dimanche 10 octobre 2021

Un moment avec André Comte Sponville

Gilles Farcet : 

Dans ma jeunesse, disons entre 25 et 38 ans, j’ai eu, de par ma vie professionnelle, le privilège de dialoguer avec de grandes figures intellectuelles et artistiques , dont certaines comptent parmi les plus marquantes de notre temps. Je ne parle pas du tout uniquement des figures « spirituelles » mais bien d’écrivains, philosophes, artistes… Tout en étant, de fait, une manière de « journaliste », j’ai joui d’une incroyable liberté et latitude. Les différents médias qui m’employaient (France Culture, Sens Magazine, Nouvelles Clés notamment) m’accordaient un espace rare, propice à approfondir un propos plutôt que de le survoler. 

Le temps me parait venu de republier ces entretiens, en vérité très nombreux, en commençant par peu à peu les poster sur ma page d’auteur. Presque tous ces entretiens ont au moins trente ans. Beaucoup de ceux et celles avec qui je me suis entretenu , au moins quinquagénaires ou sexagénaires à l’époque, ne sont plus de ce monde. Et comme leur parole semble pertinente… Notons que ces propos datent d’un monde d’avant internet et les réseaux sociaux. Ces rencontres ont contribué à façonner ma perspective. Elles m’ont en tout cas vacciné de certaines facilités et de bien des raccourcis pseudo spirituels. 

Aujourd'hui, après Paul Ricoeur et Albert Jaccard, Jean Marie Pelt, 

André Comte Sponville (entretien réalisé en 1991)

Je philosophe pour sauver ma peau et mon âme
Réservé, sec mais distingué, André Comte-Sponville n’a jamais donné dans la frivolité: adolescent, il songe au sacerdoce, puis abandonne le credo catholique pour les articles de foi de parti communiste. Il sort presque indemne de ces conversions successives pour, au bout de la route, se découvrir simplement philosophe… et entreprendre un autre cheminement dont ses trois ouvrages sont autant de jalons. Enseignant à Paris I, l’auteur du Traité du désespoir et de la béatitude et d’Une Education philosophique nous a rappelé que la philosophie pouvait être non seulement accessible mais plus encore attrayante sans pour autant sacrifier, comme certains, à la pensée spectacle. Sans doute faut-il y voir la raison d’un relatif succès dont cet auteur encore jeune et qui croyait n’écrire que pour les happy few s’avoue le premier surpris.
Au-delà d’une mécanique intellectuelle bien huilée, il y a chez lui comme une urgence. La démonstration à laquelle se livre le Normalien n’est que le savant emballage d’un matériau brut: le questionnement chevillé au corps d’un homme sensible que la difficulté d’être a depuis longtemps contraint à se demander comment vivre.

Gilles Farcet: Parmi les philosophes d’aujourd’hui, vous êtes un oiseau rare en ceci que pour vous, la philosophie n’est pas une fin en soi…


André Comte-Sponville: En elle-même, la philosophie n’a pas d’intérêt. Elle n’échappe au ridicule que si elle aide à vivre mieux. Ainsi que je le dis souvent, philosopher, c’est penser sa vie et vivre sa pensée. Tout le reste n’est que bavardage de la raison.
Un bavardage très répandu…
Certes! Il m’a très tôt semblé que la philosophie s’enfermait dans deux impasses: d’une part, l’érudition universitaire qui passe son temps à commenter les grands textes du passé, non pour y chercher des leçons de vie mais pour le plaisir du commentaire. Notez que cela n’est pas neuf: à l’un de ses disciples qui confondait la philosophie et l’histoire de la philosophie, Epictète adressait déjà cette remontrance: « jusqu’à quand pèseras-tu de la cendre? » Nombre de nos universitaires, y compris les plus talentueux, passent leur temps à peser de la cendre. Moi, ce qui m’intéresse, c’est la braise et le feu. D’autre part, il y a ce que j’appellerais la philosophie chic et choc, laquelle confond philosophie et journalisme, fait des livres pour le plaisir que l’on en parle, bref prend la pensée pour l’un des arts du spectacle. Entre ces deux impasses sans doute y a-t-il place pour une autre chose, à savoir la philosophie elle-même. C’est à elle que je tente de me consacrer.

Vous ramenez donc la philosophie à son étymologie, l’amour de la sagesse…

En effet. Et si je passe, dans le paysage philosophique actuel, pour un oiseau rare, je me sens par contre en accord avec tous les grands philosophes du passé, lesquels ont toujours vu la philosophie comme étant au service de la vie. C’est avec cette tradition que je renoue.
Comment en est-on arrivé à ce divorce entre la philosophie et la vie?
Je crois que, confrontés aux progrès fulgurants des sciences, les philosophes ont voulu faire aussi bien. Autrement dit, il y a chez presque tous les philosophes la volonté de faire de la philosophie une science. Or, il s’agit là d’une tentative vouée à l’échec puisque la philosophie n’est pas une science et ne saurait le devenir. Tout au plus les philosophes peuvent-ils singer la forme du discours scientifique, c’est à dire verser dans l’abstraction et adopter un vocabulaire technique. Si bien que l’on en arrive à cette situation étonnante où les philosophes ne peuvent plus être lus que par leurs pairs. Ils s’enferment dans des discours abscons qui ne sont plus intelligibles pour le public et le sont à peine, soyons francs, pour les philosophes eux-mêmes. Ce qui, du même coup, rend leurs efforts inutiles. Pascal résumait ainsi son appréciation de Descartes: « inutile et incertain ». Combien plus justement pourrait-on dire cela de Derrida, de Lyotard, de Deleuze… qui n’en sont pas moins des gens de grand talent et dont on ne saurait dire qu’ils ne travaillent pas. Je ne leur reproche que de me paraître inutile face à Epicure, Spinoza ou Montaigne, lesquels me semblent, au contraire, d’une urgence, d’une gravité, d’une importance exceptionnelles. S’ils ne sont pas moins incertains que les autres, ils sont, à mon sens, utiles.

« Ce qui m’intéresse, » dites vous, « c’est la braise et le feu »; voilà un vocabulaire de mystique…
Tout dépend ce qu’on entend par mystique. Si l’on désigne par ce mot une aventure spirituelle, il est clair que toute philosophie authentique est une mystique. Etant une aventure spirituelle, elle ne peut s’abstenir de rencontrer, entre autres choses, ce que nous disent les mystiques de leurs expériences. Plusieurs des philosophes qui m’ont le plus marqués décrivent précisément des étapes qui correspondent bel et bien à des états mystiques. Spinoza, par exemple, parle « d’éternité », de « plénitude », de « salut »; il s’agit donc bien d’un « mysticisme, mais d’un mysticisme sans mystère » dans la mesure où ce « salut » ne vaut pas après la mort mais dans cette vie-ci. Les philosophes en général se méfient du mystère puisqu’il ne désigne, au fond que notre ignorance. Ce qui est mystérieux, c’est ce que nous ne connaissons pas. Or, l’ignorance n’est jamais un argument. Je crois qu’en dépit de son étymologie, le mysticisme n’a que très peu à voir avec le mystère. Ceux qui travaillent dans le mystère, ce sont les prêtres. Je dis souvent que la religion, c’est le maximum de mystère alors que le mysticisme, c’est le maximum d’évidence. Les philosophes sont en quête d’une évidence qui serait celle de la vie, de la pensée, et non des dogmes ou des rites.

Vous faites vôtre cette définition d’Epicure: « La philosophie est une activité qui, par des discours et des raisonnements, nous procure la vie heureuse. » Les discours et les raisonnements suffisent-ils à rendre heureux? Que valent la raison et le discours face aux épreuves, ou même aux petits agacements du quotidien? Plus directement, vos discours et vos raisonnements vous ont-ils, André Comte-Sponville, procuré la vie heureuse?

D’abord, Epicure ne dit pas que la philosophie soit la seule voie d’accès au bonheur. Reste que tout homme est amené à produire des discours et des raisonnements. Etant un animal philosophant, l’homme ne peut vraiment s’en passer. Chacun parle et raisonne, autrement dit, philosophe - bien ou mal, les grands philosophes étant ceux qui nous apprennent à philosopher un peu moins mal. Cela dit, et quelque juste que soit en elle-même cette définition, il est évident que la philosophie échoue. C’est vrai, les discours et les raisonnements ne suffisent pas à être heureux. L’admettant, j’essaie de faire preuve d’une humilité théorique - à cause de laquelle je ne suis pas un philosophe dogmatique, mais un sceptique, plus proche de Montaigne ou de Hume que de Spinoza ou d’Epicure - et d’un humilité pratique: je constate que la vie est difficile, que le bonheur n’est pas à portée de main. Peut-être certains peuvent-ils l’atteindre; mais pour moi qui suis peu doué pour le bonheur, j’ai toujours le sentiment que la philosophie ne parvient pas à le procurer, pour des raisons qui tiennent à la nature elle-même de la vie et de l’individu. En revanche, je crois que la philosophie peut aider à vivre moins mal. Si elle ne suffit pas, elle permet de déblayer le terrain et de se préparer au bonheur. Il y a des discours et des raisonnements qui ouvrent à la vie, aident à vivre davantage, avec plus de clarté et de lumière, tandis que d’autres, au contraire, nous éloignent de la vie, en nous enfermant, justement, dans les discours.

Vous dites malgré tout, dans un texte retraçant votre « éducation philosophique » que la philosophie vous a rendu moins malheureux et vous aide même aujourd’hui à vivre « plutôt heureusement »…
C’est vrai. Autant je ne suis pas un sage, autant la philosophie m’a aidé à vivre mieux. Je dis souvent qu’on ne philosophe ni pour passer le temps ni pour jouer avec les concepts mais pour sauver sa peau et son âme. Eh bien, je suis toujours vivant… En dépit d’une existence qui, comme toutes les autres, fut parfois difficile et au fond, l’est encore, j’arrive à vivre d’une manière qui me satisfait. Je puis adhérer à ce qu’est mon existence et à sa difficulté. A défaut de pouvoir être heureux, ce qui supposerait d’être un sage, le premier pas vers la sagesse consiste à accepter sa folie, sa souffrance, son angoisse. Sans doute ce premier pas est-il aussi le plus difficile: devant le malheur, notre premier mouvement est de révolte, et ce refus ne fait que nous enfermer dans ce à quoi nous voudrions échapper.

Vous distinguez nettement le sage du philosophe…
Oui, et j’attache une grande importance à cette distinction. Le but n’est pas de philosopher toujours. Le sage se reconnaît à cela qu’il n’a plus besoin de la philosophie. La philosophie, c’est un certain discours; la sagesse, c’est un certain silence. Nous connaissons tous des moments de sagesse, autrement dit de paix, de simplicité, de silence. Et puis, il y a tous les autres jours, la quotidienneté et des périodes où l’existence est trop difficile pour que nous puissions habiter en paix le silence. C’est là où la philosophie est utile, voire indispensable. C’est précisément parce que je ne suis pas un sage que j’ai besoin de la philosophie.

En somme, vous ne croyez pas à la philosophie?
Pascal et Montaigne n’y croyaient pas non plus. Parfaitement lucides quant à l’échec de la philosophie, ils n’en philosophaient que mieux. C’est pourquoi Montaigne m’est si proche: il n’est sûr de rien et sait qu’il n’y a pas de recettes pour le bonheur. En revanche, il y a cette vie, dont il donne l’exemple, tantôt heureuse, tantôt malheureuse. On n’est pas heureux comme on est grand ou petit, cela dépend des jours et des moments. Mais on est plutôt plus heureux avec la philosophie que sans, du moins si l’on s’interdit l’illusion et le mensonge. Car après tout, si l’on ne voulait qu’être heureux, il suffirait de se raconter des histoires. Le plus simple serait de croire en Dieu… Or, si le bonheur est bien le but de la philosophie, il ne constitue pas sa norme. La norme de la philosophie, autrement dit la valeur à laquelle elle doit se soumettre, c’est la vérité. Je ne dois pas penser une idée parce qu’elle me rend heureux mais seulement parce qu’elle me paraît vraie. Si le philosophe a le choix entre une vérité et un bonheur, il n’est philosophe qu’en tant qu’il choisit la vérité. « Il se pourrait que la vérité fût triste », disait Renan. Il se pourrait, en effet. Mais mieux vaut une vérité triste qu’un mensonge joyeux. Mieux vaut une vraie tristesse qu’une fausse joie.

D’aucuns jugeraient suspecte cette notion de « vérité »…
Quand je parle de « vérité », j’entends bien sûr une vérité apparente, puisque l’on est jamais certain de connaître « la vérité ». Le philosophe cherche sa vérité à lui, celle qui lui paraît la plus probable. Ensuite, il s’agit de savoir comment se débrouiller pour être heureux sans perdre cette vérité de vue. Ce qui me paraît à moi, le plus probable, c’est que Dieu n’existe pas et qu’il n’y a rien après la mort. Je serais bien plus heureux si je croyais le contraire. Mais ma vérité apparente, c’est au fond le désespoir, le fait que la vérité ne répond pas à nos espérances, autrement dit que la vérité est désespérante. Tout mon parcours de philosophe consiste à ne pas transiger avec cela. N’allons pas nous inventer de fausses espérances, ne nous égarons pas dans le divertissement. Affrontons ce désespoir de face et voyons comment être, malgré tout, sinon heureux, en tout cas un peu moins malheureux.

Sur la foi, n’êtes vous pas un peu court? Les croyants sont-ils nécessairement plus heureux que vous?
La foi aide malgré tout à vivre, ne serait-ce que parce que la certitude de la mort est l’une des grandes choses qui nous séparent du bonheur. Mais il est vrai que la vie se venge et que nombre de croyants ne sont finalement pas heureux. Comme le dit fort justement Spinoza, il n’y a pas d’espoir sans crainte ni de crainte sans espoir. L’espérance religieuse, comme d’ailleurs toute espérance, recèle en son fond une angoisse. Voilà pourquoi la sagesse - la sérénité, l’absence de toute crainte - me semble, encore une fois, résider du côté du désespoir. Nous n’aurons de bonheur qu’à proportion du désespoir que nous serons capables de supporter. S’il n’y a pas non plus de bonheur dans la religion, c’est qu’elle n’est finalement qu’une espérance comme une autre.

Vous ne parlez que d’un certain stade de la foi. Reste que certains mystiques semblent bien avoir été heureux…
Affirmant qu’il n’y a pas de bonheur dans la religion, j’allais ajouter: sauf pour ceux qui n’espèrent plus rien de Dieu, peut-être parce qu’ils ont le sentiment que tout est déjà là. Mais à ce stade, ont-ils encore besoin de Dieu? En fidèle serviteur de l’Eglise, le Cardinal de Lubac condamne ce mysticisme « qui n’est souvent qu’un athéisme hypostasié ». On ne saurait mieux dire. D’où mon intérêt pour certaines formes de bouddhisme où l’on ne s’attache à construire un idole que pour ensuite la détruire. Pour moi, la seule utilité de Dieu, c’est de permettre ensuite de s’en déprendre. Toute croyance est là pour être dépassée et c’est là que l’on retrouve l’exigence de la philosophie.

Philosophe désespéré de la philosophie comme espérance, n’aspirez-vous pas à la sagesse?
Me connaissant trop bien, je suis convaincu qu’il m’est impossible de devenir sage. J’en ai rêvé, c’est vrai… du temps de ma jeunesse, lorsque je suis sorti du bavardage philosophique, je me suis lancé dans cette aventure spirituelle que j’évoquais avec une sorte d’exaltation. J’ai tellement rêvé de la sagesse que ce dont je rêvais m’est finalement apparu comme une espérance parmi d’autres qui me séparait de la vraie vie et du réel. J’ai donc commencé à y penser de moins en moins et par là-même à m’en rapprocher quelque peu. Je crois que le sage se reconnaît à ce que la sagesse n’est pas du tout son problème ni même sa solution. Montaigne est d’abord sage par son acceptation de ne pas l’être. Et puis l’on est plus ou moins doué pour la vie. Pour ma part, j’avais besoin de philosopher beaucoup pour dépasser une extrême difficulté et parvenir à survivre. Epicure et Lucrèce étaient d’accord en tout. Mais alors qu’Epicure avait tant de dispositions pour le bonheur, Lucrèce en avait tellement peu… Il n’en est que plus émouvant, que plus moderne, dirais-je même. Car peut-être avons-nous, en raison de ce qu’est notre civilisation, moins de facilité pour le bonheur que n’en avaient les anciens Grecs. Lequel d’entre-nous serait pleinement heureux face à un enfant en proie aux pires souffrances? Or, le développement de l’information nous place sans répit face à cet enfant. Cette confrontation permanente à la proximité immédiate du pire change profondément le climat spirituel de notre époque. Là encore, la vérité prime sur le bonheur. J’attache plus d’importance au fait de ne pas oublier l’atrocité environnante qu’à mon propre bonheur. Je suis un moderne et être moderne, c’est habiter l’horreur quotidienne.

Vous êtes père de famille. Votre désespoir ne vous a donc pas retenu de procréer. Or des gens dont on pourrait croire la pensée proche de la vôtre, comme Cioran ou Thomas Bernhard, parce qu’ils disent habiter l’horreur quotidienne et vivre dans la proximité du pire, se sont toujours refusé à mettre un enfant au monde…
Cela tendrait à prouver qu’aucun des deux n’a atteint l’essentiel, ne l’a seulement entrevu. Un jour que je disais à Roland Jaccard: « Au fond, la fin du monde entraînerait moins de malheur que sa continuation ». Il s’est écrié: « Avec une pensée pareille comment peux-tu faire des enfants? » Je dirais simplement ceci: on ne fait pas des enfants pour le bonheur; ni pour le sien ni même pour le leur. Mes enfants n’ont pas augmenté ma part de bonheur. Pour moi qui suis un anxieux, être père représente beaucoup d’angoisse, de soucis et de fatigue. Sans doute, la vie sans eux serait-elle plus facile. On fait des enfants pour l’amour et par l’amour. Ce que je sais d’expérience et qui prouve au moins quelque chose sur moi-même et sur ma vie, c’est que ce que j’ai vécu et vis avec mes enfants est de très loin la plus forte histoire d’amour dont j’aie jamais été capable. Je sais aussi que si nous vivons, si nous continuons cette difficile aventure qu’est la vie, c’est par amour. L’amour est la seule chose qui vaille vraiment et le rapport de filiation est le lieu même de l’amour, celui où il s’invente. Si nous avons appris à aimer, c’est pour avoir été aimés par nos parents, tous les psychologues le savent. La famille est en ceci le creuset où l’amour se reproduit et se multiplie. C’est donc parce que l’amour vaut mieux, non seulement que la haine, bien sûr, mais que le confort et la tranquillité, parce que l’amour vaut mieux que le bonheur, s’il s’agit d’un bonheur sans amour, que j’ai fait des enfants. Sincèrement, je ne le regrette pas.

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