lundi 29 avril 2019

Encore un livre de “spiritualité” ?

GILLES FARCET, PAGE COMMUNAUTÉ·VENDREDI 15 MARS 2019
UNE BOUSSOLE DANS LE BROUILLARD, Un chemin spirituel, pourquoi, comment et dans quel but ? A paraître en avril aux Editions du Relié.
“Si vous aviez compris tout ce que vous avez lu dans votre vie, vous auriez déjà la connaissance de ce que vous cherchez maintenant. “G.I. Gurdjieff, parole rapportée par Ouspensky dans Fragments d’un enseignement inconnu
Pourquoi écrire et publier encore un livre à propos de « spiritualité » ?... Dans l’intention de diffuser un peu de clarté, de faire un point à vocation pédagogique sur plusieurs thèmes relatifs à ce que l’on désigne couramment par ce terme. L’« éveil », la relation au maître, son rôle, sa nécessité, les possibles écueils de cette relation, le but du chemin, la notion même de voie, la nature du travail sur cette voie, la relation entre thérapie et spiritualité, la communauté spirituelle (sangha) et autres grands sujets...
Si cela m’est apparu nécessaire, c’est que, dans ce domaine, nous baignons aujourd’hui dans le flou. Approximations, pseudo vérités érigées en dogmes qui ne disent pas leur nom, lieux communs travestis en intuitions fulgurantes, platitudes maquillées en révélations, postures et parfois, disons-le, impostures. Tout cela entretient beaucoup de confusion, laquelle ne peut qu’aboutir à des égarements, des déceptions, des impasses... En fin de compte, et c’est à mes yeux le plus important, des souffrances.
Dans ma jeunesse, la lecture des premiers livres de celui qui allait devenir mon père spirituel, Arnaud Desjardins (1925- 2011) m’a dans une grande mesure, sinon sauvé, du moins épargné pas mal d’écueils. Dans ces livres, la série À la Recherche du Soi, puis Un grain de sagesse et beaucoup d’autres ensuite, Arnaud énonce certes les fondements d’un enseignement, d’une pratique, mais il dissipe aussi quantité de malentendus, rectifie des préjugés et confusions à propos de la voie. De plus, il le fait de manière très claire et pédagogique. Cette approche m’a été si bénéfique – et elle l’a été pour tant d’autres – que, à ma mesure et à ma place, j’ai senti le moment venu pour tenter, dans le même esprit, d’apporter une contribution contemporaine. Pas, je le précise, sur le plan de l’enseignement en lui-même, mais dans un souci de mise en perspective, de clarification du sens donné à certains mots, de précision quant à l’utilisation de certaines notions.
UNE CONTRIBUTION CONTEMPORAINE
Contribution contemporaine parce que le contexte, en 2018, à l’heure où j’écris ces lignes, n’est pas du tout le même qu’en 1977, année de parution du premier livre d’Arnaud que j’aie lu, À la recherche du Soi. Quant à la fin des années soixante et le début des années soixante-dix, celles où paraissaient les trois tomes des Chemins de la Sagesse, autant dire qu’elles appartiennent à une autre ère ! À l’époque, l’Occident découvrait les spiritualités et traditions hindoues, bouddhistes, soufies, entre autres, et dans le monde francophone cette décou- verte se faisait notamment à travers les films et ouvrages du même Arnaud Desjardins. Les librairies ne regorgeaient pas de livres sur ces questions. Le « développement personnel » n’existait pas, on ne parlait pas encore de Nouvel Age. On était bien loin de la « zen attitude » enseignée en entreprise et des concepts spirituels utilisés dans l’intention de rendre les managers et employés plus performants. Quant aux « éveillés » qui aujourd’hui pullulent sur le net, il n’en était pas question. On connaissait l’existence de quelques grands maîtres hindous, le bouddhisme tibétain pointait à peine son nez en Occident et le Dalaï-Lama n’y intéressait, outre de rares pratiquants, qu’une poignée d’orientalistes... En ces temps reculés, pas de séminaires et ateliers à qui mieux mieux.
SAVOIR OU CONNAITRE ?
Pour autant, en savait-on beaucoup moins ? Sans doute. Mais peut-être en connaissait-on davantage. Car nous sommes aujourd’hui dans une situation aussi intéressante que paradoxale. S’il le souhaite, tout un chacun a accès, sans effort ou presque – c’est devenu encore plus vrai avec le règne d’internet –, à une masse de savoirs et d’informations dans ce domaine, comme dans d’autres d’ailleurs. Un clic suffit, sans bouger de chez soi. C’est pratique, merveilleux d’un certain point de vue, mais aussi terrifiant... Car cette masse d’informations immédiatement accessible et disponible sans tri ni préparation n’est pas assimilable. La quantité et le mélange entretiennent souvent la confusion. Des mots perdent leur sens originel, des notions se brouillent, des concepts se vident de leur signification, des valeurs s’inversent, parfois. La thérapie est souvent assimilée à la spiritualité, la spiritualité à de la thérapie... En réaction à cela apparaissent des enseignements simplistes se voulant « radicaux ». La préoccupation du bien- être et de la santé envahit tout, des enseignements autrefois ésotériques (pas au sens poussiéreux désignant des théories et systèmes fumeux, mais au sens de cachés, réservés à un petit nombre d’élèves investis) sont sur la place publique sans pouvoir pour autant être compris, leurs versions édulcorées passant pour la version originale. Le moins qu’on puisse dire est qu’on n’y voit pas très clair ! D’où mon souhait d’apporter autant que possible un éclairage, de proposer une approche pédagogique remettant certaines choses en ordre.
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