le changement, la création.  


Certes, il arrive aussi que le passé nous paralyse, que la mémoire soit celle du traumatisme et que la récapitulation fonctionne comme un disque rayé, ce qui, pour le coup, interdit toute innovation, et même, comme l’explique le grand psychiatre Bessel van der Kolk, toute présence. Heureusement, il existe des méthodes – corporelles et psychiques à la fois –, pour permettre de dissoudre les « nœuds » du passé non digéré, rendant possible l’accomplissement du destin de la personne. L’accomplissement abouti se déploie jusqu’à la vieillesse, où il peut se fondre dans la joie de la tâche accomplie et dans ce que l’on pourrait appeler la reconnaissance transpersonnelle, où tout humain se voit en quelque sorte dans l’autre. Ayant dépassé les soixante ans (mais pas encore malade), l’écrivaine Christiane Singer nous disait ainsi : « Il y a désormais des pays dont j’ai rêvé et où je sais que je n’irai jamais, mais cela me fait incroyablement plaisir que d’autres y aillent. Et quand je vois de jeunes amoureux s’embrasser, je ne les envie pas, je suis envahie de joie. »  

source : Nouvelles Clés

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mardi 23 avril 2019

Puzzle unificateur...


Retrouvons l'enfant éparpillé en nous. Prendre soin de chaque morceaux. Pour devenir l'adulte au cœur d'enfant...


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lundi 22 avril 2019

Quelle personne unique êtes-vous ?


Quelquefois, les anciens sages, accoudés au balcon d’allez savoir quel paradis, doivent éclater de rire quand ils nous regardent, nous autres, modernes ou post-modernes férus de sciences et de technologies. « Bon sang, doivent-ils se dire, qu’il leur a fallu un chemin long et sophistiqué pour découvrir des évidences que leurs ancêtres connaissaient depuis longtemps ! » Ainsi par exemple, l’une des approches pluridisciplinaires les plus avant-gardistes et les plus prometteuses en matière de santé – que les Américains appellent psycho-neuro-immunologie et les Français neuro-immuno-endocrinologie –, a fini par aboutir (à force de recherches jusqu’au niveau moléculaire) à cette découverte fantastique : chacun de nous est absolument unique et, pour être bien traité, doit être considéré comme une entité non superposable à une autre. Une entité dont la santé, physique, émotionnelle, relationnelle, mentale, spirituelle dépend d’un alignement spécifique. Pourquoi les anciens riraient-ils ?

Parce que cette entité s’appelle tout simplement une personne, ce que toutes les plus grandes traditions spirituelles ont toujours dit. Quelle personne unique êtes-vous ? Beaucoup d'embuches entravent notre réponse. Nous ne sommes pas des objets… mais nous sommes assoiffés d’objectivité ; nous sommes des sujets… mais nos sciences se méfient de toute subjectivité.
Quand on aborde la question féminine, le hiatus est encore plus compliqué. Car l’individu de sexe féminin a longtemps été non seulement nié en tant que personne unique, mais toujours rapporté et comparé à celui de sexe masculin – que ce soit pour le juger inférieur (comme hélas encore dans beaucoup de régions obscurantistes), ou pour le considérer comme équivalent, dans un effort certes louable de parité, mais que les dernières découvertes rejettent, en médecine de pointe notamment, comme le montre la biologiste Claudine Junien : « Le corps d’une femme ne se soigne pas exactement comme celui d’un homme, ne pas le reconnaître, c’est maltraiter toutes les femmes. »

Quand on en vient au cœur même de la personne, c’est à dire à sa sexualité, au sens large – là où palpite son désir, sa vitalité, sa joie d’exister, sa créativité –, la question devient immense. Et là, peut-être les sages du paradis ne rient-ils plus autant : qu’en disaient-ils eux-mêmes lorsqu’ils vivaient sur terre ? Lesquels surent mettre la féminité en valeur ? Ne les mettons pas tous dans le même sac. Ainsi, toute la leçon de Maeva Poornima, pour « dévoiler les trésors de la sexualité » des femmes, s’inspire-t-elle de l’ancienne civilisation indienne, infiniment plus « féministe », au moins en théorie, que les cultures nées autour du bassin méditerranéen. Une chose est sûre : sur ce plan-là, qui est juste essentiel, l’avenir nous ouvre des perspectives immenses. 

source : nouvelles clés

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dimanche 21 avril 2019

La Vie nue !


La vie a paru - et la vie ne l'a pas connue. La vie marchait avec la vie. Et la vie ne le savait pas. La vie vivait sa vie, loin au fond dépeuplé de la vie. Et la vie l'a laissée mourir de froid.
   Un instant s'est déchiré l'épais brouillard de la confusion et je crois avoir vu son visage, son sourire long comme un banc de reflets, qui ne demandait que de vivre un peu, là-bas vivre d'un instant pour que vive la vie.
   Et quand la déchirure doucement s'est refermée - la vie a oublié la vie. Je guette aujourd'hui la blessure qui rouvrira la chair - pour entendre un cœur battre, partir, laissant tout, même les images, loin, avec la vie qui sait marcher sur les eaux.
   Et la vie toujours me déchire qui nous fuit et nous approche en s'éloignant, puisque chaque jour il faut que nous nous trompions éteignant ses grands ciels dans les mares de nos jeux sans joie.
   La vie me dédaigne, de confondre encore la morsure dans le fruit avec le parfum de la connaissance, la tendresse des feuilles, le souffle secret dans les jardins de la rencontre.
   Arbres solitaires - allées muettes - clartés offertes de tant de visages disparus - toujours appelle la voix du plus grand amour, qui ne se donne qu'aux libres murmures de la lumière, au babil sans fil ni raison des fleurs écloses.
   On ne sauve rien des apparences
   la peau s'entoure, le corps s'enveloppe
   et de quelle épaisseur de meuvent-elles
   la face brille et c'est la nuit à l'intérieur de la lumière
   on n'a jamais vraiment voulu voir
   ou on a toujours eu peur
   peur d'aller pieds nus avec la vie nue
   pieds nus sur la rive nue
   et maigre comme l'éclat au ras des sables, les vents à tout va
   l'ivresse qui d'un coup nous dépouille.
in "Supplique du vivant"
Ad Solem / Poésie / décembre 2018

samedi 20 avril 2019

Ce que nos âmes sont...




L’éveil à sa nature originelle
peut faire passer
dans un espace de conscience
en lequel je perçois seulement
le moi personnel,
qui se percevait comme séparé du tout,
et le Soi impersonnel,
se percevant comme Tout ce qui est est.
En cette communion,
les plans intermédiaires de la création
peuvent ne plus être perçus
et le goût unique de notre être manifesté
ne pas être pleinement reconnu et vécu.
Je remercie mon amie Claudette Vidal
d’avoir attiré avec tendresse mon attention
sur le plan de mon Âme,
(manifestation particulière de la Source)
et permis ainsi de renouer le contact
avec cette précieuse manifestation de l’Un,
se colorant d’une couleur unique
que je suis appelé à incarner.
J’ai beaucoup de gratitude pour Zazie qui,
par cette chanson et le magnifique clip
qui l’illustre, a su avec délicatesse et poésie,
attirer à sa manière notre attention
vers ce plan unique de notre Être.
Alors en ce jour,
je nous invite à nous mettre à l’écoute
de la douce voix de notre âme
et à lui demander :
« Quel est ton élan pour moi aujourd’hui ? »
Belle journée à vous les âm-i-e-s ! ☀️

 
Isabelle Padovani 


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vendredi 19 avril 2019

Quand le silence des mots réveille la violence des maux (3)

La cause d’une maladie n’est pas son sens

Dans trop de démarches de compréhension et de « soins » il y a confusion entre la recherche de la cause (pour expliquer, justifier la maladie) et la tentative d’en comprendre le sens.
Trop souvent, en effet, nous donnons une explication à la maladie, c’est-à-dire que nous trouvons une cause matérielle ou physiologique ou une cause psychologique. « Depuis que mon mari m’a quittée, j’ai des insomnies ».
Cette tentative d’explication d’une somatisation, d’un dérangement, d’un dysfonctionnement constitue pour moi un leurre. Il ne s’agit pas de rechercher la cause, l’explication de la maladie, du traumatisme mais bien sa signification, c’est-à-dire concevoir la maladie comme un langage dans une chaîne de signifiants qui nous échappe. Ainsi les insomnies de cette femme peuvent avoir comme sens une auto-privation, une punition qu’elle s’inflige pour avoir désobéi à son père qui lui avait dit: « tu ne dois pas te marier avec un type comme ça, tu me déçois beaucoup ». Cherche-t-elle ainsi à renouer avec son père, à lui marquer son allégeance: « tu avais raison papa, regarde comme je suis punie ». Nous n’en savons rien, mais en « travaillant » sur la recherche du sens, plus que de la cause, nous obtenons souvent un changement, un abandon du symptôme, une restructuration d’une relation essentielle.
Quelle signification prennent ces otites chez ce bébé? « Maman, tu ne m’entends pas, tu n’entends rien ». C’est bien d’oreilles à déboucher qu’il s’agit, mais pas de celles que l’on croit.
Combien de psoriasis invincibles, traités, soignés depuis plusieurs années par des dermatologues compétents… mais parfois sourds, vont « éclater », se dissoudre littéralement quand la violence qui les contient pourra se dire.
La colère terrible de cette femme de trente-deux ans contre sa sœur qui lui avait volé le prénom de sa poupée… à cinq ans, lui permettra de « lâcher » un psoriasis tenace… qui ne demandait qu’à être entendu !
C’est le retour du refoulé qui va libérer ces points de fixation, d’ancrage et permettre de lâcher prise sur une « inscription, un germe de conflit, un point de tension ».
Bien sûr, la mère de cette jeune adolescente de treize ans ne sait pas qu’elle inscrit dans le corps de sa fille un « jugement sans appel » contre ces gens qui ne savent pas aimer une seule personne à la fois » (elle parlait peut-être de son ami qui a plusieurs relations). Et quand cette jeune fille de quinze ans va se sentir attirée par deux garçons à la fois… elle sera prise de violentes crises (diagnostiquées comme crises d’appendicite) – c’est son conflit qu’elle dira (je tiens à eux, à tous les deux) ou son attachement à sa mère (je ne veux pas la décevoir) et à l’image qu’elle a intériorisée (je ne veux pas être vue comme une fille facile ou une putain..). A la troisième crise (quelques minutes avant de partir à l’hôpital pour l’opération de l’appendice), un échange avec un ami de passage « ouvrira » le conflit, fera éclater « l’abcès » de ses contradictions et lui permettra de s’accepter mieux dans ses attirances multiples.
Stéphane a huit ans, c’est le soir de son anniversaire. Sa mère, célibataire, a réuni autour de lui ses grands-parents et une tante. Tout s’annonce bien, il est joyeux, détendu. Et puis le téléphone sonne, c’est l’ami de sa mère qui souhaiterait passer quelques jours avec elle. Elle l’invite, donc. Très peu de temps après l’arrivée de l’ami, Stéphane commence une poussée fébrile, il sera ausculté, palpé avec prise de température, il a 40°8. Il s’alitera. Le repas d’anniversaire se passera sans lui… autour de l’ami de maman.
Cette petite fille de dix ans et demi rentrant de camp de ski fut prise de maux de ventre violents, de vomissements, de malaises. Cela dura plus de deux mois jusqu’au moment où elle put dire à sa grand-mère qu’elle avait embrassé un garçon sur la bouche et qu’elle avait entendu à la radio que le sida pouvait s’attraper par le baiser.
Paule, mariée depuis douze ans, deux enfants, est enceinte pour la troisième fois. Son mari n’accepte pas sa grossesse et lui dit: « si tu gardes ce troisième enfant… je divorce. » Paule fera une IVG et depuis, elle a des hémorragies importantes, brutales, irrégulières. Sur le plan physique « tout est en règle ». Qui lui permettra « d’entendre » où se trouve sa blessure? Qu’est-ce qui saigne en elle? Qui l’écoutera pour qu’elle entende, elle, cette partie blessée qui s’est révélée avec l’interruption de grossesse? Paule mettra ainsi six ans (avec l’aide d’un tout petit évènement) pour découvrir et reconnaître que ce qui était blessé, « fissuré » en elle, c’est la relation avec son mari. L’enjeu qu’il avait posé, « c’est moi ou l’enfant », avait cassé quelque chose dans leur relation… et le sang des hémorragies disait cette béance entre eux.
Il s’appelle Jean et c’est le prénom du frère de la mère, mort très jeune. Il porte ce nom comme une trace, celle de la blessure vécue par sa mère, petite fille, qui adorait ce grand frère. Comment peut-il avoir du plaisir et se présenter comme un être de sensualité? Sa fidélité… lui dictera de s’autopunir, de s’anesthésier au niveau des sens et du plaisir et de ne pas entretenir trop vivante la vie qu’il porte. Jean a une relation suivie avec une jeune femme depuis six ans, mais il n’éprouve « aucun plaisir avec elle ». Ses érections ne le conduisent qu’à s’introduire puis à attendre… et il ne se passe rien. Son « impuissance » à entrer dans le plaisir le conduit à consulter un sexologue.
Pierre est un Israélien qui fait ses études en France. Il fréquente une jeune fille avec laquelle il vit et dans quelques mois, il aura son diplôme d’ingénieur. Ses parents décident de venir le voir, avec l’intention de lui rappeler ses engagements à l’égard de son pays, c’est-à-dire qu’il devra rentrer après son diplôme. Pierre est partagé, il aime son amie, il s’est attaché à la France et n’envisage pas de rentrer « tout de suite » dans son pays. Quand ses parents décident d’abréger leur séjour et de repartir, Pierre propose de les accompagner en voiture à l’aéroport. Sur l’autoroute, juste à quelques kilomètres de l’aéroport, il s’arrête dans un parking pour satisfaire un besoin élémentaire et… en descendant simplement de sa voiture… il se casse une jambe (double fracture, hospitalisation, plaques de fixation…). Pierre, lui, ne croit pas du tout que cet « accident » a un quelconque rapport avec son conflit et sa relation à ses parents… ou à son amie. Si nous ajoutons que la première épreuve de son examen devait avoir lieu la semaine suivante… qui faudra-t-il convaincre ?
Jeanne a décidé de se marier quoi qu’il arrive avant la fin de l’année. Le jour du réveillon du nouvel an, au cours du repas, elle s’engage à l’égard d’un ami, de façon impromptue mais formelle… Toute sa famille est présente. Et le lendemain matin elle se réveille « malade comme une bête ». Pendant trois mois, elle sera malade tous les jours avec les mêmes symptômes (maux d’estomac, brûlures, maux de tête…). Au bout de trois mois elle part au Maroc avec son ami et décide de prendre la pilule. Au retour, les symptômes s’amplifient et se polarisent sur les huit jours précédant les règles. « Chaque mois pendant toute une semaine j’étais malade à en crever ». Elle se marie à l’automne et pendant seize ans elle sera ainsi chroniquement malade, dérangée, en souffrance plusieurs jours par mois… sauf dans les deux périodes de sa grossesse. « Les nausées de la grossesse, connais pas… ». Dans son couple, pendant toutes ces années, pas de disputes, pas de reproches, pas de revendications. « Jamais un mot plus haut qu’un autre, mais jamais plus bas non plus… ». « Nous étions vus comme le couple idéal ». Un jour un conflit éclata entre son mari et elle. « Une sorte de révolte m’a prise. J’ai hurlé, je suis malade depuis que je te connais, je n’avais rien eu avant… Tu te présentes comme une victime mais c’est moi qui suis coincée dans notre relation ». Après cette « sortie » sauvage, véhémente, mes maux disparurent et je retrouvai ma santé de jeune fille… mais la relation avec mon mari, elle, devint difficile, c’est-à-dire réelle. J’avais commencé à changer et surtout à reconnaître combien mon engagement du réveillon de fin d’année était un passage à l’acte et non un véritable désir… que j’avais payé pendant tant d’années avec mes somatisations. J’ai pu dire plus tard à mon mari que la colère que j’exprimais envers lui, c’était contre moi que je l’avais de m’être dupée moi-même. »
Marie, mère de trois enfants, a perdu à neuf ans son père qui en avait trente-neuf. Elle se souvient bien de l’évènement. Elle faisant ses devoirs à la fin de l’après-midi, à la « tombée de la nuit », quand son père s’est levé, a fait quelques pas puis est tombé comme une masse près de la cheminée. Pendant des années elle a vécu ce moment précis, la « tombée de la nuit », avec agitation, irritation, « une sorte de malaise ». Elle reliera son comportement au souvenir de la mort du père le jour même de son anniversaire… à trente-neuf ans.
Les associations de dates sont inscrites en nous et se réactivent à des moments-clés pour dévoiler une situation difficile ou inachevée.
« Chaque fois que je me mets en situation conflictuelle sans pouvoir exprimer ma position, sans pouvoir être entendu, j’ai un incident, un accident de voiture, jamais grave mais… coûteux (tôles froissées, phares, portières, roues…). Aussi j’ai pris l’habitude, après un conflit non ouvert, de prendre un taxi… »

Esquisses thérapeutiques

Si nous acceptons que les « maux » produits par le corps (et qui deviennent parfois des maladies et des somatisations fonctionnelles) sont des langages symboliques, cela veut dire qu’il sera possible de les soigner non à partir de leur symptôme mais à partir du sens, du discours caché dans lesquels ils s’inscrivent, et de les traiter par des réponses symboliques. Ainsi nous proposons parfois des « réponses symboliques » qui vont être entendues et devenir des éléments actifs dans la guérison ou provoquer la disparition des symptômes.
Le petit Thomas, six ans, a depuis deux ans et demi de l’asthme. Son père a quitté la mère quand il avait trois ans et demi (c’est l’élément déclencheur). Il joue seul, refuse d’intégrer frère ou sœur dans ses jeux, refuse la vie sociale proposée par la mère, se coupe de tout. Il dit souvent: « j’aime pas l’air de cette maison, je préfère l’air de papa ». Nous proposons à la mère d’utiliser une grande bouteille (appelée Dame-Jeanne) sur laquelle elle collera une étiquette: « Bonbonne d’air de papa », avec un petit tuyau pour aspirer. Et ce jour-là, Thomas joue dans sa baignoire, appelle sa mère et lui dit: « regarde, je fais le poisson, je respire sous l’eau ». Elle nous dira: « il n’a plus fait de crise d’asthme de ce jour. »
Nous proposons aussi ce que nous appelons des jeux, des prescriptions symboliques portant sur un aspect du discours ou du symptôme entendu comme ayant une forte charge symbolique. Il nous est arrivé de prescrire à une personne de faire écouter du Mozart à ses reins ou à son foie. De faire visualiser sa nuque comme une éponge desséchée qui se gonfle lentement, lentement d’eau en descendant dans la mer…
Le petit René, quatre ans et demi, va à l’école maternelle pour la première fois et dès le troisième jour se met à faire caca dans sa culotte. Son père se fâche, le menace et lui promet une raclée s’il continue « car tu es grand maintenant ». René dira à sa mère: « je ne peux pas me retenir, ça sort tout seul, ça pousse et ça sort ». Nous proposons à sa mère de lui raconter sa naissance. Elle éclate en sanglots: « je ne lui ai jamais parlé de ça pour ne pas le traumatiser, il est né par césarienne ». Elle accepte cependant de lui dire son vécu à elle, la décision prise par l’obstétricien… Elle nous dit que les difficultés anales de René ont disparu dès le lendemain de ce récit.
Cet enfant avait douze ans lorsque son père s’est suicidé par pendaison. Le silence autour de cet évènement tant du sa famille que dans sa vie fait que souvent il a mal au larynx (étouffements, étranglements). Pendant trente ans de sa vie, il subira de multiples opérations: amygdales, kyste, ganglions autour de la gorge, du cou, de la nuque. Dans un jeu symbolique il parlera à son père et lui dira sa colère… et son amour, sa fidélité aussi à travers toutes ses cicatrices. Autant de preuves de l’existence de ce père qui s’est dérobé trop tôt… et à qui il a été impossible de dire « je t’aime et je t’en veux ».
En conclusion provisoire…
Dans cette démarche qui consiste à écouter les maux du corps pour mieux l’entendre se dire, l’écueil à éviter sera la confusion entre la cause et le sens. Nous avons trop tendance à rechercher la cause, c’est-à-dire l’explication d’une chose. Nous remplaçons trop facilement la compréhension qui est une recherche du signifié par l’explication qui est une recherche de savoir, de contrôle et de maîtrise.
Trop souvent nous parlons de notre corps… nous parlons sur lui au lieu de lui laisser la parole. Nous pouvons aussi « parler » à notre corps avec des langages symboliques.
Nous avons surtout le besoin d’être entendus, d’être écoutés plus que d’être contrôlés. La qualité de la relation avec autrui passera par notre capacité à être un meilleur compagnon pour soi-même mais ceci est déjà une autre histoire.
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BIBLIOGRAPHIE
PARLE-MOI, J’AI DES CHOSES À TE DIRE, par Jacques SALOMÉ, Ed. de l’Homme
RELATION D’AIDE ET FORMATION À L’ENTRETIEN, par Jacques SALOMÉ, P.U.L. Lille
LES MÉMOIRES DE L’OUBLI, par Sylvie GALLAND et Jacques SALOMÉ, Ed. Le Regard Fertile
1 La pire des solitudes, ce n’est pas d’être seul, c’est d’être un mauvais compagnon pour soi-même.
2 Nous savons tous le nombre d’infections vaginales, tenaces, douloureuses, qui s’installent sans « causes » évidentes, avec des analyses négatives. Elles disent souvent les malentendus, les refus non exprimés, les « violences » relationnelles

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jeudi 18 avril 2019

Quand le silence des mots réveille la violence des maux (2)

Les séparations, les pertes

Elles sont vécues à des degrés divers, suivant l’âge et la phase de développement. Souvent l’émotion, les sentiments réels qui s’y rattachent ne sont pas directement exprimés, ne peuvent être dits, le travail de deuil ne peut se faire… et cela va s’inscrire dans le corps, dans un signe, une trace qui se révèlera plus tard à partir d’un petit évènement déclenchant.
Cet homme de cinquante ans raconte avec une émotion intense faite de désespoir et de colère mêlés cet épisode de ses sept ans où au retour de l’école il découvre « Boum Boum » son ami le cochon, éventré contre le mur de sa ferme. Son père avait tué son meilleur ami, son confident. Il se cacha toute la nuit avec un sentiment immense de culpabilité. « Il n’avait pas su protéger son ami ». Et pendant de longues années, aux temps de Noël, il trouvera toujours moyen de se blesser, de se tailler, de se couper, de se mutiler. Son corps porte la trace de nombreuses cicatrices… qui témoignent de son impuissance à sauver son animal préféré, « l’être le plus cher au monde » dans cette période de sa vie.
Cette femme, mère de quatre filles, est allergique « depuis toujours » dit-elle (il faut toujours se demander quand commence le « toujours » dans une vie). Allergie à certaines odeurs et pollen, liée à la perte d’une poupée jetée à la décharge parce que « trop vieille, trop sale ». « Tu ne vas pas garder cette cochonnerie dans ton lit » avait décrété la mère. Et chaque année au mois d’octobre (mois où la poupée avait été jetée), elle produit une sinusite infectieuse, tenace, agressive. Ces traces en elle furent retrouvées, le jour où en rangeant le grenier elle découvrit la première poupée de sa fille et éclata en sanglots, sans comprendre nous dit-elle.
La petite Louise avait neuf ans quand elle perdit sa mère nourricière, la seule mère qu’elle ait connue. Celle-ci avait soixante ans au moment de sa mort et cinquante et un ans plus tard Louise, devenue grand-mère, fit une dépression nerveuse. Elle dira bien longtemps après à son fils: « Tu sais, moi aussi j’avais pensé mourir à soixante ans comme ma mère ».

Les messages anciens de fidélité ou de réparation

Ils se jouent souvent sur le mode de la soumission, de l’identification ou de la dette.
Jean, trente-sept ans, produit plusieurs fois par an des sinusites, des rhumes mauvais qui se prolongent longtemps. Jusqu’à ce qu’il puisse dire à sa mère avec quelques trente ans de retard « la vérité » sur un évènement de son enfance. A sept ans il avait failli se noyer et avait caché cela à ses parents. Ce jour-là, oui, en l’écoutant enfin, sa mère ouvrit ses bras et lui dit: « mon pauvre petit ». Il put pleurer longuement et « lâcher » à ce moment- là toute l’eau angoissante qu’il avait gardée pendant tant d’années… et « lâcher » ainsi ses sinusites chroniques.

Fidélité à des messages anciens, à des engagements à tenir, à des réparations à faire.

Cette ex-petite fille a voulu « redonner » et « offrir » ainsi à sa mère le petit bébé que celle-ci avait péri lors d’une fausse couche, un petit garçon, par exemple, qui aurait comblé de joie la grand-mère; mais dans l’histoire conjugale de ce couple, il n’y avait pas de garçon, « seulement » trois filles… et quelques années plus tard cette femme (l’ex-petite fille) produira un kyste sur l’ovaire gauche (à la table familiale la mère était toujours à sa gauche).
Oui, quand nous écoutons, quand nous acceptons de laisser s’associer tant de signes produits par le corps, nous commençons à entendre des histoires fabuleuses… et pas nécessairement dramatiques.
La mémoire du corps est incroyablement riche et il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle se dise. Il arrive ainsi au corps de hurler dans le silence des mots. Ne dit-on pas « à corps et à cris ». Il va tenter de parler, de lâcher les conflits, de déposer des sentiments trop lourds, des demandes refoulées, des sentiments de dette ou de réparation. Ainsi le corps peut devenir un champ de bataille, extraordinairement fécond par les « discours » contradictoires qui s’y affrontent.
Le dilemme des écoutants et des soignants est le suivant: « Si je soigne, je détruis le symptôme, je bâillonne donc ce qui tente de se dire par cette médiation ». C’est pour cela que la médecine classique qui vise à rétablir le fonctionnement, à supprimer les conséquences d’une infection risque de passer à côté de l’essentiel: entendre ce qui se dit, ce qui se crie, ce qui se débat dans l’expression d’une somatisation.
Très souvent, sans que cela soit nécessairement conscient, il y a quand même réparation symbolique dans la relation avec le soignant. Ce sera à l’occasion d’un geste, d’une parole, d’une association que se rétablira le lien dans une chaîne de signifiants qui échappent à la fois au soignant et au soigné. C’est la qualité de certains thérapeutes d’introduire ainsi dans leur relation des équivalents symboliques qui restaurent cette dimension chez l’autre.

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mercredi 17 avril 2019

Quand le silence des mots réveille la violence des maux (1)

Revue Le chant de la licorne. No 26. 1989
Les maladies sont des langages symboliques avec lesquels nous allons tenter d’exprimer, parfois avec acharnement, avec désespoir… ou parfois avec plaisir ce que nous ne pouvons pas dire avec des mots, avec nos langages habituels, ce aussi à quoi nous n’avons pas directement accès et qui pourtant se crie en nous.
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Si la communication avec autrui (le fait de mettre en commun) est vitale pour chacun, la communication avec nous-mêmes reste essentielle. Il s’agira d’écouter les impacts, sur notre corps et sur notre imaginaire, de notre histoire récente ou passée. Les mots du silence sont aussi violents à l’égard de nous-mêmes qu’à l’égard d’autrui.
Quand on ne peut le dire avez des mots, on va le crier avec des maux
Cette affirmation préliminaire peut sembler un paradoxe et risque de blesser, de heurter et de m’aliéner à tout jamais le lecteur de cet article. Car celui qui est en souffrance pense surtout à se débarrasser de son mal, ce qui équivaut à le bâillonner, donc à ne pas l’entendre.
Nous allons tenter d’en dire plus et de témoigner de notre approche pour une meilleure communication, c’est-à-dire une communication vivante pour des relations en santé. Sur le plan des relations humaines, nous voyons aujourd’hui deux phénomènes apparemment opposés et certainement complémentaires.
– D’un côté une incommunicabilité de plus en plus grande entre les individus (je parle ici de la communication proche, intime, de la communication vitale et non de la communication de masse confondue avec une sur-information, avec une consommation de mots et d’images qui ne nous nourrit pas pour autant). Autour de cette incommunicabilité, de cette difficulté à se dire, à être entendu, à recevoir, il y a une immense souffrance, une infinie détresse assimilée à la négation ou à la dévalorisation de soi (ou de l’autre vécu comme mauvais, inaccessible ou barré) qui conduit à la solitude [1].
– De l’autre côté un intérêt, une recherche de plus en plus exigeante, individuelle, personnelle pour tenter de mieux se connaître, de mieux vivre, d’être un meilleur compagnon pour soi-même et par là même pour autrui. Et cette recherche me semble elle aussi essentielle et vitale car il y va de notre survie. En effet, nous avons peu de prise sur les phénomènes sociaux qui nous environnent (et nous conditionnent). Ce sont les multinationales qui prévoient (sans nous) notre alimentation de demain, nos modes de loisirs, nos habitats et nos éléments de vie. Notre pouvoir réel et personnel sur les options sociales est quasi nul, nous avons peu de maîtrise sur tous ces phénomènes qui nous échappent. Il nous reste un pouvoir potentiel possible, c’est sur nous-mêmes, sur la conduite de notre vie quotidienne et surtout sur ce qui en fait l’intérêt – nos relations proches.
La seule aventure humaine qui nous reste est celle des relations humaines, la découverte de nos possibles et de nos impossibles
C’est sur ce courant que nous souhaitons nous appuyer car notre santé physique s’y trouve liée. En effet, malgré les progrès étonnants, fabuleux de la médecine et de la chirurgie, nous constatons qu’il y a de plus en plus de gens, non pas malades, mais en difficulté, en souffrance physique et psychique (la surconsommation de médicaments est liée à la non-convivialité avec autrui et avec soi-même). La maladie ou la santé ne nous tombent pas dessus comme ça, au hasard.
Les bactéries, les bacilles, les virus ou les accidents, nous les recevons, nous les accueillons et très souvent nous les gardons en les entretenant avec beaucoup de soins! C’est bien notre corps, notre organisme qui les accueille, les entretient ou les rejette. Il serait même possible de dire que nous fabriquons nos affections (ah que ce mot est ambigu).
Nous allons tenter d’illustrer nos réflexions par quelques exemples vécus, recueillis et explorés dans les sessions de formation portant sur le développement et le changement personnel.
Il ne s’agit pas ici de faire ni de la provocation ni de tomber dans des généralisations abusives et donc aveugles mais bien de tenter de comprendre un ensemble de phénomènes dans lesquels nous sommes parties prenantes, non pas sur un mode volontaire mais plus sur un mode interactionnel.
Chacun d’entre nous peut avoir observé, repéré, écouté quelques-uns des phénomènes psychiques, quelques-uns des vécus décrits plus loin et qui se sont inscrits comme des stress, comme des portes ouvertes, comme des appels au soma. Disons-le simplement: les maux (qui deviennent parfois des maladies) sont des langages symboliques avec lesquels nous allons tenter de dire:
* Les conflits intrapersonnels et interpersonnels.
* Les situations inachevées (et en particulier le ressentiment lié à ces situations).
* Les séparations, pertes.
* Les messages anciens de fidélité ou de réparation, de soumission ou de conformité.
Les conflits intrapersonnels et interpersonnels
« Le téléphone sonne et une amie m’apprend que je suis invité à une soirée, qu’elle a même pris un engagement pour moi. Sur le moment je ne dis rien, je réponds des banalités et je raccroche. Dans l’heure qui suit, j’ai des réactions fébriles, ma gorge me fait mal, j’ai tous les symptômes d’une angine… »
Combien d’angines, de grippes ne sont-elles que « l’expression » mise en acte d’un refus qui n’a pu se dire, d’une expression personnelle qui n’a pu trouver son passage pour se faire entendre.
Cette femme a épousé un alpiniste émérite, voire téméraire, qui l’entraîne chaque été sur les plus hauts sommets alpins. Elle suit son mari, mais a une peur terrible de certaines ascensions et surtout, surtout voudrait faire entendre sa demande qui serait de rester… au chalet à lire… à rêver pendant que lui ascensionne. Chaque été elle produit un herpès qui lui mange la moitié de la lèvre… elle « profite » de ce dérangement pour refuser les relations sexuelles [2]. Le jour où elle a pu entrer en conflit ouvert, c’est-à-dire confronter ses besoins réels avec ceux de son mari… et prendre la décision de les respecter, l’herpès disparut totalement.
Michèle, dix-huit ans, vit chez ses parents et sort avec un ami qui est devenu son amant. Elle doit rentrer à minuit moins dix. À chacune de ses sorties, durant le temps de la rencontre, elle se sent malade. « Une barre là, sur le front, des crispations à l’estomac, des crampes dans le bas-ventre. Toute la soirée j’étais mal foutue, vraiment patraque. C’était devenu un fait acquis. Cela s’arrêtait net quand vers onze heure trente je proposais qu’il me ramène. Les dix dernières minutes se passaient bien. On n’a jamais fait l’amour que dans sa voiture, juste avant le retour ».
--------------> à suivre...