Il y a quelques semaines, je vous avais promis une recension précise du dernier livre - tout à fait remarquable - que l'éditeur Jean-Louis Accarias consacre au sage indien Râmana Mahârshi : La voie rapide – Aphorismes et satsang. La voici donc : je vous en souhaite une bonne lecture !
Originel-Accarias
Chacun des livres qui transmettent l’enseignement de Ramana Maharshi est un trésor authentique, qui mérite à ce titre notre attention la plus vive. Celui-ci est le onzième de l’éditeur, toujours traduit et commenté par Patrick Mandala. Lire un tel ouvrage, c'est se replonger au cœur de cet essentiel que nous fuyons sans cesse, dispersés, éparpillés, écartelés par nos pensées.
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La première comporte des « Instructions spirituelles », datant de 1912 et numérotées de 1 à 19. Elle nous présente la version la plus ancienne des enseignements du Maharshi. Elle est subdivisée en différents thèmes, ce qui permet d’y trouver plus facilement des repères : 1. Les doutes. 2. Le rejet des pensées. 3. L’investigation et la grâce. 4. Le guru. 5. Le Soi intérieur. 6. L’investigation non intellectuelle. 7. Le non-agir. 8. Les samâdhi. 9. L’Absolu. 10. La demeure du Soi. 11. La question « qui suis-je ? ». 12. Le lieu secret du Soi. 13. La réalisation et l’expérience du corps. 14. Les pouvoirs supranormaux. 15. L’abandon à Dieu. 16. Les périodes de la vie et les règles sociales. 17. La société et l’humanité. 18. L’équanimité. 19. Les liens entre Shakti et shakta.
Extraits :
« Ce qui se passe quand on fait une quête sérieuse du Soi, c’est que la pensée-je en tant que « pensée » disparaît, quelque chose d’autre venu des profondeurs vous envahit et cela n’est pas le « je » qui commence cette recherche. »
« […] il n’y a pas de véritable recherche sans grâce […] ».
« Tout d’abord, demeurez dans votre soi qui est situé dans le corps et découvrez-le. Ensuite, vous pouvez penser à Brahman, la Toute-Présence. »
« Le Cœur est toujours ouvert si vous voulez y entrer, soutenant toujours tous vos mouvements même si vous l’ignorez. »
« […] votre vie devient telle une aiguille attirée par une énorme masse d’aimant, et à mesure que vous allez de plus en plus profond, vous devenez un simple centre et puis, même pas cela, vous devenez une simple conscience, il n’y a plus ici aucune pensée ni aucun souci – ils ont été détruits à la racine ; c’est un raz-de-marée, vous n’êtes plus qu’une paille, un roseau brisé ; vous êtes absorbé, brisé, avalé vivant, mais ce sont là autant de sensations agréables et délicieuses ; vous devenez la chose même qui vous absorbe entièrement. »
« Que pouvez-vous apporter à la société ou au pays quand vous êtes faible et tourmenté ? Tout d’abord, il vous faut être fort. Mais je vous dirai que la réalisation du Soi est la force suprême. »
« La force appartient au Seigneur. »
« Vous êtes un membre de la société. Celle-ci est le corps, les individus sont ses membres. […] chacun doit s’unir aux autres pour être utile à tous par la pensée, la parole et l’action. »
« En vérité, il n’y a pas d’absolue création ou d’absolue destruction. Les deux sont en mouvement constant, et cela est éternel. »
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La seconde section est constituée de 100 aphorismes intitulés « La guirlande des Paroles du Guru ». Ces aphorismes ont été recueillis, compilés et traduits en tamoul par son très proche disciple, Srî Muruganâr. Ils sont tous été relus et corrigés par le maître, puis, à la demande de celui-ci, classés par sujets par Sâdhu Natânanda, érudit et proche disciple. Ils ont ensuite été traduits en sanskrit et en anglais. La première partie concerne la « Recherche » et se trouve subdivisée en ces petits chapitres : « Dévotion » / « Guru » / « Recherche du Soi » / « Conduite du chercheur ». Cette quête engage l’être tout entier. La seconde évoque la « Pratique » ou « La vérité sur la servitude », et traite de « L’attachement ». La troisième, « Réalisation », expose l’expérience de la libération : « Non-dualité » / « Conscience » / « Le Soi » / « Le silence » / « Le libéré » / « Libération ».
Extraits :
« Cette propice et immortelle Réalité
- Laquelle demeure toujours en tant que résidu,
quand le faux soi est consumé dans le feu de
l’Illumination –
cette Réalité est le véritable sens de la « cendre
sacrée », vibuhûti.
[tous les désirs sont réduits en cendre]
« Seuls les Sages sont vertueux, non les ignorants.
C’est pourquoi, afin d’obtenir la libération,
on cultivera la compagnie des Sages [satsang],
de ceux qui sont libérés du mensonge. »
« Comme l’oubli du vrai Soi est la mort en elle-même,
le seul accomplissement engageant le chercheur du
Soi
est de veiller à ne pas oublier,
et rien d’autre. »
« Comme l’humidité, la douceur et la fraîcheur
sont en réalité de l’eau,
et non trois entités différentes,
de même, dans l’expérience du Soi,
Réalité, Conscience et extase ne sont que le vrai Soi. »
« L’état de libération peut être décrit comme sommeil
éternel,
Ou comme éveil non interrompu par le sommeil. »
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Quant à la troisième section, elle contient des réponses, extrêmement précises, du sage à des questions posées successivement par Swâmi Madhavatirtha, érudit et grand spécialiste du Vedânta qui avait pris les vœux de renoncement du sannyâsa en 1928, K. S. Narayanaswami Iyer, Ganapati Muni, proche disciple de Râmana, et B. R. Narasimha Svâmi, l’un de ses biographes.
Extrait :
« Viveka est la discrimination du réel et de l’irréel, […] qui nous aide à pratiquer le détachement, vairâgya, des émotions telles que la joie ou la peine, lesquelles perturbent l’équanimité de l’esprit. Ainsi vivka s’avère être une préparationutile et nécessaire pour atteindre cette entrée dans le Soi. Toutefois, la connaissance du réel que procure viveka n’est pas la même que le jnâna ou Connaissance du Soi. […] Le pratiquant (viveki) intellectuel du premier état connaît et raisonne à travers un médium, à travers les sens (paroksha). Celui du second, l’intuitif jnânî, fait l’expérience du réel directement et sans un médium (aparoksha). Il ne voit pas le monde comme irréel ou différent de lui-même, comme le pratiquant intellectuel. »
Sabine Dewulf
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