mercredi 14 juillet 2021

Zazen et la recherche scientifique ? (1)

 


Dans quelques jours, cela fera quarante ans que le Centre Dürckheim a vu le jour !

L’occasion de reprendre, ce que le 12 juillet 1981 - jour de l’inauguration - Graf Dürckheim a exprimé : que ce qui l’intéresse dans le Zen est ce que cette tradition recèle d’universellement humain.

À la question : Quel est le but principal du Zen ? il répond :

« Le Zen nous enseigne le chemin de la libération de notre vraie nature d’être humain hors des chaînes d’un moi dépendant du monde. Cet Enseignement n’utilise pas les moyens d’une pensée analytique, discursive, ni ne prend la forme d’une croyance dogmatique ou d’une métaphysique spéculative, mais se présente comme un chemin d’expérience et d’exercice. »

À la question : C’est quoi l’expérience de notre vraie nature d’être humain ? Graf Dürckheim, docteur en philosophie et docteur en psychologie, propose une réponse inattendue :

« A trois ans, le tas de sable jouait pour moi un grand rôle. Il se trouvait sous un grand tilleul. Là, je « tissais » ensemble les différentes caractéristiques sensorielles. Il y avait le parfum du tilleul en fleurs, l’odeur du sable mouillé et celle du bois chauffé par le soleil d’une petite cabane où l’on rangeait les outils de jardin. Il y avait la sensation tactile, agréable, du sable que je formais dans de petits moules de bois et, toujours, le miracle de cette forme tout à coup réalisée et présente. Tout cela était animé et pénétré par le riche mélange de qualités sensorielles.

J’essayais de les revivre car elles me faisaient éprouver quelque chose de grand et de bienfaisant. Il y avait, par exemple, les beaux marrons fraîchement tombés, lisses, luisants. Leur odeur se mêlait à celle des feuilles d’automne, déjà légèrement pourrissantes, mais encore craquantes, sur le sol de l’allée de marronniers.

Le jardin était plein de nombreuses odeurs. Les bordures de buis des allées, le parfum chaud de la serre, avec ses palmiers et ses grosses grappes de raisin noir qui y mûrissaient. Le grenier à foin, le tas de fumier dans la grande cour, la merveilleuse odeur de l’écurie et de ses quatre beaux chevaux, et encore l’odeur du poulailler ou celle de la pièce où se trouvaient les poules couveuses.

Près de la maison, sur le chemin qui menait chez le pêcheur, un ruisseau coulait et dessus, en guise de pont, une planche sans parapet. Le ruisseau « gloussait » si joliment et ce gloussement gargouillant dont on ne savait pas d’où il venait, de très loin et pourtant de tout près, me remuait profondément : il appartient aux inoubliables impressions de mon enfance. Bien sûr, ces impressions sensorielles tenaient leurs qualités spécifiques profondes des circonstances où elles étaient vécues. Pourtant elles étaient elles-mêmes porteuse de ces qualités que je désignerai plus tard comme étant —la plénitude—l’ordre—l’unité. »

A trois ans ! C’est la période de notre existence (à laquelle il faut inclure la période de la gestation) au cours de laquelle la sensorialité est indépendante de l’entendement. L’expérience sensorielle est indépendante de la faculté intellectuelle de comprendre, de concevoir, de saisir ce qui est intelligible.

Notre première approche du réel a pour champ de conscience le corps-vivant ; « le corps que nous sommes (Leib) », champ de sensation, est un champ de conscience. Notre première approche du réel est pré-mentale et foncièrement libre des représentations que, ultérieurement, le moi-pensant va penser comme étant le réel. Par sa réponse, Graf Dürckheim, reprend la base des enseignements dont il a bénéficié au cours de sa plongée dans le monde du Zen au Japon : tout commence par une expérience.

Souvenez-vous !

Lorsque j’avais 3 ans. Mais aussi, lorsque j’avais 17 ans (lorsque je courais le dimanche matin, dans la magnifique forêt de Soignes) ... lorsque j’avais 25 ans (arrêté net par la beauté d’un coucher du soleil)... lorsque j’avais 40 ans (au théâtre des Champs Elysée, à l’écoute de Gymnopédie d’Eric Satie) ... lorsque j’avais 80 ans (au théâtre du Châtelet qui proposait la comédie musicale “Un américain à Paris” de Gershwin).

Ces différentes circonstances existentielles et éphémères ne sont pas la cause de l’expérience au cours de laquelle l’acte d’être a un sens. La cause des qualités d’être que sont le calme intérieur, la sérénité, la simple joie, émanent du contact avec notre vraie nature, toujours présente puisqu’en ce moment, je inspire, je expire.


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