mardi 19 janvier 2016

"Le ventre est un symbole fort en médecine chinoise"

Haut lieu de transformation et de métabolisation des aliments, le ventre occupe une place importante dans la pensée et la médecine chinoises. Le docteur Gilles Andrès, président de l’Association française d’acupuncture, nous explique pourquoi.

Les intestins sont-ils aussi considérés comme un deuxième cerveau en médecine chinoise ?

Plusieurs points d’acupuncture du méridien du gros intestin sont spécifiques aux maladies neurologiques, comme l’hémiplégie, et certains points situés sur l’abdomen ont des indications digestives et psychiques, voire uniquement psychiques. Mais désigner les intestins comme notre deuxième cerveau me paraît exagéré. Il y a des neurones dans l’intestin, mais pas de pensées. On est plus dans le domaine du subconscient. D’ailleurs, les problèmes digestifs sont souvent liés au stress et à des choses difficiles à formuler, inconscientes. Dans la pensée chinoise, le cerveau est le siège de l’esprit et des fonctions supérieures de l’homme, tandis que le thorax abrite l’âme et le ventre plutôt les appétits grossiers.

Si le ventre est le centre des désirs, il est pourtant aussi le centre de l’homme ?

C’est là effectivement toute la subtilité de la pensée chinoise, qui mêle différents niveaux d’interprétation. Le tronc, dans la Grande Triade chinoise, est composé du thorax, qui représente le Ciel, du bas-ventre, qui correspond à la Terre, et du ventre, qui symbolise l’Homme lui-même. Le ventre est le centre même de l’homme, le lieu des transformations. C’est le réceptacle général des souffles (le qi) et la source de la vitalité, désignée chez les Japonais par hara.

Quel est le rôle des organes de la digestion dans la médecine chinoise ?

Ils sont considérés comme des zones énergétiques et chaque organe est associé à une saison, une saveur, un élément et une qualité. Ainsi, l’estomac est un lieu de transformation, l’intestin grêle un lieu de réception et de purification et le gros intestin un lieu de transmission et d’élimination. Ces processus ne sont pas purement chimiques, mais avant tout énergétiques. Chaque aliment nourrit ainsi un organe particulier à travers ses saveurs (acide pour le foie, doux pour la rate, amer pour le cœur…) ou sa nature (humide, frais, chaud, sec). D’où l’importance d’une alimentation variée, mais aussi adaptée aux saisons, aux terrains ou aux pathologies en diététique chinoise.

Comment s’interprètent les pathologies digestives ?

L’intestin grêle récolte, fait prospérer ce qui vient de l’estomac sous l’action du feu du cœur : sans cela, on assiste à des angoisses, insomnies, problèmes de concentration et difficultés digestives. La rate joue un rôle important et régit les passages à l’acte reliant la pensée, le sens et l’intention. Sa défaillance – reflet de ruminations – peut entraîner des lourdeurs, ballonnements ou brûlures digestives. Foie et vésicule biliaire forment un couple à part. La vésicule biliaire est l’organe de la décision, à l’origine du commencement et de l’action. Les personnes qui ont des problèmes de vésicule ont souvent du mal à démarrer le matin. Le foie est quant à lui le général des armées et régule les agressions digestives. Il est associé à la colère, mais aussi à la lumière et à la possibilité d’ascension spirituelle. Organe du printemps, de l’extériorisation, de l’ascension et de la créativité, il joue un rôle important dans les troubles digestifs et je constate fréquemment que les gens bloqués dans leur imaginaire présentent souvent des problèmes de foie avec des reflux, nausées, vomissements ou crises de foie. Enfin, le gros intestin est, lui, associé aux poumons, et un déséquilibre de ces deux organes peut se manifester par de la tristesse. En ce sens, la médecine chinoise fait effectivement écho aux récentes découvertes sur les liens entre émotions et intestins…