dimanche 2 juillet 2017

Comment la méditation nous aide à moins souffrir avec Christophe André

Quels impacts la méditation peut-elle avoir sur la santé ? Le psychiatre Christophe André a fait le point en introduction de la journée organisée le 19 mai dernier à la salle Pleyel, à Paris, par La Vie et Sens & Santé.

En Orient, dans un monastère coupé du monde, un moine, au crâne rasé, médite. Tels sont les clichés qu’active le mot « méditation » dans l’esprit des Occidentaux. Ces images exotiques sont aussi des réalités. Mais en tant que médecin ou soignant, nous ne délivrons pas comme message à nos patients que pour méditer, il faut se retirer au loin. Nous leur présentons plutôt la méditation comme un moyen d’accomplir leur vie de la plus belle manière possible sans se faire violence, sans se mettre de pression excessive mais en essayant de devenir meilleur. Là où nous nous trouvons, là où nous voulons aller, la méditation peut nous accompagner.

Un entraînement de l’esprit

On ne devrait pas dire la méditation mais les méditations. Il existe en effet de nombreuses pratiques et formes de méditation. Mais lorsqu’en Occident, de nos jours, nous parlons de cette pratique sans apporter plus de précision, nous faisons référence à la méditation dite de la « pleine conscience ». Il s’agit d’un ensemble de techniques d’origine bouddhiste dont l’esprit pourrait se résumer ainsi : être davantage présents à nous, à notre vie, à l’existence, au monde, etc. En ce qui concerne la pleine conscience, ses techniques ont été laïcisées, codifiées, adaptées pour l’hôpital par le docteur en biologie moléculaire américain Jon Kabat-Zinn, en 1979, pour s’ouvrir au plus grand nombre. Toutefois sans que son message essentiel soit trahi, ni appauvri. Ainsi, tout un chacun en quelques mois peut prendre goût à cet apprentissage et décider de l’approfondir le reste de sa vie.
Si de longues années sont nécessaires pour devenir un méditant expérimenté, c’est que la méditation constitue un entraînement de l’esprit. Face à nos patients, nous la comparons souvent au sport. Pour atteindre des changements sur le long terme, il ne faut pas faire des exercices physiques durant trois mois, puis tout arrêter. Il en va de même pour la pleine conscience : il s’agit d’un entraînement de l’esprit à pratiquer à rythme régulier. C’est à cette condition que pourront s’accomplir des modifications notamment sur notre état de santé.

Être davantage présent

La méditation ne se limite pas à des exercices. L’esprit de cette pratique va plus loin. C’est être tout au long de sa journée davantage présent. Lorsque nos patients sont chez le dentiste ou dans la file d’attente d’un magasin, nous les encourageons à prendre conscience de ce qu’ils sont en train de vivre. Comment sont-ils en train de respirer ? Quelles pensées traversent leur esprit ?
Se rendre attentif aux choses agréables est, de plus, facile. Il s’agit simplement de s’arrêter, de respirer, de ressentir. Par exemple, lorsque je regarde mon enfant dormir, je peux m’absorber dans la contemplation de ce dernier. Ou, à la vue d’un ciel bleu, ressentir ma présence face à cette beauté naturelle. Toutefois, il est intéressant de réaliser également cet exercice lors d’expériences désagréables. Paradoxalement, la méditation nous apprend à ne plus avoir peur ni de souffrir, ni d’être tristes. Mais elle nous enseigne à observer comment ces états modifient notre corps et notre esprit. Régulièrement, prenez du temps pour accueillir ces sensations afin de mieux les comprendre. Les évacuer par des produits toxiques ne les ferait pas disparaître.

Du spirituel à la santé

Pendant longtemps, la méditation a appartenu quasi exclusivement à la sphère de la spiritualité et de la religion. Ce n’est pas un mal en soi. Pourtant ce cloisonnement a constitué un obstacle à son utilisation dans d’autres milieux comme la médecine ou la pédagogie. Puis, la méditation est sortie du champ strict des pratiques religieuses. Le premier palier a été franchi lorsque cette approche a commencé à être en vogue en Occident. Dans les années 1960, ce qu’on appelle la méditation transcendantale, a connu un vif succès. Même les Beatles en étaient friands.
Pour nous, soignants, la bascule s’est produite plutôt dans les années 1980. Lorsque sont sorties les premières études scientifiques sur l’impact et les bénéfices de la méditation en matière de santé. De grands personnages ont contribué à ces recherches comme Richard Davidson, un scientifique américain spécialisé dans les neurosciences contemplatives. Depuis, on assiste à une explosion de publications scientifiques autour de cette thématique. Outre les vertus démontrées par la science, le succès de la méditation s’explique aussi par le fait qu’elle répond à des problématiques liées à nos modes de vie contemporains : accélération des rythmes, obsession des résultats, interruption sans cesse de nos pensées par les publicités ou les écrans, etc.

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Contempler le monde : un exercice poétique

Est-on jamais entré dans les airs ? J'entends : à l'intérieur de l'air, comme on pénètre les flots lavés du matin. À l'intérieur des airs où loge le silence. Les airs qui font l'espace, la vision et le souffle d'un même élan. 
A-t-on jamais plongé dans la pureté des airs ? Dans le frais, dans le froid. Le clair, le vif. Le vaste. En les sentant se refermer derrière soi, plus fins que la frémissante transparence des eaux, loin au fond de la vision, et en y pénétrant avec la peau, l'œil et ses couleurs, l'ouïe comme un câble tendu dans les vents.

Les trésors du monde
On y entre en fendant la vague, d'une hauteur incommensurable, toute de verreries, s'y noyant et se redressant mille fois, ruisselant de scintillations, ou en s'égarant dans l'évanescence d'une musique omniprésente, sans jamais pouvoir épuiser l'espace qu'échafaudent les notes, marche après marche, suspendues, en s'ouvrant indéfiniment, et peut-être finirons-nous par toucher les fins cristaux de lumière qui font l'azur, les trésors du monde qui brillent au fond du ruisseau des airs.
Il n'y a pourtant qu'un seul chemin, pour monter et pour descendre - mais si tu prêtes bien attention, dans les brèches, les échancrures de la roche, il continue tout droit, d'un empan démesuré, entraînant tout ce que tu auras su regarder, porter, aimer.
Vois ce pic dressé, solitaire dans le bleu, et comme détaché de la terre, sans âge, pris dans un mouvement qui nous échappe. Vois l'étalement de sa base, les fronces, les plis amples et nombreux, puis l'irrésistible élan de son sommet. C'est ainsi que la montagne est faite, c'est ainsi que nous sommes conçus, bien que nous ayons encore à l'apprendre. Mais les airs - mais l'espace - le chant d'azur, qui pourra nous le rendre dans le murmure d'un ruisseau, qui nous en donnera l'accès, comme on enfonce le bras dans les brillances glacées pour saisir le joyau d'un galet dans la transparence ?





Ce que l'œil ne voit pas

Peut-être n'y a-t-il que ce geste d'atteindre, sans fin, par tous les chemins, le cri d'une voix infatigable, vers la lumière, l'ouvert, cette mystérieuse béance échappée des doigts d'or de la terre, qui s'allongent avec le regard, les mains tendues, le souffle éperdu remuant l'azur pour en fixer le point d'origine.
La spirale, on ne la voit pas, qui entraîne toute chose d'une invincible aimantation, du fond des vallées, où l'air se tasse et s'effiloche au long des routes, jusqu'aux clameurs de la pierre grisée d'altitude, foudroyée d'immensité. Un jour se prépare, d'un éclat insoutenable, et l'œil ne pourra le voir qu'en brûlant les contours de la vision, en écartant les ombres d'un ciel encore lourd de nos paupières soulevées. 

Regarder vers les hauteurs

Ce n'est pas l'heure, et l'herbe la guette, peuple des airs, de sa pointe minuscule dardée comme une antenne, d'un vert si fin, si aigu qu'elle couvre les pentes d'un même frémissement bleu. Tu la caresseras longtemps, tu regarderas vers les hauteurs avec elle, avant d'engager ta petite taille dans l'étroit goulet qui plonge entre les rochers.
Tu épouseras alors son louvoiement, tu entreras dans sa docilité, comme tu t'es coulé dans l'effort des lacets ascendants. Tu descendras - parce que ce mouvement est aussi celui de la terre, à part égale avec la spirale du rapace, le lasso des sentes vertigineuses. Les anges eux-mêmes, incessamment, montent et descendent, au-dessus de la tête des enfants ou des échelles suspendues dans la nuit - et ce sont eux qui font les cieux toujours ouverts.

Philippe Mac leod

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