mercredi 17 février 2021

Quel est votre exercice ?

Je pratique zazen, chaque jour, une demi-heure.

Bien. Mais êtes-vous sûr que pratiquer zazen comme vous le faites... c’est zazen ?

Question provocante que devrait se poser toute personne qui pratique zazen. Question d’autant plus justifiée lorsqu’on s’exerce depuis de nombreuses années, parce que le risque est grand de tomber dans une pratique ‘’par cœur ‘’ qui peut nous écarter de la raison d’être de la pratique de zazen : l’éveil de l’homme à sa vraie nature d’être humain.

Qu’est-ce qui me coupe de l’appartenance première et profonde à l’être, à l’acte d’être qui est ma vraie nature ?

Je pense, donc je suis ... angoissé !

C’est humain.

C’est quoi l’humain ?

C’est : « Je vis parce que je suis un être vivant ! » ET « Je pense parce que je suis un être pensant ». (Martin Heidegger)

Je pense.

J’observe que je suis soumis à une activité mentale incessante. Je suis soumis à un festival de pensées torrentueuses qui, agglomérées, conduisent à l’illusion d’être un MOI.

« Moi, je crois, que je suis, ce que je pense que je suis ! »

Cette idée donne forme à ce qu’on appelle l’identité ; « moi je suis moi et je veux rester moi ! ».

Mais ce « moi » n’a d’autre réalité que celle qu’il se fait et s’attribue ; l’ego.

Je pense parce que je suis un être pensant. Au point de tomber dans l’ignorance que « je vis parce que je suis un être vivant ».

ZAZEN est cet exercice qui a pour sens de ... perdre l’ignorance ; c’est donc un chemin de connaissance.


Je vis ! Quand et où ?

Je vis et ne peut vivre que dans le temps-vécu, le moment présent ; je vis et ne peut vivre que dans l’espace-vécu. Mais il semble qu’au niveau d’être qu’est l’ego cette vérité est insatisfaisante. Bien plus attirant est de penser le futur. Le futur qui est et ne peut être que de la pensée. Le futur, qui est à venir ... peut-être, semble plus stimulant que ce qui est réellement au moment présent. Le futur (ce qui n’est pas encore), de même que le passé (qui plus jamais ne sera) est, et ne peut être, que de la pensée.

Mon existence humaine est devenue une existence mentale, source d’images, source de pensées.

L’obsession de toute personne identifiée au niveau d’être qu’est l’ego est de donner forme à l’image qu’elle se fait d’elle-même. Compte, non pas la forme qui correspond à « je suis » mais la forme qui devrait correspondre à ce que « je pense que je devrais être » (ou, pire, la forme que les autres pensent que je devrais être).

Nombreuses sont les personnes qui viennent au Centre Dürckheim dans l’intention de fabriquer un moi idéalisé. En étant dans l’attente que le maître de maison valide ce projet (sinon, ce n’est certainement pas un maître).

Le maître de maison est un maître dans le domaine de la technique.

« Le Chemin est la technique ; la technique est le Chemin ».

Le ZEN nous enseigne le chemin de la libération de notre vraie nature enfermée dans le moi mondain. L’ego n’est pas notre vraie nature.

Le chemin de libération proposé au Centre Dürckheim est un enseignement qui n’utilise pas les moyens d’une pensée analytique, discursive, ni ne prend la forme d’une croyance dogmatique ou d’une métaphysique spéculative. L’enseignement se présente comme UN CHEMIN D’EXPÉRIENCE ET D’EXERCICE.

Au centre de la pratique il y a l’exercice appelé ZAZEN. On ne pratique pas zazen avec le mental ! Zazen est un exercice strictement corporel !

Inséparable de cet exercice fondamental est ce qu’on appelle : la pratique de la Voie dans le quotidien. De quoi s’agit-il ?


Des personnes qui viennent au Centre Dürckheim pour la première fois semblent décontenancées lorsque je les invite à exercer - tout au long de la journée - la pleine attention à ce que le maître zen désigne comme étant « les quatre attitudes corporelles dignes » : l’acte de marcher (gyô), l’acte d’être debout (jyu), l’acte d’être assis (za), l’acte d’être allongé (ga)!

Ces actions, auxquelles tout nouveau-né est soumis révèlent les intentions de l’acte d’être ; de l’être qui est notre vraie nature. Le mot nature désigne : « ce qui est en train de naître ». Il me semble devoir ajouter à ces quatre attitudes dignes : l’acte de respirer. Je respire, donc je suis ; et moi je n’y suis pour rien. »

Je vis parce que je suis un être vivant.

Corps-vivant je suis ! Il s’agit du corps-vivant dans sa globalité et son unité. « Le corps-vivant (Leib) est l’ensemble des attitudes, des gestes à travers lesquels l’homme prend forme, se présente, devient ce qu’il est ... ou se manque. » (K.G. Dürckheim)

Quel que puisse être le degré d’élévation idéaliste d’un homme, il ne peut échapper à la condition physique qui est la fondation de tout être vivant.

Zazen. Mise entre parenthèse de l’usage de notre conscience ordinaire : la conscience DE (mind).

Retour à l’usage de la conscience innée, la conscience qui est à l’origine : la conscience SANS de ; c’est la conscience sensorielle. « Ce que je désigne par l’expression ‘’notre être essentiel‘’ est plus proche de la sensation que de la pensée » (K.G.Dürckheim)

Bien. Mais que se passe-t-il lorsqu’on pratique régulièrement zazen ?

Je ne me donne pas le droit de répondre à cette question. À chacun de découvrir ce qui se passe, ce qu’on appelle le vécu intérieur, l’expérience phénoménale. Cependant il est possible d’affirmer un effet signifiant : « Lorsqu’on pratique zazen, le corps-vivant prend la forme du calme ». Et cela se voit dans notre manière d’être assis, notre manière de marcher, notre manière d’être au monde.

Jacques Castermane

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