jeudi 19 novembre 2015

LA JOIE D’ETRE de Suyin Lamour, un livre précieux



Voici un livre dont la simplicité du titre correspond parfaitement à celle du contenu. Une légèreté profonde. Ce récit écrit à la première personne du singulier se conjugue pour l’essentiel au présent de l’indicatif. Le seul temps qui puisse épouser le jaillissement de l’éternel Instant.

Trois grandes parties composent ce bref et dense ouvrage :
-          Le déclic ;
-          La vision nouvelle ;
-          La danse de la vie.

Est ici retracé un cheminement hors du temps, immergé dans le présent - la Présence :

Depuis le « déclic » qui pousse l’auteure à comprendre un jour que son expérience d’éveil, treize ans auparavant, n’était en fait qu’une expérience spirituelle spectaculaire, mais certainement pas la Libération…

...jusqu’à l’installation, peu à peu, d’une « vision nouvelle » de son être profond ; une compréhension plus fine, profonde et juste de ce qu’est le véritable Eveil, avec ses difficultés, ses étapes et la joie de goûter enfin la liberté d’être soi-même : « Je sais maintenant ce qui devait mourir, être dissous. Non pas le personnage-moi, puisqu’il n’existe pas. Mais la croyance en l’existence de ce personnage. […] Tous mes systèmes de croyance s écroulent comme un château de cartes, et je sens que ce n’est qu’un début. »

Quelle vertigineuse aventure intérieure… Et pourtant, cette plongée dans la matière, ce saut dans le vide, cette immense glissade « dans les bras de l’Etreté », tout cela se vit au plus près du simple quotidien, « comme si on ouvrait une fenêtre au petit matin ». Thème après thème – « le jeu », « le personnage », « l’amour », « la foi », « la mort », « les émotions », « le libre-arbitre », « la pratique », etc. -, la « vision nouvelle » de Sunyin Lamour se déroule, de plus en plus vive et assurée, dans la pure joie d’être au monde.      

Alors peut se déployer la « danse de la vie » : danse du je libéré avec le mouvement naturel d’une vie qui ne lui appartient pas mais qui l’emmène vers le meilleur de ce qui est à vivre. Une danse émouvante, lorsque Suyin nous entraîne avec elle dans les bois où elle se promène, parmi ses « amis de sève et de pierre », les buissons et les rochers, toute baignée de larmes d’amour, qui lui lavent le corps et le cœur. Une danse sensuelle et poétique à la fois, lorsque l’auteure se décrit, immobile, « écoutant le vent, sentant l’énergie de la nuit, la vibration de Ce qui est ». Une danse désirante aussi, animale, même, lorsque la narratrice évoque avec gourmandise son « ardente et rugissante envie ». Une danse ludiquement divine, lorsqu’elle coïncide avec le jeu d’un Dieu qui s’amuse comme un enfant à se refléter à travers ses propres formes. Une danse lumineuse et amoureuse comme une « force tranquille qui accueille tout ce qui se vit en nous et nous porte même quand tout   s’effondre »… Une danse voyageuse et miraculeuse : « Tout pétille de conscience » ; « Seul m’intéresse ce qui est dans l’instant, ce dont je fais l’expérience. »

L’une des originalités de ce livre réside dans sa sincérité et sa vivante proximité avec le lecteur. Les mots traduisent le tâtonnement de la recherche. Le lecteur accompagne tout naturellement, sans effort, l’auteure dans sa quête, dans ses croyances peu à peu démasquées, dans l’affinement progressif de sa vision des choses et d’elle-même. Ce qu’on appelle communément "éveil" est volontiers recouvert de notions mal comprises, comme la mort de l’ego. Le texte de Suyin Lamour demeure au plus près de l’expérience vécue ; son langage est clair, dépouillé, sans détours. Le bonheur de vivre est décrit dans l’immersion du quotidien, parfois semé de déceptions utiles, qui font faner les croyances illusoires et refleurir la justesse de l’expérience vécue. Jusqu’à la découverte d’une délivrance réelle, dans la Joie qui demeure.

On ne peut que recommander une telle lecture - revigorante et inspirante. La Joie d’être a le don de nous revitaliser. Et de raviver notre désir, notre quête de Liberté.          

Sabine Dewulf