Réchauffons-nous auprès du feu des mots de Philippe Mac Leod :
Habituellement, nous projetons en Dieu les contours les plus sommaires de notre psychologie, alors qu'il se donne comme l'horizon de notre personne humaine. Je veux dire par là que nous ne nous comprenons bien qu'à la lumière de sa transcendance, en découvrant les liens qu'elle entretient avec ce que nous sommes au plus profond, en concevant enfin la personne comme une intimité et non plus comme une individualité.
Pour mieux l'entendre, je t'engage à fermer les yeux un moment, comme on prend du recul, et à descendre avec ton esprit à l'intérieur de ton cœur pour tenter d'approcher ce qui nous définit ou nous distingue comme personne : non pas une volonté, une raison, qui restent l'individu, encore moins les pensées qui tournoient sous la voûte de ton crâne et qu'il te faut écarter comme les feuilles coupantes d'une forêt vierge ; non plus seulement cette conscience vague dans laquelle nous baignons, mais plus loin, plus au fond, plus clair et plus aigu, quand le sentiment de soi s'affine dans le silence du recueillement, ce vibrato, ce chant de source, à la fois changeant et immuable, immobile et fuyant, cette note longuement tenue, ce murmure universel qui nous traverse de part en part, ce sentiment d'une rare pureté de l'être que nous sommes, ici et maintenant, et qui ne peut surgir qu'en parvenant à notre extrême singularité – oui, cette intériorité de plus en plus ouverte à mesure qu'elle se creuse et qui sonne comme l'alpha et l'oméga de toute chose.
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Comprends-tu maintenant ? Ce que nous appelons « l'amour de Dieu pour les hommes », qui se manifeste en plénitude dans l'incarnation, n'est autre que le murmure de son nom qu'il nous souffle éternellement, le feu de sa présence éternelle qui ne cesse de monter du foyer de notre conscience, pour peu qu'elle sache suspendre un moment son activité, se déchausser et s'agenouiller. Il ne nous aime pas extérieurement, occasionnellement, comme nous-même le faisons, mais intérieurement - d'un mot savant, je dirai : ontologiquement -, c'est-à-dire par son être et par l'être que nous sommes, en nous communiquant, nous transfusant sans cesse sa vie, en l'engendrant, en la multipliant, et c'est bien ce flux, son passage à travers nous, la joie, la plénitude qu'il laisse dans son sillage, que nous nommons « amour ».
Voir un portrait de Philippe Mac Leod
Source : La Vie - novembre 2010