lundi 8 février 2021

Gratitude (1)

 Le MOOC sur la transition intérieure de l'université Colibris est ouvert. Un dossier sur la gratitude y est présenté dont voici un extrait.

Pourquoi s'entraîner à ressentir la gratitude

Au sein du mouvement de la Transition, nous insistons sur l’importance de pratiquer la gratitude avant de nous plonger dans les émotions plus inconfortables. Dans cet article nous découvrons les raisons de cette posture et les richesses qui se cachent derrière cette pratique. L’article finit par vous offrir quelques pistes pour la pratiquer davantage dès aujourd’hui.

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Dominique Fortin Chrysalide

La dimension politique du coeur
Il y a 6 ans, j’étais en formation en Angleterre aux côtés de Looby Macnamara et de Peter Cow pour me former à la permaculture humaine. Le premier jour après des heures de trajet, nous créions le cercle d’ouverture et j’avais hâte d’entendre qui était là, quelles étaient leurs expériences, de pouvoir partager les miennes et de partager comment j’allais. Pourtant, à ma surprise, nous avons commencé par un tour de gratitude. Un tour de gratitude ? Le mot sonnait comme un peu poussiéreux et je me lançai dans l’exercice. Ce partage me bouleversa et des larmes me vinrent aux yeux : une première pour moi dans un tour d’ouverture, habituée à une militance à la dure où j’avais bien souvent serré les dents. Que s’était-il passé ? Ensuite nous fûmes invité·es à une marche nocturne et silencieuse pour se présenter et partager ce qui nous touchait et ce pourquoi nous étions reconnaissant·es.

La soirée terminée, je mis du temps à m’endormir car j’avais une petite colère intérieure ; mon égo frustré et mon mental insécurisé ne me laissaient pas en paix. Il m’a fallu du temps pour comprendre la révolution qui s’était opérée dans ce simple cercle d’ouverture où, au lieu de parler de soi en premier, nous remerciions les autres et le vivant. Ce rituel se poursuivit durant les 10 jours à chaque cercle d’ouverture. Cette reconnexion à l’abondance de beau, de soutien, d’amour m’a permis de me réconcilier avec une partie de moi qui aime la vie et qui s’autorise à le dire sans avoir peur d’avoir l’air ringarde ou « bisounours ». J’ai également compris que pratiquer la gratitude pour la Transition était devenu pour moi un acte politique et spirituel qui m’aide à me décentrer pour m’engager au service de plus large que moi. De plus- cerise sur le gâteau - cela me procurait des émotions positives et libératrices. J’aimais écouter les histoires des autres et j’aimais partager les miennes pour nous rencontrer à un autre endroit d’engagement que celui de la tête. Depuis lors, je muscle ma capacité à mettre la lentille de la gratitude dans mon regard sur le monde : une posture radicale et révolutionnaire qui change le monde.

Qu’est ce que la gratitude ?
Mais quelle est donc cette pratique qui m’a tant bouleversée ? Que se cache donc derrière cette notion bien connue et dont la pratique semble si révolutionnaire ?
Pour définir les contours de la gratitude, je vous renvoie à la lecture de l’un des ouvrages incontournables écrit par Joanna Macy : « L’espérance en mouvement ». Joanna commence en ces termes :

«Être vivant dans ce magnifique univers auto-organisé- participer à la danse de la vie avec des sens pour la percevoir, des poumons pour la respirer [...] - est en soi une merveille au-delà des mots. De surcroît, c’est un immense privilège d’être gratifié d’une vie humaine, avec une conscience autoréflexive qui nous permet un regard lucide sur nos propres actions et nous donne la capacité d’effectuer des choix. C’est ce qui nous permet de choisir de prendre part à la guérison de notre planète... Nous tenons trop aisément ce don pour acquis. C’est pourquoi tant de traditions spirituelles commencent par une action de grâce, pour nous rappeler que, malgré toutes nos souffrances et nos craintes, notre existence même est un bienfait immérité que nous n’aurions jamais pu créer nous-mêmes.»

Ainsi, la gratitude c’est ce «vif sentiment d’émerveillement, de la reconnaissance et de l’appréciation».

On perçoit d’ores et déjà dans cette définition le puissant potentiel de la gratitude. Et l’on peut aller encore plus loin, pour en exploiter tous les bénéfices, que Joanna Macy décrit à merveille :


  • La gratitude favorise le sentiment de bien-être. Lorsque l’on prend l’habitude d’activer notre gratitude seul ou en groupe, on entraîne plus facilement et rapidement son esprit à remarquer les aspects positifs dans notre vie… La gratitude a deux aspects : l’un est l’appréciation, où l’on ressent comme positif ce qui s’est passé ; et l’autre est l’attribution, où l’on reconnaît le rôle de quelqu’un ou de quelque chose dans ce qui est arrivé… La gratitude est une émotion sociale. Elle fait ressortir notre côté chaleureux et notre bonne volonté envers les autres.  « Quand on n’a pas le moral, on pourrait penser que c’est exagéré de porter son attention sur quelque chose d’aussi positif. Pourtant , reconnaître les dons de la vie donne des forces. En savourant ces cadeaux, nous augmentons notre faculté psychologique à garder notre équilibre et notre calme sur les flots houleux. Voilà pourquoi nos ateliers commencent ainsi. La gratitude renforce la résilience, ce qui donne des forces pour faire face aux informations perturbantes.
  • Commencer avec des émotions positives nous soutient pour accueillir celles qui sont plus inconfortables. Quand on aborde des questions telles que le changement climatique, la posture de la gratitude est une alternative rafraichissante à la culpabilité et à la peur. 
  • La gratitude renforce la confiance et la générosité, car elle nous aide à reconnaître les moments où nous avons pu compter les uns sur les autres… elle joue un rôle clef dans l’évolution du comportement coopératif et dans l’évolution des sociétés. Lorsque les niveaux de gratitude sont élevés, nous sommes non seulement plus enclins à rendre service, mais nous sommes également plus susceptibles d’aider des personnes que nous ne connaissons pas. (p. 76) La partage de la gratitude permet d’ouvrir les coeurs et créer la confiance dans le groupe.
  • La gratitude antidote au consumérisme, alors que la gratitude peut accroître le bonheur et la satisfaction de la vie, le matérialisme- le fait de donner une valeur plus élevée aux biens matériels qu’aux relations humaines profondes- à l’effet inverse... la gratitude c’est de se délecter et se sentir satisfait de ce dont on a déjà fait l’expérience, à l’inverse de ce que nous propose la publicité. L’industrie de la publicité a pour but de saper ces sentiments en nous convaincant qu’il nous manque quelque chose…. ainsi la gratitude nous fait déplacer notre attention du verre à moitié vide au verre à moitié plein.

Présentée ainsi, la gratitude semble évidente et pourtant elle reste parfois difficile à évoquer dans nos groupes. Pourquoi ne la pratiquons-nous pas davantage?

Rédigé par Cheval Noémie
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