dimanche 13 janvier 2019

Trajectoire déroutée...


Sanda Voïca est une poète roumaine qui écrit en français. Son dernier recueil, Trajectoire déroutée, qui rend hommage à sa fille brutalement disparue (1994-2015), est bouleversant : il exprime avec une telle force la vérité d'une mère frappée par une intime tragédie que le cri poétique touche à l'universel. Sa parole connaît l'art miraculeux de l'équilibre - entre pudeur et âpreté, entre simplicité et déroute des images. Sa poésie est un labyrinthe authentique : il ne s'agit pas d'échapper par un fil d'Ariane au tragique de l'existence, mais d'y demeurer tout en se laissant conduire vers ce centre ou ce cœur vers lequel converge toute la trame tissée du poème. 
Ce cœur vivant qui par tous les moyens cherche à se désintriquer du désespoir dont les mots, les pensées, la noirceur collent et engluent. Qui cherche à retrouver sa place, distincte de celle de la défunte. Qui dit l'amour inguérissable et la vulnérabilité transfigurée, devenue "talon de lumière". Et qui pratique, dans les quelques failles que la douleur immense lui a laissées, "l'écriture sainte de la joie".   


"Ligne horizontale de lumière 
Concentrée jusqu'à un bâtonnet frêle 
qui ne me quitte plus.


Je m'y installe.
Il devient vertical."

******

"On vit en immortels,
on meurt en mortels."
 
 ******

"L'écriture sainte de la joie.

Troquer une souffrance 
pour une autre.
Ma tête pousse
et les talons traînent.
La main s'accroche 
à l'air scintillant
ou au brouillard.
Je monte.

La joie est dite."

******

"J'ai vu, j'ai trouvé, j'ai compris
une chose
si claire et éclairante
mais si vite partie
que je ne puis dire
que ses ailes très longues
en vol très calme,
sans pouvoir identifier le corps."


Sanda Voïca, Trajectoire déroutée, éditions LansKine, 2018.


Pour découvrir davantage Sanda Voïca, voici le lien vers un entretien récent :


par Sabine Dewulf

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