dimanche 7 mai 2017

Astrologie avec Jacqueline Kelen

Entretien avec Jacqueline Kelen, auteur d’une trentaine de livres consacrés aux grands mythes, aux figures mystiques et à la vie intérieure.

La Croix : Comment expliquer que toutes les cultures, à toutes les époques, se soient intéressées à l’astrologie ?

Jacqueline Kelen : C’est l’honneur de l’être humain d’étudier le ciel, d’essayer d’y décrypter des signes. Et on ne peut que s’émerveiller devant la curiosité et l’intelligence humaine qui ont permis, 3 000 ans av. J.-C. à Babylone, par l’observation des phases de la Lune, des éclipses et des mouvements planétaires, d’interpréter ces phénomènes. Car en Mésopotamie, tout ce qui bougeait dans le ciel était un message des dieux et, depuis leur ziggourat (tour d’observation), des astronomes-astrologues, considérés comme des hommes du sacré, devaient consigner précisément leurs observations.
Cette astronomie chaldéenne s’est répandue dans l’univers hellénistique puis gréco-romain et est devenue plus précise, avec l’établissement de lois et de cycles. Dans ce système, les planètes portent les noms des divinités du Panthéon (Vénus, Mars, Saturne…) et les douze signes du zodiaque, à dominante zoomorphique (Bélier, Scorpion, Poissons…), sont utilisés en fonction de leurs résonances psychologiques. Ce système symbolique s’est transmis en Occident jusqu’à aujourd’hui. Et il n’y a rien d’étonnant à retrouver des zodiaques sculptés sur les chapiteaux des basiliques romanes et des cathédrales gothiques.
Comment expliquer l’apparent paradoxe entre les mises en garde de l’Église à l’égard de l’astrologie et le fait qu’un grand nombre d’astrologues, jusqu’à la Renaissance, étaient des hommes d’Église ?
J. K. : C’est vrai que l’astrologie était à l’honneur à Rome sous les papes des XVe-XVIe siècles. Mais il s’agissait alors d’une astrologie d’érudits, sollicités pour d’importantes décisions militaires ou politiques, et qui n’avait rien à voir avec l’astrologie démocratisée d’aujourd’hui.
En fait, il y a toujours eu des controverses dans l’Église sur cette question. Ainsi vers 1492 à Florence, une disputatio eut lieu entre Marcile Ficin, médecin et astrologue, et son ami érudit, Jean Pic de la Mirandole. Tandis que le premier affirme l’influence des astres sur la destinée humaine, le second, au nom du libre arbitre, réfute toute idée d’influence. Dans sa Dispute contre l’astrologie divinatoire, Pic de la Mirandole dénonce « la croyance en cette sorte de vanité » (au sens de vain) et qualifie l’astrologie de « chose qui n’est pas absolument nécessaire à la vérité ».
En tant que chrétienne, comprenez-vous ces mises en garde de l’Église à l’égard de l’astrologie ?
J. K. : Il faut garder à l’esprit les trois temps dans lequel notre vie s’inscrit : le temps de la nature avec les cycles des saisons et constellations ; le temps historique des événements ; et l’outre-temps, messianique, qui se déploie sous le signe de l’espérance, de l’attente… Ce troisième temps, qui transcende les deux autres, est celui vers lequel tend tout pèlerin spirituel.
Il s’agit donc de savoir quelle est la finalité de l’astrologie : peut-elle aider à vivre, non seulement son existence terrestre, mais aussi sa destinée spirituelle ? Or bien souvent, l’astrologie, y compris la psycho-astrologie, est centrée sur l’ego, le moi envahissant, faisant oublier la vocation de tout homme à l’éternité.

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