dimanche 18 décembre 2016

Rayonnement du vœu... par Joshin Luce Bachoux


Calme et silence dans la salle de méditation ; un léger parfum d'encens, parfois, qui nous frôle. En ce début de nuit, la lumière dorée de la lampe se reflète sur les murs en bois blond. Les fenêtres sont des halos d'obscurité qui rendent le silence plus profond. La flamme de la lampe parfois vacille, s'élève, retombe, créant des ombres et des jeux qui mettent en relief encore davantage l'immobilité de notre assise.

Cette lampe, depuis l'époque du Bouddha, s'appelle « la lampe au bel éclat » ; elle brille dans la nuit, tout comme les Enseignements du Bouddha deviennent une lumière dans les ténèbres de notre esprit. En effet, on lit souvent dans les textes classiques une expression qui me touche beaucoup. Lorsque le Bouddha a fini de parler, les présents s'exclament : « La parole du Bouddha est comme une lampe qui éclaire notre ignorance! » Nous avons choisi pour l'autel une lampe traditionnelle, à huile, pour la douceur de sa lumière mais aussi à cause d'une histoire si célèbre au Japon qu'il en est né un proverbe : « Plus que les 10 000 lampes du riche, l'unique lampe du pauvre. » Nous sommes dans le Nord de l'Inde, il y a 25 siècles. Lorsque le Bouddha arrive au monastère de Jetavana, dans la ville de Sravasti, le roi Pasenadi fait allumer des milliers de lampes en hommage à son visiteur ; suivant cet exemple, les habitants de la ville eux aussi font des offrandes de lumière. Dans les rues de la ville, une vieille femme, une mendiante appelée Nanda, tend la main, mais tous sont si occupés à acheter des lampes, pensez, le Bouddha est là, qu'ils ne la voient même pas ! Le soir, elle se rend au magasin du marchand d'huile avec les deux petites pièces qu'elle a obtenues et un pot de terre brisé. Elle veut tout donner pour offrir une lumière, elle aussi. Touché par sa dévotion, le marchand remplit tout le pot, et la mendiante dépose son obole au pied de l'autel, sachant que, hélas, même ainsi, sa lampe ne pourra pas briller jusqu'au matin.

Au cours de la nuit, leur huile épuisée, petit à petit toutes les lampes s'éteignent, sauf celle de la mendiante. Au matin, Ananda, le plus proche disciple du Bouddha, étonné, tente d'éteindre cette lumière restante, puisqu'il fait jour, mais rien n'y fait, elle brûle toujours avec autant de clarté. D'autres disciples arrivent, s'y essayent aussi, par l'eau, par le vent, par des pouvoirs magiques, mais sans plus de succès! Le Bouddha leur explique alors que lorsque cette vieille mendiante a offert la lampe, elle l'a fait en formulant des vœux non pas pour elle, pour améliorer sa situation ou pour recevoir des aumônes, mais pour que cette lumière profite à tous, pour que tous les êtres en soient illuminés. C'est cette pensée généreuse qui maintient la lampe allumée. Le Bouddha annonce que grâce à ce don la mendiante renaîtra comme « Bouddha Éclat de la Lampe ». Le roi, qui a accumulé les cadeaux pour le Bouddha et sa communauté, n'est pas ravi, peut-être même un peu jaloux. Le Bouddha lui explique alors la force du vœu altruiste : une pensée tournée vers le bien de tous les êtres est sans égale ; ainsi celle de cette mendiante, qui ne désirait rien pour elle mais tout pour les autres, qui a donné de façon désintéressée ce qu'elle possédait, apporte dans notre monde un rayonnement qui ne s'éteint plus.

Calme et silence. Respirer. Nous sommes assis, immobiles, et nous savons que nous ne sommes pas seuls. Dans la nuit qui avance, une lumière, toujours.


Joshin Luce Bachoux, nonne bouddhiste. 
Elle anime la Demeure sans limites, temple zen et lieu de retraite à Saint-Agrève, en Ardèche.

source : La Vie
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