jeudi 19 novembre 2020

On ne pratique pas zazen avec le mental !

 

 « On ne pratique pas zazen avec le mental ! »  (Hirano Katsufumi Roshi)

 


La lettre D’Instant en Instant est destinée aux personnes qui pratiquent l’exercice désigné par le kanji ZAZEN. D’années en années, il semble que de plus en plus de personnes qui pratiquent d’autres exercices (Yoga, Tai-Chi Chuan, Chi-Gong et des activités artistiques, artisanales ou martiales issues de la tradition japonaise) sont intéressées par ce qui n’est autre que la Voie tracée par K. Graf Dürckheim.

 

Une formule concise indique le à-quoi-bon de ces techniques si différentes les unes des autres : l’éveil de l’homme à sa vraie nature d’être humain. Autrement dit, passer de l’identification de "MOI je suis / Je suis MOI" à l’expérience que "JE SUIS".

MOI, pronom personnel tonique, est l’idée que je me fais de JE ; « Moi je crois, que je suis, ce que je pense que je suis ! ». 

Jusqu’au jour - et on l’observe aujourd’hui plus qu’en d’autres circonstances - où  manque un je-ne-sais-quoi qui pourrait donner sens à ma vie. Je rencontre des hommes, des femmes, qui additionnent les succès dans la société de consommation qu’est devenu le monde et qui, tout à coup, se disent « Bien ! Mais maintenant ? Quel est le sens de tout cela ? ». Il est vrai que MOI avoir plus … MOI savoir plus … MOI pouvoir plus … n’empêche pas cet activisme mental incessant qui est la cause de l’inquiétude latente, de la peur souterraine et de l’agitation intérieure ; ces symptômes qui conduisent à la consommation quotidienne — en France de plus de vingt-deux millions d’unités anxiolytiques, de somnifères, d’antidépresseurs.

 

Il serait donc bien de pratiquer zazen, le Yoga, le Kyudo afin de vaincre l’insomnie ?  NON ! Je pratique ces exercices afin de ne pas rester esclave de l’activité mentale qui est la cause de l’insomnie, du déséquilibre de ma vie intérieure. 

Plus d’un demi-siècle de pratique de zazen m’amène à voir (à ne pas confondre avec comprendre) que le MENTAL (mind) est le domaine de l’angoisse et des états qui l’accompagnent  et que le CORPS-VIVANT (Leib) est le domaine du calme, de la sérénité, de la paix intérieure. Et lorsqu’on trouve ou retrouve le calme intérieur, on dort bien.

 

La difficulté de l’homme occidental intéressé par les exercices orientaux est de les approcher en s’appuyant sur l’entendement, cette approche mentale (mind) du réel.

C’est l’approche mentale, intellectuelle, rationnelle du corps qui ouvre sur l’idée :J’ai un corps. 

L’approche du corps réalisée à travers un exercice, comme zazen, ouvre sur l’expérience : corps je suis. 

 

 


L’HOMME EST SON CORPS !

 

C’est fraichement diplômé Licencié en Kinésithérapie que je me suis installé en Forêt Noire (1969) pour suivre l’Enseignement de K. Graf Dürckheim. 

Je ne peux oublier ce qu’il m’a dit quelques semaines après mon arrivée:

 « Monsieur Castermane, il semble que vous disposez d’un large savoir objectif, rationnel, sur ce que j’appelle le corps que l’homme A (Körper) ; mais je dois vous dire que vous n’avez pas la moindre connaissance de ce que j’appelle le corps que l’homme EST (Leib). 

Aussi longtemps que vous pratiquerez zazen en vous appuyant sur le point de vue dualiste : Moi, numéro 1 et quelque chose, numéro 2, mon corps, vous ne pourrez pas dire que vous pratiquez zazen ! ».

Avec cet avertissement, commençait non seulement une autre approche du corps mais une autre approche de l’être humain et, ce faisant, une autre approche de ce qu’on appelle l’autre, le monde, la Vie.

Une approche qui nécessite, en premier, de s’apprendre soi-même.

 

S’APPRENDRE SOI-MÊME !

 

S’apprendre soi-même exclut l’usage de notre conscience ordinaire : la conscience DE ;  la conscience qui objective et oppose le sujet et l’objet.

S’impose l’usage de la conscience SANS de, la conscience sensorielle qui est dès l’origine de notre existence.  

Notre vraie nature est insaisissable par le processus mental qu’est la conscience objective.

 

 

Jacques Castermane

 

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