LES DOCUMENTS


Par Les Insoumis


Suite à la mise en ligne du documentaire Paroles d’Hommes, Arnaud Peuch, le réalisateur, répond à nos questions, transmises par mail et rédigées avec la contribution de quelques membres des Forums…

- Pourquoi Arnaud Desjardins, Lee Lozowick et Stephen Jourdain? Est-ce le projet du documentaire qui t’a conduit à eux, ou l’inverse?
Oui je les connaissais tous les trois avant de commencer à travailler sur le projet du film. Je dois dire que j’étais à chaque fois émerveillé, bouleversé par la richesse, la qualité et l’intensité de ces rencontres. Vient un moment où lorsque tu tombes sur un fabuleux trésor tu as naturellement envie de le partager, avec tes parents, tes amis mais aussi avec toutes les personnes un peu curieuses et animées par le goût de la vérité. Paroles D’Hommes était une façon de répondre à ce besoin de partager avec les autres.
- Avais-tu proposé à d’autres maîtres de participer?
Oui (et je préfère ne pas citer de noms), l’un d’eux n’a pas donné suite. Pour le second il s’est avéré que cela ne fonctionnait plus avec le projet.

- Qu’as-tu appris de ton propre documentaire?

Wow, That’s a big question ! J’ai d’abord appris que, malgré l’unité de leurs réponses sur l’essentiel, certaines divergences pouvaient apparaître à d’autres niveaux. Par exemple Arnaud Desjardins croit à un réveil spirituel de grande ampleur alors que Stephen Jourdain et Lee Lozowick se montrent plutôt sceptiques sur cette question.
J’ai aussi appris des tas de choses au niveau du contenu des réponses car j’ai quand même passé une bonne centaine d’heures à visionner les rushs. Par ailleurs même si mes questions étaient volontairement assez générales, je reste convaincu par le fait que bien souvent, les réponses m’étaient adressées personnellement (ce qui n’est pas contradictoire avec le fait qu’elles s’adressent aussi à tous les spectateurs du film) et que tous trois ont glissé dans ce qu’ils disaient des indications très précises me concernant.
Enfin, mais là ça dépasse le cadre de la réalisation, j’ai appris qu’il était très difficile de vendre un film comme celui-là. Un producteur de télé m’a même répondu : « Ce que disent vos interlocuteurs est sans doute très intéressant mais il aurait mieux valu interviewer Bush et Ben Laden » !
- Lee Lozowick nous a quitté tout récemment, toi qui l’as connu, quel souvenir garderas-tu de lui?
J’en garde un souvenir inoubliable et très vivant, presque brûlant. Lee était un homme exceptionnel à bien des égards, un maître spirituel authentique, ce qui reste extrêmement rare et précieux. Il avait un style inimitable et un sens de l’humour tordant mais il pouvait aussi se montrer terrible avec l’amateurisme ou l’inconscience de ceux qui l’approchaient. C’était enfin un homme d’une grande bonté, totalement consacré aux autres et d’une grande humilité. Mais Lee ne nous a pas quitté, il a quitté son corps physique. Il reste présent dans le cœur et l’âme de tous ceux qu’il a inspirés. Il me suffit d’ouvrir son dernier livre pour sentir sa présence. Son esprit, son énergie et son héritage restent toujours bien vivants, ce n’est pas juste une façon de parler…
- Pourquoi avoir accepté notre proposition de diffuser ton film librement sur le net?
Tout simplement parce que – pour diverses raisons- ce film n’a pas pu bénéficier d’une exploitation commerciale normale et a de ce fait touché très peu de monde jusqu’ici. Or mon objectif, dès le départ, était d’essayer de faire sortir la spiritualité vivante du ghetto médiatique dans lequel elle est confinée, de faire connaître mes trois protagonistes non pas au plus grand nombre mais à des gens qui, sans jamais avoir eu l’occasion de la goûter, porteraient en eux une faim de cette nourriture spirituelle. Mon but n’a jamais été de m’enrichir financièrement avec ce projet (heureusement !) à partir de là il n’y avait plus vraiment de raison de ne pas laisser le film être diffusé librement. Mais en fait je crois que j’attendais une sollicitation. Donc la réponse est aussi : parce que vous me l’avez demandé.
“Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas”, t’exclamerais-tu« pure pensée » comme Stephen Jourdain, ou bien? Selon toi, un réveil a-t-il vraiment lieu?
Honnêtement je ne sais pas. La phrase attribuée à Malraux me permettait de dramatiser le film et me fournissait une entrée en matière assez pratique mais pour moi elle a toujours sonné comme une sorte de provocation et non comme une sentence à prendre au premier degré. Cela pourrait être la phrase d’un génial démiurge tout aussi bien que celle d’un pilier de comptoir en fin de soirée…
Lorsque j’observe le degré de matérialisme dans lequel nous nous enfonçons un peu plus chaque jour, je ne suis pas très optimisme sur le « Grand Réveil ». Par ailleurs, autant la spiritualité authentique reste marginale, autant nous assistons depuis une quinzaine d’années à une certaine mode, une sorte de vernis spiritualo-marketing : « faut rester zen », qui brouille complètement les repères et s’avère tout aussi dangereuse que le matérialisme le plus brutal.
Malgré tout, il y a eu des prises de consciences collectives et profondes indiscutables au 21ème siècle, au niveau de l’écologie puis récemment au niveau du capitalisme financier. Alors pourquoi pas au niveau spirituel? C’est à dire un retour aux valeurs de l’être comme primordiales par rapport à l’avoir, la volonté ardente et inlassable de sortir de l’égocentrisme.

- As-tu le même regard positif d’Arnaud Desjardins sur toute cette communication qui emploie l’imagerie spirituelle à des fins marchandes?

Une partie de la réponse se trouve dans la précédente. Mais d’une part Arnaud Desjardins possède une hauteur de vue qui est bien supérieure à la mienne et il perçoit sans doute des éléments qui m’échappent complètement sur la question, d’autre part il a ceci de particulier qu’il essaie toujours de retirer l’aspect positif d’un phénomène ou d’une situation aussi catastrophiques qu’ils puissent apparaître. Je concède que les enfants d’aujourd’hui sont beaucoup plus familiers des mots comme zen, bouddha, karma, chakras ou même islam et soufisme que les petits Français d’il y a cinquante ans et qu’à un moment donné de leur existence cela peut leur mettre la puce à l’oreille ; à condition qu’ils ne croient pas toute leur vie qu’il s’agit d’une vague légende, d’une marque de fringues ou de soda !
A nouveau, les choses sont sans doute en train de bouger et notamment au niveau des jeunes mais mes antennes ne sont pas assez fines pour affirmer si cela suffira à créer un réel mouvement d’ampleur.
- Envisages-tu de faire une suite, un autre volet avec d’autres personnages? Peut-être un « Paroles de Femmes »?
Oui j’avais pensé à une sorte de suite, il y a déjà plusieurs années, avec des femmes (dont certaines que j’ai déjà rencontrées et interviewées) mais j’ai du changer mes plans et le projet est resté en stand-by. Je ne l’aurais pas appelé Paroles De Femmes, notamment parce que les femmes ont beaucoup moins besoin d’être dans la démonstration argumentée que les hommes ; elles peuvent être très actives sans se mettre en avant (y compris dans la sphère spirituelle). De plus, la parole est trop peu donnée aux femmes dans un monde dominé par les hommes (ou plutôt par une certaine tendance masculine) comme le chantait déjà James Brown dans les 60′s; je devrais alors l’appeler Silences de Femmes ! Et pourtant je crois que ce monde a désespérément besoin de la dimension féminine ou d’un retour à sa juste place de la dimension féminine dans nos sociétés. Voilà, c’était un peu le fil conducteur de ce nouveau projet dont je ne sais s’il verra le jour.
- Pour finir, à l’instar de Lee Lozowick qui nous a conseillé d’aimer notre prochain comme nous-mêmes, quel conseil, à ton tour, pourrais-tu donner aux lecteurs insoumis, pour un monde meilleur?
C’est avant tout un vœu que je m’adresse à moi-même :
un effort conscient et régulier pour s’ouvrir à l’Autre, le reconnaître dans sa différence, avec l’intention farouche d’être en relation. Pas forcément dans des actions grandioses ou mêmes visibles, mais là, dans l’instant, le quotidien. Ou pour parler comme les Taoïstes (en substance) : « Occupez vous des choses insignifiantes avec la plus grande attention et les grandes œuvres prendront soin d’elles mêmes ».






Un souvenir de Lee Lozowick



La biodiversité


Ashrams (Couleur, 35+20 mn, 1959)

Film d'Arnaud Desjardins