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La voyant peu convaincue, nous lui expliquons que nous aussi, nous avons été débutantes, que nous avons fait plein d’erreurs, et que d’ailleurs nous continuons à en faire ! En riant, nous racontons qui un déjeuner brûlé, qui une lettre importante oubliée... Mais elle ne rit pas. Elle garde les yeux baissés, les mains serrées l’une contre l’autre. Nous sommes un peu à court d’arguments... Il semble que cette peur de se tromper, cette frayeur de « mal faire » soient si profondes que rien de ce que nous pourrions dire ne saurait les atténuer.
Elle n’est pas la première de ces personnes persuadées - depuis quand ? par qui ? - que les fautes sont impardonnables et qu’avant même d’avoir appris, elles devraient savoir ; sûres qu’une erreur est une sorte de tache morale, révélant leur incapacité profonde, leur inadaptation à être la « bonne » personne que tout le monde attend. Et sait-elle qu’elle est bien courageuse, pourtant, avec une telle appréhension, d’être venue, d’avoir risqué l’inconnu, d’être assise là devant nous ?
Alors, j’ai envie de dire à cette jeune femme : « Oui ! Trompez-vous ! Allez-y ! N’ayez pas peur, vous ne serez pas jugée, vous ne serez pas condamnée... Vous serez juste comme nous, comme tout le monde, passant d’initiatives brillantes à erreurs magistrales ! »
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Trompez-vous ! Et éclatez de rire quand vous vous en apercevez... Oh, je vois bien les gens sérieux qui se disent, que raconte-t-elle, ne sait-elle pas qu’il y a des conséquences désastreuses à certaines erreurs ? Bien sûr, nous ne pouvons pas nous tromper dans nos domaines de responsabilités, dans notre travail, des commandes à faire ou le courrier à envoyer, ni dans la préparation d’un biberon. Non ! Je parle de choses nouvelles, que ce soit un logiciel informatique ou une recette de cuisine. Je parle d’essayer : de dessiner, de coudre, d’apprendre le persan, de compter les étoiles, de prendre un chemin de traverse... C’est mettre en actes notre liberté joyeuse : découvrir, avancer, changer...
Et rire, quand on s’emmêle dans les mots, ou quand on a monté une manche à la place du col !
Alors, allez-y : lancez-vous dans l’inconnu et trompez-vous avec enthousiasme ! toujours en croissance, comme la vérité de l’arbre dans la vérité de l’infime semence, comme le balbutiement de nos pauvres mots entraînés par la plénitude où nous mène l’Esprit. Elle est comme un feu qui prend, d’une étincelle dérisoire qui se multiplie, d’un même souffle qui monte, irrésistiblement, de l’aurore au zénith, un seul jour, une même clarté se déployant.