lundi 14 décembre 2015

"Méditer, ce n'est pas gérer son temps mais mieux l'habiter" par Fabrice Midal


« Le christianisme est aujourd’hui particulièrement sensible à l’attaque faite à l’humanité de l’homme au nom d’un contrôle total. Il sait que la dictature de l’efficacité laisse sur le carreau ceux qui sont fragiles. Il sait que cette dictature nouvelle oublie que l’existence humaine est un don gratuit, qu’il faut aimer et respecter. Il sait que l’ordre de l’exploitation est mortifère, qu’il tue tout ce qu’il touche.

L’enjeu est de taille. De plus en plus souvent, sans qu’on y prenne garde, la méditation est présentée comme un outil pour être plus performant, plus efficace, plus adapté. Or, en vérité, le Christ n’est pas venu sur la terre pour dire aux hommes : « Suivez-moi et vous réussirez tout ce que vous voudrez, vous serez plus efficaces, plus performants, plus riches, plus puissants… » Non, il a montré une tout autre voie. Le Bouddha n’est pas venu sur la terre pour dire aux hommes : « Suivez-moi et vous réussirez tout ce que vous voudrez, vous serez plus efficaces, plus performants, plus riches, plus puissants... » Non, il a montré une tout autre voie.

En fait, la méditation n’est pas un outil, une technique, mais une pratique. Méditer, ce n’est pas gérer son temps mais mieux l’habiter ; ce n’est pas gérer son stress, comme on gère son compte en banque, mais se relier à lui, travailler avec lui. Le discours actuel sur l’efficacité de la méditation nie le geste salutaire que celle-ci nous offre : nous apprendre une attention nue, sans jugement, gratuite, qui ainsi apaise, guérit, nous ouvre à nous-mêmes comme aux autres – et peut nous aider à préserver le monde. J’ai la conviction que la méditation est la dernière force révolutionnaire de notre temps pour une raison majeure : elle seule coupe à la racine notre volonté de tout contrôler, de tout saisir, qui nous fait tout instrumentaliser : la terre, l’eau, les arbres, devenus « ressources naturelles », les animaux devenus simples protéines, les êtres humains devenus ressources ou capital humain.

J’ai l’espérance que la méditation nous permette de préserver la beauté et la fragilité, la tendresse et la gravité de toute existence. Qu’elle soit l’espace d’une bienveillance pour soi, pour les autres et pour le monde. Qu’elle puisse nous amener à dire non à l’injustice et à la violence, et qu’elle favorise la paix. »

Fabrice Midal

Fabrice Midal est le fondateur de l'École occidentale de méditation, où il dirige des séminaires sur la méditation laïque en rapport avec notre vie quotidienne. Il a publié Méditations sur l'Amour bienveillant (Audiolib).