mercredi 14 mai 2025

Le jour où tout a changé



J’ai goûté, dit-elle, comme par mégarde, à la saveur d’Être. Et ce simple mot, ce mot qui pourrait glisser entre deux silences sans qu’on y prenne garde, devient ici le seuil. Non pas un événement, mais un basculement. Non pas une pensée, mais une saveur. C’est un peu comme si l’âme avait bu à la source, à peine une gorgée, mais que toute la soif du monde s’en trouvait changée.
Il est des instants où le temps s’écarte. Où l’on cesse de vouloir comprendre. Où l’on ne cherche plus à plaire, à convaincre, à blâmer. Il est des instants où l’on devient nu — comme le ciel après la pluie, comme un visage sans rôle, sans masque, sans défense. L’Être alors se donne. Non pas avec éclat, mais avec cette douceur ferme des choses essentielles : le pain, l’arbre, le regard de celui qui sait.
Quelque chose en moi, dit-elle encore, n’est pas né avec moi et ne mourra pas avec moi. Cette parole-là, on ne la dit pas sans frémir. Elle est ancienne, plus ancienne que les livres et les prières. C’est la parole du Soi, dirait Jung. Le cœur du cœur, la source d’où tout naît. C’est cette part de nous qui ne craint ni la mort ni le chaos, car elle n’y appartient pas. Elle nous habite, sans jamais nous posséder.
Et quand cette part se révèle, même pour une seconde, tout ce que l’on croyait savoir s’effondre. Il n’y a plus de plainte, plus d’accusation, plus de vouloir. L’autre cesse d’être ennemi ou allié. Il devient frère de passage. Et le monde cesse d’être un théâtre. Il devient un champ. Un jardin. Un désert sacré.
Et alors — ô miracle discret — les choses apparaissent dans leur vérité nue. Un bol devient un bol. Une main devient une main. Le vide lui-même devient lumineux.
On voudrait s’agenouiller devant cela, mais il n’y a rien devant quoi s’agenouiller. Tout est là. Rien de spectaculaire, et pourtant… tout est changé.
À ceux qui cherchent des preuves, on ne pourra rien dire. L’Être ne se démontre pas. Il se goûte. À ceux qui veulent l’atteindre, il faudra dire : il vient quand tu ne le poursuis plus. Il est timide, comme la grâce. Il est entier, comme le chagrin pur.
Et ceux qui l’ont entrevu ne le gardent pas comme un secret. Ils le vivent comme une évidence. Non pour s’en faire un blason, mais pour marcher autrement. Pour aimer un peu mieux. Pour écouter davantage. Pour parler moins.
Christiane Singer ne donne pas de méthode. Elle n’enseigne pas. Elle offre. Elle donne à voir une saveur. Et cela suffit. Car celui qui a goûté à l’Être n’a plus besoin de convaincre. Il sait. Il ne sait pas quelque chose, il est ce savoir.
Et cela — cela suffit.

Laurent Brun Lafferrere
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mardi 13 mai 2025

La vraie résistance

LA VRAIE RESISTANCE
par gros temps d’intempérance émotionnelle
et d’amalgames
toutes hontes bues
ne rien céder
à la horde
de démons intimes
ils affectaient la torpeur mais
selon leur tactique éprouvée
ils faisaient le guet
à l’affût de la survenue
de conditions et circonstances propices à leur déferlement propres à conférer
une manière de légitimité
à leurs ébats
c’est chose faite
ils possèdent
quantité de corps
qui se ruent en troupeaux tous éperdus d’opinions ivres d’indignations grisés de revendications
ne pas suivre leurs injonctions
ne pas donner de la voix
dans ce sens-ci
dans ce sens-là
prendre ses dispositions selon sa conscience
en silence
ne pas baiser
la bouche fardée de l’abjection
déjouer la toute puissance de la pulsion
s’abstenir de réagir
rester digne demeurer sobre
cultiver la mesure
préserver la compassion
veiller sur la communion
garder sa foi et sa raison
œuvrer aider prier
tirer profit de ce qui est
la vraie résistance

Giles Farcet - Dernière pluie

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lundi 12 mai 2025

Compagnon de l'instant

 

Je suis allé sur la plage,
J'ai marché le long des vagues.
Je vais et je marche
Pour être compagnon de l'océan,
Avec l'espoir qu'il m'aidera
À trouver comment écrire sur lui.
Et sans doute,
Me connaîtrai-je mieux alors.
Guillevic
Art poétique
Poésie/Gallimard

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dimanche 11 mai 2025

Emulation...

 « Il y a deux endroits dangereux dans la vie : être derrière une mule ou devant un maître » Proverbe tibétain 


Derrière une mule, on risque un coup de sabot inattendu. Devant un maître, on risque une transformation tout aussi imprévisible — mais intérieure, et elle fait aussi peur à l'ego qu'un coup de sabot. La mule symbolise un danger physique, archaïque, immédiat.

Le maître, lui, incarne un danger spirituel ou psychologique : si on s'expose trop tôt, sans préparation, on peut être bousculé, voire désorienté par sa présence, sa parole ou son silence.

Ce n’est pas que le maître soit "dangereux" par nature, mais plutôt que le rapport au maître peut l’être s’il est basé sur la projection, l'attente, ou une forme d'insouciance, souvent inconsciente.

Comme le dit un autre adage : “Le maître est un miroir ; c’est ton reflet qui peut te faire peur.”

Dans le taoïsme, un maître (師 shī) n’est pas un quelqu'un d'autoritaire, mais un être fluide, aligné avec le Tao, la Voie. Parfois, comme Gandalf dans le Seigneur des anneaux, il peut apparaître menaçant. Mais dans le film, il n'est pas possible de savoir si cette autre face de Gandalf est une projection de Frodon ou une réalité. 

Sa présence, sa parole ou son silence peuvent révéler des déséquilibres chez le ou la disciple, mettre en lumière des attachements, ou faire fondre des illusions.

Être "devant un maître", c’est : 

Se trouver exposé au non-agir agissant, qui déstabilise car il échappe aux repères habituels.

Être confronté à sa propre ignorance, son ego, ou sa fausse quête de contrôle.

Risquer la perte d’identité construite et factice au profit de sa véritable authenticité. L'ego n'est très souvent pas prêt à cette mutation profonde. Et se débattra à la hauteur de la peur qu'il a de sa propre métamorphose. 


D’où le danger : le maître ne TE fait rien. Mais en sa présence, ce que tu caches remonte à la surface. Si tu n’es pas prêt, c’est insupportable.

Le proverbe peut aussi être lu de manière psychologique :

Du point de vue de la psychologie, en particulier dans la dynamique maître-disciple, le danger réside dans :

La projection : placer sur le maître des qualités idéales (omniscience, pureté, toute-puissance).

La régression : devenir dépendant, cherchant protection ou validation comme un enfant face à un parent. 

Le transfert : transférer sur le maître des émotions anciennes, souvent liées à des figures parentales.

Être "devant un maître", c’est donc potentiellement :

Se livrer à une figure d’autorité qui devient le théâtre de notre inconscient.

Se perdre dans une quête de perfection qui nie sa propre autonomie.

Oublier que le but du maître véritable est justement de nous rendre libre de lui.

Ce proverbe est "vrai" non pas parce que le maître est un danger en soi, mais parce que notre position intérieure vis-à-vis du maître détermine la nature de la relation.

Bonne réflexion 

Fabrice Jordan

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samedi 10 mai 2025

Espace de paix


Par temps de guerre, il faut prendre en considération, l’épouvantable liberté du moineau, l’indifférence généreuse et parfumée de la rose…
Tant de vies et de sang perdus dans l’immensité heureuse du printemps,
Tous ces innocents écrasés par des chars,
Tous ces hommes enflammés par des drones…
Qui osera dire encore que la guerre est juste ?
Cela est juste absurde, contagieux comme le virus que seul le rien arrête.
Pourquoi obéissons-nous à des ordres qui nous tuent, qui détruisent tout ce qu’on peut détruire…
On ne lutte pas avec le ciel bleu !
Y a-t-il un seul obus qui ne nous retombe pas sur la tête ?
Seul l’espace en chacun de nous n’est pas atteint par la grande mitrailleuse,
là où respire l’épouvantable moineau,
la sérénité de la rose et l’invincible printemps.

Jean-Yves Leloup, Mai 2025



vendredi 9 mai 2025

La paix soit avec vous tous !

 La paix soit avec vous tous !


Frères et sœurs bien-aimés, ceci est le premier salut du Christ ressuscité, le bon pasteur qui a donné sa vie pour le troupeau de Dieu. Moi aussi, je voudrais que ce salut de paix pénètre votre cœur, qu’il rejoigne vos familles, toutes les personnes, où qu’elles soient, tous les peuples, toute la terre. La paix soit avec vous !

C’est la paix du Christ ressuscité, une paix désarmée et désarmante, humble et persévérante. Elle vient de Dieu, Dieu qui nous aime tous inconditionnellement. Nous avons encore en tête cette voix faible mais toujours courageuse du pape François qui bénissait Rome !

Le pape qui bénissait Rome bénissait le monde entier, ce matin du jour de Pâques. Permettez-moi de prolonger cette bénédiction : Dieu nous aime, Dieu vous aime tous, et le mal ne triomphera pas ! Nous sommes tous dans les mains de Dieu. Alors, sans peur, unis main dans la main avec Dieu et entre nous, avançons. Nous sommes des disciples du Christ. Le Christ nous précède. Le monde a besoin de sa lumière. L’humanité a besoin de Lui, comme d’un pont pour être rejointe par Dieu et son amour.

« Merci au pape François ! »

Aidez-nous, aidez-vous les uns les autres à construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre, en nous unissant pour être un seul peuple toujours en paix. Merci au pape François !

Je veux aussi remercier tous les frères cardinaux qui m’ont choisi comme successeur de Pierre, pour marcher avec vous, en Église unie, cherchant toujours la paix, la justice, en travaillant toujours comme hommes et femmes fidèles à Jésus-Christ, sans peur, pour proclamer l’Évangile, pour être missionnaires.

Je suis un fils de saint Augustin, un augustin, qui disait : « Avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque. » C’est dans ce sens que nous pouvons tous marcher ensemble vers cette patrie que Dieu nous a préparée.

Un salut spécial à l’Église de Rome ! Nous devons chercher ensemble comment être une Église missionnaire, une Église qui construit des ponts, qui dialogue, toujours ouverte à accueillir, comme cette place aux bras ouverts. Tous, tous ceux qui ont besoin de notre charité, de notre présence, du dialogue et de l’amour.

« Prions pour la paix dans le monde »

(En espagnol) Et si vous me le permettez, un mot, un salut à tous, et en particulier à mon cher diocèse de Chiclayo, au Pérou, où un peuple fidèle a accompagné son évêque, a partagé sa foi et a tant donné, tant donné pour continuer à être une Église fidèle de Jésus-Christ.

(En italien) À vous tous, frères et sœurs de Rome, d’Italie, et du monde entier, nous voulons être une Église synodale, une Église en chemin, une Église qui cherche toujours la paix, la charité, qui veut toujours être proche, surtout de ceux qui souffrent.

Aujourd’hui est le jour de la Supplication à la Vierge de Pompéi. Notre Mère Marie veut toujours marcher avec nous, rester proche, nous aider par son intercession et son amour.

Alors, je voudrais prier avec vous. Prions ensemble pour cette nouvelle mission, pour toute l’Église, pour la paix dans le monde, et demandons cette grâce particulière à Marie, notre Mère.

Je vous salue Marie…

Léon XIV

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jeudi 8 mai 2025

Conférence avec Emmanuel Desjardins

C'est vendredi 16 mai :







 

Dans le bon sens

 


« L’absurde naît lorsque l’être humain cherche un sens dans un univers indifférent. Mais de cet absurde jaillissent des forces : la révolte, la liberté et la passion. Accepter que la vie soit dénuée de sens intrinsèque n’est pas une résignation, c’est un appel à vivre pleinement, à créer du sens dans chaque acte, car même dans le silence du monde, l’existence mérite d’être embrassée. »

Albert Camus

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mercredi 7 mai 2025

Recréation

 

"Si tous les oiseaux étaient pris aux pièges
et tous les poissons morts dans les filets,
si tous les arbres fondaient comme la neige
et s’éteignaient, l’été, les feux follets,
si toutes les mers désertaient les grèves
ou s’il n’était plus d’anges dans le ciel,
si tu restais seul avec tes rêves
parmi l’effondrement universel,
trouverais-tu dans ton âme profonde
assez de joie pour recréer le monde ?"
Auguste Marin (1860-1904)

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peinture: Carlo Carrà 1881-1966
barca solitaria 1924

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mardi 6 mai 2025

Appel corporel pour aimer son corps...


"Téléphone-moi Appelle-moi et dis-moi Que tu m′aimes, que tu m′aimes, que tu m'aimes Téléphone-moi Rassure-moi et dis-moi Que tu m′aimes, que tu m'aimes, que tu m′aimes"

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lundi 5 mai 2025

L’Exercice sur la Voie : contrainte ou espace de liberté ?


Les deux ! Cela dépend comment nous pratiquons.


« Est-ce que le zen que je pratique est vraiment le zen ? » Question récurrente que Jacques Castermane nous pose souvent au cours des retraites au centre Durckheim. Invitation à rester en éveil, à la fois agaçante et stimulante ! La pratique régulière et spécifique d’un exercice fait immanquablement partie du monde du zen. Nous reprenons jour après jour, mois après mois, année après année un même exercice, une même technique, afin de vérifier cet adage : « Un exercice que l’on fait 10 fois est passionnant ; un exercice que l’on fait 100 fois est ennuyeux, irritant ; un exercice que l’on fait 1000 fois nous transforme.» Si l’on rajoute ce propos de K.G. Durckheim : « Un exercice que l’on fait tout le temps n’est plus un exercice, c’est une autre manière d’être », nous passons de l’exercice spécifique au quotidien comme exercice, deux piliers de la voie du zen.

Après cette introduction, force est de constater que le monde du zen nous reste parfaitement hermétique et mystérieux, car « Il n’y a de réalité dans le zen que pour la personne qui entre dans une technique » comme nous le rappellent tous les maitres zen. L’exercice spécifique est d’autant plus déconcertant qu’il est souvent simple. Par exemple, au centre Durckheim, deux exercices sont incontournables et repris quotidiennement : za-zen (l’assise immobile) et kin-hin (la marche lente).

La personne qui découvre ces pratiques a de quoi être étonnée, voire déroutée : premier jour, s’asseoir immobile et marcher lentement, selon des règles strictes ; deuxième jour, idem ; troisième jour, assise immobile et marche lente. Première retraite, deuxième retraite, troisième retraite … Encore et toujours za-zen et kin-hin. Cette répétition d’un même exercice, d’une même technique peut être vécue avec ennui, lassitude, colère. La palette des difficultés rencontrées est largement colorée, et, dans un premier temps, bien embarrassante pour un pratiquant venu chercher le calme intérieur.

Se manifeste bien souvent dans toute son ampleur le MOI désireux de passer à autre chose que ces exercices bien simplistes, effectués comme une introduction obligée à la voie du zen, mais dans l’attente d’une initiation et d’une pensée plus spirituelle à venir. Vite, passer à autre chose, penser à autre chose, et s’évader au plus vite des désagréments et inconforts de cette pratique répétitive !

L’exercice pratiqué ainsi est une contrainte, une non liberté par rapport à ce que MOI je veux, j’aime ou je désire obtenir, garder ou rejeter. Année après année, dans la parfaite immobilité, s’asseoir dans une tenue juste, une forme juste, une respiration plus juste, « juste parce que naturelle », c’est za-zen. Année après année, faire un petit pas, être son poids et sa taille à chaque pas, libérer le balancement du bassin, l’équilibre. Maitriser parfaitement ce pas, « maitriser voulant dire laisser sortir ce qui est juste », c’est pratiquer kin-hin.

Ces deux exemples d’exercices sont une contrainte pour MOI qui veut garder son rythme propre, sa façon de marcher, son contrôle de la situation, sa compréhension, ses habitudes. N’importe quel pratiquant un peu sérieux connait ces soubresauts et ces résistances face à une pratique régulière, sait de quel ennui, agacement, découragement je veux parler. Alors, pourquoi reprendre un même exercice ? Pourquoi beaucoup de ces mêmes personnes qui connaissent les difficultés évoquées ci-dessus, reviennent au centre ou entrent dans une pratique quotidienne régulière ? Une technique répétée jour après jour, sans compromis, de plus en plus précise, parfaitement maitrisée, empêche le MOI de faire ce qu’il veut. C’est justement cet aspect de la pratique qui ouvre à la chance d’une expérience, d’un autre vécu intérieur, hors de la saisie mentale.

En témoigne ces propos de Jacques Castermane lors d’un za-zen :


« L’immobilité m’empêche d’être rigide, d’être figé dans mes réactions physiques, émotionnelles ou mentales ; ces habitudes vont se détacher de MOI ». Je ne fais rien et je pourrais échapper à mes difficultés ? De l’immobilité naîtrait une manière d’être plus juste ? Il faut le pratiquer, le traverser, le vivre, pour le croire ! Ou encore : « Vous avez senti des résistances physiques, vous avez vu vos fonctionnements émotionnels et mentaux : c’est une bonne raison de reprendre l’exercice.

Vous avez senti, goûté un moment inhabituel de calme intérieur, d’ordre, d’ouverture. C’est une bonne raison de reprendre l’exercice ». L’exercice nous ouvre à la connaissance de nous-mêmes, et ouvre aussi à la connaissance du vrai soi-même, de notre vraie nature. A tous les coups on gagne … en maturité, en « être ». Si la technique pratiquée est effectivement la même, le regard sur soi-même change, le sujet qui pratique change tout le temps. Peu à peu ou subitement, nous pouvons sortir de cet esprit de répétition propre à l’ego, pour découvrir un aspect de la pratique que l’on appelle l’esprit de renouvellement, et effectivement tout change.

D’une « névrose » répétitive de perfection, nous passons à la redécouverte de principes et d’actions dont nous nous sommes coupés en donnant trop d’espace à la pensée : sensorialité, différence, impermanence, interdépendance … tant de lois vitales oubliées ! L’exercice est ce passage d’une posture contrainte et contrôlée par MOI, à la libération d’un geste renouvelé, soumis aux lois transformatrices naturelles propres au corps vivant.

Ainsi des actions universelles, immuables et infaisables peuvent nous surprendre à nouveau. Comme c’est étrange, je ne fais rien, et « je me sens nourri, vivant comme jamais ». Za-zen, parfaitement immobile : le va-et-vient du souffle m’anime, la forme respire, la tenue s’actualise à chaque instant, je suis porté par l’infaisable : « cela respire, cela se fait ».

De la technique maitrisée et renouvelée naît la pleine participation à un évènement qui s’écoule, et MOI, je n’y suis enfin pour rien : quelle vraie liberté, quel vrai calme !

Joël PAUL

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dimanche 4 mai 2025

Le goût de la vie

 


Voilà deux mois que je n’ai pas écrit de newsletter de Reflets. J’en suis désolé. Un grave accident de santé m’en a empêché. Aujourd’hui c’est la fête du travail et je ne voudrais pas gâcher cette belle fête en vous parlant de la mort. Elle aurait pu advenir mais Dieu en a décidé autrement. J’ai juste envie de dire que le goût de la vie transcende l’existence.

Il y a le goût de la vie terrestre. C’est un très bon goût. Tellement bon qu’il me donne le goût de la vie éternelle. Finalement, les deux se fondent et ne subsiste qu’un seul goût. Quelle chance nous avons de faire l’expérience de la vie terrestre, de l’incarnation !

Je constate que le goût nous vient des épreuves traversées. Inversion de sens : les souffrances vécues nous donnent le goût de la vie alors qu’on s’imagine que bien vivre c’est échapper aux épreuves. 

Être vivant, selon ce que je viens de vivre, c’est retrouver le sourire, ou encore mieux ne pas le perdre. Cela change complètement la perception de la souffrance. Elle est vaincue. Alors la mort est vaincue, comme l’a annoncé Saint Paul. La mort a été engloutie dans la victoire. (1Cor 15, 54)

Le goût, c’est le goût de la victoire de la vie.

La fête du travail est une belle fête si on ne la réduit pas aux acquis matériels. Le travail éduque à des valeurs si nécessaires pour s’accomplir. Par exemple, la persévérance, la discipline intérieure, l’attention, la clémence. 

Quand elles sont acquises profondément, nous sommes prêts à servir la vie. Le travail n’est plus le centre, c’est une tout autre activité qui commence : se tourner vers les autres au dehors, vers l’Autre au-dedans, donne un nouveau goût à l’existence. 

Christian Rœsch

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samedi 3 mai 2025

S'asseoir


Tous les matins s’asseoir, non pas pour penser à ses problèmes, ni analyser sa vie, mais simplement pour écouter. Notre quotidien est rempli d’activités et d’obligations. Au milieu de cette effervescence, si nous ne prenons pas le temps de nous poser en silence, loin du téléphone, de l’ordinateur et de toutes les personnes avec qui nous sommes en lien, nous aurons très peu de chance de reconnaître l’immensité de notre être.

Simplement s’asseoir simplifie l’instant et nous ramène à nous-mêmes. Nous pouvons alors observer ce qui nous trouble et nous agite. Nous pouvons respirer avec ce qui nous habite sans avoir besoin de trouver une solution. Dans l’assise, nous réalisons que l’agitation s’apaise dès que l’on cesse de vouloir autre chose que ce qui est là. Nous nous déposons alors dans la substance de l’instant, où nous goûtons le silence et la plénitude de notre être.

L’assise est la pratique spirituelle par excellence. Elle élimine tout pour ne laisser que l’Essentiel. Elle exige régularité et engagement, sinon son pouvoir transformateur ne peut œuvrer.

Tous les matins, on a le choix : soit on entre dans la journée emporté par le mental, ses "je dois" et ses "je veux" ; soit on s’assoit pour s’ancrer dans sa vérité fondamentale. L’assise permet de coïncider avec le réel et libère de l’emprise du mental. Nous réalisons que la vie n’est pas une lutte mais un accord juste qui se vit dans l’instant.

Ce n’est pas tous les jours facile de s’asseoir face à son chaos, face à son envie de fuir, d’être ailleurs, de regarder ailleurs. Mais si tous les jours nous renouvelons cet engagement avec nous-mêmes, une transformation intérieure se produit. Les aléas de la vie nous troublent de moins en moins, nous gagnons en sérénité, stabilité et confiance.

S’asseoir régulièrement, seul ou ensemble, permet de s’affermir et de se soutenir mutuellement dans cette pratique exigeante et profondément transformatrice pour laquelle il faut du courage et de la patience.

~ Nathalie Delay

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