vendredi 6 juillet 2012

Tous égo ?

Arnaud Desjardins : 
Je me suis beaucoup appuyé pendant les années de ma recherche sur une formule que je considère toujours comme précieuse aujourd'hui: " Pour se donner, il faut s'appartenir. " On ne peut donner que ce qui nous appartient. Comment est-ce que je peux abandonner l'ego (en anglais drop the ego - Dieu sait combien de fois j'ai entendu cette expression) si ce moi est informe, privé de forme? 

Mon propre gourou m'a dit un jour en anglais, il y a bien longtemps: " Arnaud, you are an amorphous crowd ", (" vous êtes une foule amorphe "), et comme je savais qu'il avait reçu une formation scientifique dans sa jeunesse, j'ai bien compris qu'il donnait au mot amorphe, privé de forme, un sens très précis - amorphe en chimie, c'est l'opposé de cristallisé. Une part de nous qui est touchée par une vérité - non pas seulement dans l'intellect mais dans le coeur - voudrait échapper à un certain mode de conscience que nous sentons bien comme limitatif, mais d'autres parts de nous continuent à réclamer: " Et moi, et moi, je n'ai pas reçu ça, je n'ai pas pu faire ceci, je demande encore cela. " 



Il y a donc une première étape de structuration ou même d'affirmation de l'ego avant d'envisager l'effacement de la conscience du moi dans tout ce que ce pronom présente de limitatif. Mais ce travail de structuration doit être entrepris dès le départ avec une compréhension et surtout un sentiment qui permettent l'ouverture et le dépassement. Il est important de pressentir d'emblée ce que pourrait être un état non égoïste ou non égocentrique de manière à ce que cette première affirmation de l'ego, nécessaire au début, ne soit pas le renforcement d'une prison qui ensuite deviendrait un véritable obstacle. "




"Dialogues à Deux Voies" 
Ed. La Table Ronde 
Lama D. Teundroup & Arnaud Desjardins