A Angers, la veille de mon premier jour à l'université, mon ami Jean-François me demanda à quelle heure il devait régler le réveil. Je fus très sur-pris par sa question. Au Mali, nous nous réveillons avec le soleil. Même à Bamako, nous nous levons tous à l'aube avec les chèvres, les voitures, les cris des enfants. Nous ne connaissons pas la grasse matinée. Il n'est pas question d'heures, mais de
lumière.
Je vécus alors l'angoisse du réveil. Cet horrible bip-bip qui déchire les rêves. J'appris à enfermer les journées dans des horaires car j'étais toujours en retard ; préférant vivre dans le temps qui s'écoulait, je ne le structurais pas. Jean-François m'offrit un agenda et je dus me fondre dans des emplois du temps.
Longtemps je me suis demandé comment les hommes faisaient pour s'organiser à l'avance, sans laisser aucune place à l'imprévu. En prévoyant sa vie, comment fait-on pour l'inventer ? Dans mon agenda, je laisse des espaces vides pour le hasard, une respiration pour l'inattendu. Je tiens à me laisser porter par l'infinie variété de la vie qui sait nous aider quand on ouvre les yeux.
Dans le désert, nous sommes si attentifs aux moindres pulsations de la terre que nous savons, lorsque nous sommes perdus ou quand nous cherchons un puits, qu'un signe nous guidera. Nous avons confiance, alors nous n'avons pas besoin de prévoir.
On part et on se laisse surprendre par les aléas de la route."